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Lunedor le ramassa prestement et le serra contre elle. Son compagnon murmura quelques mots dans leur langue, auxquels elle répondit par la négative. Il fit un signe tranchant, mais une brève réplique le réduisit au silence.

— Nous venons avec vous, dit Lunedor en langue commune. Merci de nous offrir votre aide.

— Par là ! fit Tanis, qui fermait la marche.

Il jeta un coup d’œil derrière lui, et vit quelques manants avancer timidement à leur suite.

Quarante pieds au-dessus du sol, une corde avait été nouée à une grosse branche de la charpente.

— Ah ! s’exclama Tass en riant. C’est par là que monte la bière et que descendent les ordures !

— Je suis désolée, dit Tika à Lunedor, mais c’est la seule manière de sortir d’ici.

— Je sais me servir d’une corde, la rassura Lunedor, bien que je ne l’aie pas fait depuis des années.

Elle joignit le geste à la parole, imitée par son compagnon.

Avant que quiconque ait esquissé un geste, Raistlin sauta sans se soucier de la corde. Tous attendirent l’instant où il s’écraserait sur le sol. Mais ils le virent descendre avec aisance, sa tunique flottant autour de lui. Le cristal de son bâton était devenu lumineux.

— Il me fait froid dans le dos ! grommela Flint à Tanis avant de prendre son tour.

Vint celui de Caramon.

— Je descendrai le dernier, déclara Sturm en dégainant son épée.

— D’accord, répondit Tanis pour éviter une discussion inutile.

Son arc et son carquois à l’épaule, il se laissa glisser le long de la corde. Soudain, ses mains n’eurent plus de prise sur le chanvre. Quand il arriva en bas, ses paumes étaient ensanglantées. Mais ce n’était pas le moment de s’en soucier. Il leva les yeux vers Sturm qui amorçait sa descente.

Tika apparut au-dessus d’eux.

— Allez chez moi ! dit-elle en pointant une main vers les arbres.

— Je connais le chemin, cria Tass. Tous derrière moi !

Ils suivirent le kender le long des passerelles, puis à travers un lacis de sentiers où Tanis se sentit complètement désorienté.

— Nous nous cacherons chez Tika pour la nuit, chuchota Tanis à Sturm, au cas où quelqu’un qui nous aurait reconnu vienne nous chercher chez nous. Demain, tout le monde aura oublié l’incident. Nous emmènerons les gens des plaines dans ma maison, où ils se reposeront quelques jours. Ensuite nous les enverront à Haven, où le Conseil des Grands Questeurs parlera avec eux. Je peux même m’en occuper, car ce bâton m’intrigue…

Sturm acquiesça, lui adressant un de ses rares et mélancoliques sourires.

— Bienvenue chez nous.

— De même, répondit le demi-elfe en riant.

Dans le noir, ils se cognèrent contre Caramon qui marchait devant eux.

— Nous sommes arrivés, je crois, dit celui-ci.

À la lueur des lanternes de la ville, ils regardèrent Tass grimper le long d’un tronc avec l’agilité d’un nain des ravins. Sur le seuil de la maison de Tika, il examina la serrure et sourit d’un air satisfait. Puis il sortit quelque chose de sa poche ; en un clin d’œil, la porte fut ouverte.

— Entrez donc, dit-il sur le ton d’une maîtresse de maison.

La petite habitation fut vite pleine. Le grand barbare baissa la tête pour ne pas se cogner au plafond. Tass tira les rideaux et Sturm offrit un siège à la dame des plaines pendant que Raistlin ranimait le feu.

— Ouvrons l’œil, dit Tanis.

Caramon se posta près d’une fenêtre et scruta la nuit. Tout le monde s’observait en silence.

Tanis se laissa tomber sur un siège et regarda Lunedor.

— Le bâton au cristal bleu a guéri le bonhomme. Comment est-ce possible ?

— Je ne sais pas. Je… je ne l’ai pas depuis longtemps.

Tanis montra ses mains, dont la peau avait été arrachée par la corde, et les lui tendit. Lentement, elle approcha le bâton, qui s’illumina d’une clarté opalescente. Tanis sentit une légère impulsion parcourir son corps. Il vit le sang disparaître de ses paumes, laissant place à une peau parfaite. La douleur disparut aussi.

