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— La ferme, Caramon ! jeta Raistlin en frissonnant.

— Inutile d’avoir peur, nous ne savons même pas de quoi…, commença Tanis.

Un bruit l’interrompit. Des pierres, des poutres et des blocs de mortier tombèrent dans la cave. Une gigantesque serre jaillit des débris et plongea vers eux.

Les compagnons se réfugièrent aux quatre coins de la cave, cherchant refuge sous les tonneaux éventrés. Pétrifiés, ils virent la serre sortir des décombres, laissant derrière elle une ouverture béante.

Ce fut de nouveau le silence. Personne n’osa le rompre. Nul ne se risqua à bouger.

— Il faut saisir cette chance, décida Tanis. Caramon, va voir ce qu’il se passe là-haut.

Le grand guerrier n’attendit pas la fin de la phrase pour se hisser parmi les gravats.

— Je ne vois rien, dit-il, surpris.

Tanis prit son épée et s’approcha, les yeux levés vers l’ouverture. Une silhouette noire se découpait sur le ciel rougeoyant. Derrière elle se dressait une énorme bête. Ils eurent juste le temps de reconnaître la tête d’un aigle géant, dont les yeux et le bec crochu luisaient à la lueur des flammes.

Les compagnons reculèrent, mais il était trop tard. La grande silhouette les avait repérés.

Elle s’agenouilla au bord du trou et retira le masque qui lui couvrait la tête.

— Ravi de te revoir, Tanis Demi-Elfe, dit une voix froide et claire, aussi lointaine que les étoiles.

8

La fuite de Tarsis. L’histoire des orbes draconiens.

Tandis que les dragons survolaient la cité éventrée, les armées draconiennes l’avaient envahie. À présent que les dragons s’étaient acquittés de leur tâche, leur seigneur les rappellerait à lui pour les lancer dans une nouvelle entreprise.

Rien en Krynn n’était capable de les arrêter. Parfois, cependant, un incident venait interrompre leur ronde. Un jeune dragon rouge qui conduisait un groupe fut averti qu’un combat avait lieu près d’une auberge détruite. Il s’y dirigea avec son équipe, maugréant contre l’inefficacité du commandement.

Il se remémorait les jours glorieux où Verminaard ; les menait lui-même à l’assaut, à califourchon sur Pyros. Lui au moins était un véritable Seigneur des Dragons !

— Halte ! C’est un ordre !

Le jeune dragon rouge s’arrêta net et leva les yeux. La voix claire et forte émanait d’un seigneur draconien. Malgré son ample cape et son masque rutilant, il s’agissait d’un humain, à en juger par sa voix. D’où venait-il ? Que faisait-il ici ? Pourquoi chevauchait-il un dragon bleu ?

— Quelles sont tes intentions, seigneur ? demanda le jeune dragon rouge. De quel droit nous arrêtes-tu sur un territoire où tu n’as rien à faire ?

— Mon affaire, c’est le sort de l’espèce humaine, que ce soit sur ce territoire ou ailleurs, répliqua le Seigneur des Dragons. Et mon épée me confère le droit de te donner des ordres ! Quant à mes intentions, je vous demande de capturer vivants ces misérables humains. Ils seront soumis à un interrogatoire. Amène-les-moi, tu seras bien récompensé.

— Regardez ! s’exclama un des dragons. Des griffons !

Le Seigneur des Dragons poussa une exclamation de colère. Tous regardèrent passer trois griffons qui volaient à la lisière de la fumée. Deux fois plus petits que les dragons, ils étaient redoutés à cause de leur férocité. Le groupe se dispersa à tire-d’aile devant ces créatures aux griffes et aux becs acérés, qui décapitaient les malheureux reptiliens qui se trouvaient sur leur passage.

Le jeune dragon rouge poussa un rugissement haineux, et se prépara à piquer sur les griffons. Le Seigneur des Dragons se mit en travers de son chemin.

— Je t’ai dit qu’il me les fallait vivants !

— Mais ils sont en train de s’échapper ! protesta le jeune dragon.

— Laisse-les filer. Ils n’iront pas loin. Je te décharge de ta mission. Tu peux rejoindre le reste de l’armée. Et si cet imbécile de Toede en parle, dis-lui que l’histoire de la perte du bâton au cristal bleu n’est pas oubliée. Je connais toutes les bévues de Toede, le chef des hobgobelins, et je me chargerai de les communiquer à d’autres s’il ose s’opposer à mes plans.

