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« — Oui, si seulement Tanis était là…», dit Laurana.

Réalisant que la douleur de la jeune elfe dépassait la sienne, Sturm la serra affectueusement contre lui. La voix cinglante de Dirk leur intimant l’ordre de ne pas traîner en arrière gâcha ce bref moment de réconfort.

Le fort vent du sud qui soufflait des glaciers donnait des ailes au navire. Selon les dires du capitaine, si ces conditions se maintenaient sur la mer de Sirrion, ils seraient dans deux jours à Sancrist.

— Nous allons longer la pointe sud de l’Ergoth, dit-il à Elistan, un doigt sur la carte. Cette nuit, vous verrez l’île de Cristyne. Après, nous aborderons à Sancrist. On raconte de drôles d’histoires sur l’Ergoth du Sud, ajouta-t-il en regardant Laurana. La contrée serait remplie d’elfes, à ce qu’on dit ; moi, je ne suis jamais allé voir.

— Des elfes ! s’exclama Laurana.

— Ils ont été obligés de fuir leur pays, chassés par les armées draconiennes, d’après ce que j’ai entendu dire.

— C’est peut-être notre peuple ! dit Laurana à Gilthanas, qui, lui aussi, scrutait l’horizon.

— Plus vraisemblablement les elfes du Silvanesti, répondit Gilthanas. Je crois que dame Alhana nous a parlé de l’Ergoth. Te souviens-tu, Sturm ?

— Non, répondit le chevalier.

Il alla s’appuyer au bastingage et fixa les flots embrasés par le levant. Laurana le vit tirer un objet de son ceinturon et le caresser amoureusement. L’étoile miroita au soleil. Aussitôt, Sturm la fit disparaître.

Intriguée, Laurana allait le rejoindre quand le capitaine poussa une exclamation.

— Quel est ce bizarre nuage, là-bas, au sud ? Que quelqu’un grimpe au mât !

Le capitaine régla sa longue-vue et scruta le ciel.

— Si c’est un nuage, je n’en ai jamais vu de cette sorte ! cria la vigie.

— Je vais voir ! déclara Tass en commençant à grimper.

La masse blanche avait bien l’air d’un nuage. Mais elle se déplaçait à une vitesse singulière et…

— Donne-moi ça, dit Tass en arrachant la longue-vue des mains de la vigie. Ben ça alors ! s’exclama-t-il, l’œil collé à la lentille de verre.

Il se laissa glisser le long du cordage et atterrit sur le pont, tout essoufflé.

— C’est un dragon ! cria-t-il.

2

Le dragon blanc. Capturés !

Le dragon s’appelait Neige. Il appartenait à une espèce de taille plus modeste que les autres dragons de Krynn. Originaire des contrées arctiques, ces créatures, capables de supporter le froid le plus rigoureux, contrôlaient les régions glaciaires du sud de l’Ansalonie.

Leur petite taille leur valant d’être plus rapides, les seigneurs draconiens les chargeaient des missions de reconnaissance. Neige se trouvait donc au loin lorsque les compagnons étaient arrivés au château du Mur de Glace.

La Reine des Ténèbres avait appris qu’une bande d’aventuriers s’étaient introduits au Silvanesti, avaient réussi à vaincre Cyan Sangvert et avaient emporté l’orbe draconien.

Pour récupérer l’artefact au plus vite, la Reine des Ténèbres rappela Neige et son escadrille, et les dépêcha sur les Plaines Arides qui séparaient le Silvanesti de Sancrist. Quand Neige arriva au Mur de Glace, il était trop tard. Feal-Thas était mort, et l’orbe avait disparu. Leurs alliés thanoïs, des hommes-morses, lui firent une description détaillée des coupables et lui indiquèrent la seule route qu’ils avaient pu emprunter : celle du nord, vers Sancrist.

Quand Neige fit son rapport à la Reine des Ténèbres, celle-ci entra dans une effroyable colère. À présent, il lui manquait deux orbes ! Son pouvoir maléfique était solidement établi sur l’ensemble de Krynn, mais les forces du Bien continuaient de la narguer, voire de la tenir en échec. Un jour ou l’autre, l’ennemi pouvait découvrir le secret des orbes.