— Je suis bel et bien guéri ! dit-il, rempli d’une crainte respectueuse.

4

La porte ouverte. Fuite dans les ténèbres.

Assis à même le sol, Raistlin se réchauffait les mains à la chaleur des flammes. Ses yeux dorés ne quittaient pas le cristal bleu du bâton que la femme tenait contre elle.

— À quoi penses-tu ? demanda Tanis.

— Si c’est une bonimenteuse, c’en est une bonne.

— Immonde vermisseau ! Tu oses traiter la fille du chef de bonimenteuse !

L’air menaçant, le grand barbare s’était approché de Raistlin. Caramon quitta son poste d’observation et vint se camper près de son frère.

— Rivebise…, dit la femme en prenant le bras de l’homme. Je t’en prie. Il ne pense pas à mal. Il est normal qu’ils se méfient de nous. Ils ne nous connaissent pas.

— Nous ne les connaissons pas non plus.

— Permets-tu que je l’examine ? dit Raistlin.

Lunedor lui tendit le bâton. Quand il toucha la main du magicien, il émit un éclat de lumière bleue suivi d’un craquement. Laissant échapper un cri de douleur, le mage retira vivement les doigts. Caramon voulut intervenir, mais son frère l’arrêta :

— Non, Caramon, la dame n’y est pour rien.

Elle regardait le bâton avec stupéfaction.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? dit Tanis, exaspéré. Un bâton qui guérit et blesse à la fois ?

— Il n’y a que lui qui sache pourquoi. Tu vas voir. Caramon, prends le bâton !

— Non, pas moi ! protesta Caramon.

— Prends le bâton ! ordonna Raistlin.

À contrecœur, Caramon tendit la main et l’approcha de l’objet, les yeux fermés, les dents serrées dans l’attente du choc. Rien ne se passa.

Caramon ouvrit de grands yeux et saisit le bâton avec un sourire émerveillé.

— Voyez ! fit Raistlin. Seuls les êtres bons, dont le cœur est pur, peuvent le toucher. Cet objet a été fait pour guérir. Consacré par un dieu, il n’a rien de magique. Il n’y a pas d’objets magiques qui possèdent le pouvoir de guérir.

— Chut ! Voilà les gardes du Théocrate ! avertit Tass, qui guettait à la fenêtre.

Ils écoutèrent les gobelins aller et venir sur les passerelles.

— Ils fouillent toutes les habitations, dit Tanis, entendant frapper à la porte de la maison voisine.

— Ouvrez aux gardes des Questeurs ! cria quelqu’un. (Il y eut un silence, puis la voix s’éleva de nouveau :) Il n’y a personne. Faut-il enfoncer la porte ?

— Pas la peine, croassa une autre voix. Nous le dirons au Théocrate, et il l’enfoncera s’il veut. Si elle avait été ouverte, cela aurait été différent. Nous aurions pu perquisitionner.

Tanis regarda la porte qui lui faisait face. Il sentit un courant d’air. Il aurait juré qu’elle avait été barricadée… et pourtant elle était entrouverte !

— La porte ! chuchota-t-il. Caramon… !

Le guerrier s’était déjà levé. Il se colla le dos au mur à côté de l’huis.

— Ouvrez ! Nous sommes les gardes du Questeur !

Les gobelins flanquèrent des coups dans le battant, qui céda aussitôt.

— Il n’y a personne. Allons voir ailleurs.

— Tu manques d’imagination, Grum. C’est l’occasion de chiper quelques pièces…

La tête d’un gobelin apparut dans l’encadrement de la porte. Son regard tomba sur Raistlin, assis avec son bâton sur les genoux.

— Oh ! Regarde ce que nous avons trouvé ! Un bâton ! Donne-le-moi, dit-il en marchant sur Raistlin.

— Mais certainement.

Tandis qu’il tendait le bâton au gobelin, Raistlin souffla un mot de pouvoir : « Sharak ». L’objet s’illumina. Éblouis, les gobelins glapirent et fermèrent les yeux, tâtonnant pour dégainer leurs épées. Caramon en profita pour les prendre par la nuque et cogner leurs crânes l’un contre l’autre.