Éperonnant son dragon bleu, le Seigneur des Dragons s’élança à la poursuite des griffons. Grâce à leur extraordinaire rapidité, ils avaient déjà dépassé les portes de la ville.

— Inutile de me remercier, coupa Alhana Astrevent.

Chassant du revers de la main la pluie qui lui fouettait le visage, Tanis ne termina pas sa phrase. Cramponné au cou duveteux du griffon, il regarda défiler sous eux la ville réduite à néant.

— Peut-être regretteras-tu tes remerciements quand tu m’auras écoutée jusqu’au bout, déclara froidement Alhana. Je vous ai libérés pour mon propre compte. J’ai besoin de guerriers pour m’aider à retrouver mon père. Nous sommes en route pour le Silvanesti.

— Mais c’est impossible ! s’exclama Tanis. Nous devons rejoindre nos amis ! L’enjeu est beaucoup trop important ! Si nous arrivons à trouver ces orbes draconiens, nous aurons une chance d’anéantir ces horribles créatures et de mettre fin à la guerre. Après, nous pourrons aller au Silvanesti…

— Nous y allons maintenant, coupa Alhana. Ce n’est pas toi qui décides, Demi-Elfe. Les griffons n’obéissent qu’à moi. Il suffit d’un ordre de ma part pour qu’ils te mettent en pièces, comme ils l’ont fait avec les draconiens.

— Un jour, les elfes se réveilleront, et ils comprendront qu’ils appartiennent à une grande famille, dit Tanis, tremblant de colère. Ils ne pourront pas se comporter éternellement en enfants gâtés, tandis que les autres doivent se contenter des miettes.

— Nous méritons les dons que nous avons reçus des dieux. Vous autres humains et demi-humains (sa voix était cinglante comme un fouet) avez reçu les mêmes bienfaits. Mais à cause de votre avidité sans bornes, vous n’avez pas su les garder. Nous sommes ; capables de nous battre pour notre survie sans votre aide.

— Tu ne craches pas sur notre aide, en ce moment !

— Vous serez généreusement récompensés, répliqua Alhana.

— Quelles richesses possède donc le Silvanesti qui puissent nous récompenser ?

— Tu recherches les orbes draconiens. Je sais où il s’en trouve un. Au Silvanesti.

En entendant mentionner les orbes, Tanis pensa à ses amis.

— Où est passé Sturm ? demanda-t-il. La dernière fois que je l’ai vu, il était avec toi.

— Je n’en sais rien. Nous nous sommes séparés. Il est parti vous retrouver à l’auberge. Moi, j’ai fait venir mes griffons.

— Pourquoi ne lui as-tu pas demandé de t’accompagner au Silvanesti, si tu as tellement besoin de guerriers ?

— Cela ne te regarde pas, répliqua Alhana en lui tournant le dos.

Tanis était trop fatigué pour avoir les idées claires. Il se tut. Au milieu des bruissements d’ailes des griffons, une voix l’appela.

C’était Caramon, qui lui indiquait du geste quelque chose dans le lointain.

Ils avaient laissé la fumée et les nuages de Tarsis derrière eux, et volaient dans un ciel clair. La lune d’argent et la lune rouge s’étaient levées, mais Tanis n’eut pas besoin de leur lumière pour reconnaître les formes sombres qui déchiraient le ciel étoilé.

— Les dragons, dit-il à Alhana. Ils sont à nos trousses.

Tanis ne parvint jamais à se souvenir vraiment de cette fuite cauchemardesque à dos de griffons. Dans un vent glacial, il passa des jours à scruter le ciel pour surveiller leurs poursuivants.

Personne ne volait plus vite que les griffons aux ailes d’aigle. Mais les dragons bleus, les premiers qu’il voyait, les talonnaient sans relâche. Le seul événement dont Tanis garda le souvenir survint la deuxième nuit du voyage. Il était en train de raconter à ses compagnons réunis autour du feu comment il avait retrouvé Tass dans la bibliothèque de Tarsis. Quand il mentionna les orbes draconiens, les yeux de Raistlin brillèrent.