Neige fut donc chargé de récupérer l’orbe et de le remettre à la Reine des Ténèbres. Ces artefacts extraordinaires étaient pétris d’intelligence et dotés d’une résistance inouïe. Ils avaient largement survécu à leurs créateurs.

Neige s’élança au-dessus de la mer de Sirrion. Rapidement, il fut en vue du navire. C’est là que se posait le problème, et il était de taille : comment récupérer l’orbe ?

L’intelligence n’était pas le point fort des dragons blancs. Jamais on ne les avait entraînés à penser : Feal-Thas était là pour ça.

Sa première idée avait été d’emprisonner le navire dans la glace en soufflant dessus. Mais l’orbe serait alors enfermé dans une carcasse gelée qui risquait de couler à pic. D’autre part, il était hors de question de prendre le bateau dans ses serres pour le poser à terre ; il était bien trop lourd. Neige décrivit de grands cercles autour de l’esquif en se creusant la cervelle.

Au-dessous de lui, sur le pont du navire, régnait une agitation de fourmilière.

Il plana ainsi toute la journée, observant, amusé, l’effet de la panique qu’il suscitait. Au coucher du soleil, il eut une idée, qu’il mit à exécution sans tarder.

À bord, l’annonce de l’arrivée d’un dragon créa un fameux remue-ménage. Bien que le combat fût perdu d’avance, chacun fourbit ses armes. Laurana et Gilthanas tendirent leurs arcs, Sturm et Dirk vérifièrent leurs épées, Tass fit tournoyer son bâton et Flint tenta même de se lever.

Elistan priait Paladine.

Anxieux, ils suivaient des yeux le mouvement des ailes blanches qui se laissaient porter par les vents. Le dragon n’attaquait pas.

L’attente devint insupportable. Les voiles étaient en berne, et le navire oscillait au gré des courants. Les nuages qui s’étaient amoncelés au nord obscurcirent peu à peu le ciel.

Laurana baissa son arc.

Le dragon ne s’intéresse nullement à nous. Ce qu’il veut, c’est l’orbe, songea-t-elle. Sinon, il aurait attaqué depuis longtemps. Mais il ne fallait pas trahir ce secret devant l’équipage.

L’après-midi passa, le dragon tournant toujours au-dessus du bateau avec la patience d’un charognard. Le capitaine, conscient de la menace qui pesait sur son navire, était de plus en plus nerveux. Redoutant une mutinerie, il demanda aux compagnons de se mettre à couvert sous le pont.

— Terre à tribord !

Au cri de la vigie, le capitaine prit un air sinistre.

— C’est l’Ergoth ! Les courants nous entraînent sur les récifs !

Le dragon cessa de tourner. Son vol parut se suspendre. Puis il reprit son essor. Se croyant tirés d’affaire, les matelots poussèrent des cris de joie. Mais Laurana, se souvenant de Tarsis, comprit ce qui allait arriver.

— Le dragon passe à l’attaque ! cria-t-elle. Il se prépare à piquer sur nous !

– Tout le monde dans la cale ! ordonna Sturm.

Le capitaine se précipita sur le gouvernail. Sachant qu’il risquait sa vie, Sturm lui ordonna de rejoindre ses hommes. Devant son refus, il l’assomma d’un coup de poing et le jeta dans la coursive.

Le dragon heurta le pont avec une telle violence que le navire faillit chavirer. Les compagnons et les matelots furent précipités les uns sur les autres.

— C’est le moment d’invoquer ton dieu ! cria Dirk en s’extirpant d’un amas de corps.

— C’est ce que je suis en train de faire, dit froidement Elistan en aidant le nain à se relever.

Agrippée à une poutrelle, Laurana, terrorisée, attendait que tombe un déluge de feu. Soudain, un froid mordant lui coupa le souffle, pénétrant ses os jusqu’à la moelle.

— Les dragons blancs ne crachent pas de feu ! s’exclama-t-elle. Ils soufflent de la glace ! Elistan ! Tes prières ont été entendues !