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— Moi aussi ! glapit Tass.

— Et le kender ! De toute façon, il ne faut pas que le sang coule. C’est à Sturm qu’appartient la décision. Il agira selon sa conscience ; pour ma part, je pense qu’il devrait accompagner Dirk.

— Je suis d’accord avec toi, marmonna Flint. Après tout, nous ne prenons pas autant de risques qu’eux, puisque nous n’aurons pas l’orbe. Et c’est cela que veulent les elfes.

— Oui, acquiesça Silvara, sans l’orbe, nous courrons moins de dangers que les chevaliers.

— Alors ma décision est prise, dit Sturm. J’accompagnerai Dirk à Sancrist.

— Et si je t’ordonnais de rester ? demanda Dirk.

— Tu n’as pas d’ordre à me donner. Aurais-tu oublié que je n’ai pas été sacré chevalier ?

Un silence pesant accueillit la remarque.

— Non, je suis loin de l’avoir oublié, répliqua Dirk, et si cela ne tenait qu’à moi, tu ne le serais jamais !

Sturm tressaillit comme si Dirk l’avait souffleté.

Les deux hommes chargèrent leurs paquetages. Laurana s’avança vers eux.

— Tu pourrais venir avec nous, lui proposa Sturm. Tanis sait que nous allons à Sancrist, et il fera son possible pour y être.

— C’est vrai ! dit Laurana, les yeux brillants. Ce n’est pas une mauvaise idée. (Son regard revint à Silvara, qui, les yeux fermés, semblait entrer en communication avec l’Au-delà.) Non, Sturm, il faut que je reste près d’elle. Il y a quelque chose qui cloche. Je ne comprends pas… Mais revenons à Dirk. Pourquoi insiste-t-il pour partir seul ? Flint a raison : si les elfes vous capturent, ils n’hésiteront pas à vous tuer.

— Quelle question ! Le seigneur Dirk Gardecouronne, après avoir bravé d’innombrables dangers, accomplit sa périlleuse mission et rapporte l’orbe tant convoité… ! Tu imagines ! fit Sturm en haussant les épaules.

— Mais l’enjeu est capital, protesta Laurana.

— Tu as raison, Laurana. Beaucoup de choses sont en jeu… Bien plus que tu ne crois. En particulier le commandement suprême des Chevaliers de Solamnie ! Je n’ai pas le temps de te l’expliquer maintenant…

— Allons, Lumlane, si tu tiens à venir, c’est tout de suite !

Sturm s’inclina devant Laurana avec l’élégance qui lui était coutumière.

— Bon voyage, mon ami, répondit-elle en lui sautant au cou.

Il déposa un baiser sur le front de la jeune elfe.

— Nous remettrons l’orbe aux sages, qui sauront l’étudier. Le Conseil de Blanchepierre doit se réunir sous peu. Les elfes y assisteront, puisqu’ils ont leur mot à dire. Viens le plus tôt possible, Laurana, ta présence est indispensable.

— J’y serai, si les dieux le veulent, répondit-elle, les yeux fixés sur Silvara qui tendait l’orbe à Dirk.

Le visage de l’elfe sauvage prit une expression d’intense soulagement lorsque le chevalier se fut engagé.

Sturm fit un signe d’au revoir et lui emboîta le pas.

Laurana fit un pas dans leur direction.

— Attendez ! cria-t-elle. Il faut emmener la Lancedragon.

— Non ! fit Silvara en essayant de la retenir.

— Qu’est-ce qu’il te prend ? Pourquoi leur as-tu suggéré de partir ? Pourquoi es-tu si pressée que nous nous séparions ? Pourquoi l’orbe, et pas la Lancedragon ?

Silvara haussa les épaules et ne répondit pas. Laurana se sentit dominée par l’éclat intense de ses yeux bleus. Elle lui rappelait terriblement Raistlin.

Gilthanas considérait lui aussi l’elfe sauvage avec perplexité. La mine sérieuse, Théros regarda Laurana, comme pour dire qu’il commençait à partager ses doutes. Mais leur sort était entre les mains de Silvara. Subjugués, ils ne firent pas un geste. L’elfe sauvage se dirigea calmement vers le sac que Laurana avait laissé par terre et en tira le morceau de lance brisée.

— Lancedragon restera avec moi, dit Silvara en parcourant le groupe d’un regard hypnotique. Et vous aussi.

7

Sinistre voyage.

Derrière eux, l’avalanche déclenché par Gilthanas dévala la montagne comme une nappe blanche qui recouvrit leurs traces.

Sous la conduite de Silvara, les compagnons s’étaient engagés en direction de l’est. Pour masquer l’absence des deux chevaliers, ils prenaient de telles précautions à chaque pas que Laurana s’en irrita.

— Ne t’inquiète pas, ils n’auront aucun mal à nous suivre, dit Silvara.

— Comment peux-tu être aussi sûre de toi ?

— Parce qu’ils savent où nous allons. Tu ne t’étais pas trompée en pensant que je leur avais laissé des indices. Sous les brindilles et le charbon de bois que tu as dispersés d’un coup de pied, il y a une carte que j’ai tracée en vitesse. Quand ils la trouveront, ils penseront que je l’ai dessinée pour vous expliquer le chemin. Elle sera encore plus crédible avec les brindilles.

La voix de Silvara s’était adoucie lorsque son regard rencontra celui de Gilthanas. Il détourna la tête. L’elfe sauvage pâlit.

— Je ne l’ai pas fait sans raison, plaida-t-elle. Dès que j’ai vu leurs traces devant la caverne, j’ai su qu’il fallait se séparer. Il faut me croire !

— Et l’orbe ? Qu’as-tu essayé de faire ? demanda Laurana.

— Mais… rien, hésita Silvara. Il faut me croire !

— Je ne vois pas pourquoi, répliqua froidement Laurana.

— Je n’ai rien fait de mal…

— Qui nous dit que tu n’as pas attiré les chevaliers et l’orbe dans un piège mortel ? insista Laurana.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria Silvara. Croyez-moi. Ils ne risquent rien. Il fallait sauver l’orbe, qui ne doit pas tomber entre les mains des elfes. Voilà pourquoi je les ai éloignés, et pourquoi je vous ai aidés à fuir ! (Elle huma l’air à la façon d’un animal.) Venez, nous n’avons que trop traîné !

— Encore faut-il que nous voulions te suivre ! lança Gilthanas. Que sais-tu de cet orbe ?

— Ne me demande pas ça ! répondit Silvara d’une voix triste.

Ses yeux bleus exprimaient un tel amour que Gilthanas détourna le regard. Elle le prit par le bras et lui parla d’une voix tendre.

— Je t’en prie, shalori, bien-aimé, aie confiance en moi ! Souviens-toi de notre conversation, au bord du fleuve. Tu disais t’être mis hors la loi par fidélité à tes convictions. Je t’ai dit que je te comprenais, parce que j’avais fait la même chose. Tu ne me croyais pas ?

— Je t’ai crue, répondit-il après un silence. Nous te suivrons. Viens, Laurana.

Bras dessus, bras dessous, Silvara et Gilthanas gagnèrent le sentier enneigé.

Laurana regarda ses compagnons. Ils évitèrent son regard. Ce fut Théros qui rompit le silence.

— Jeune femme, dit le forgeron, cela fait cinquante ans que je suis au monde. Cela n’impressionne pas beaucoup les elfes, je sais. Mais pour nous, les humains, le temps que nous vivons compte de manière décisive. Eh bien je t’assure que ces deux-là s’aiment autant qu’il est possible ! Un amour pareil n’a rien de maléfique. Alors, je suis prêt à les suivre jusque dans l’antre d’un dragon.

Le forgeron fit un pas vers le sentier.

— J’ai tellement froid aux pieds que je les suivrais dans l’antre d’un dragon pour me réchauffer les orteils ! déclara Flint. Allez, viens, on y va, ajouta-t-il, tirant Tass dans son sillage.

Laurana resta toute seule. Elle savait qu’elle les suivrait ; il n’y avait rien d’autre à faire. Elle ne demandait qu’à croire Théros. Pour une fois, il était bon de penser qu’il en allait ainsi dans le monde. Elle s’était trompée sur beaucoup de choses.

Pourquoi ne se serait-il pas agi d’amour entre les deux jeunes gens ?

Après avoir franchi le col, ils descendirent une forte pente. Aux rochers couverts de glace succédèrent des arbres décharnés, puis une forêt. Ils arrivèrent dans une vallée envahie par un brouillard d’une telle densité qu’on l’aurait cru palpable. Main dans la main pour ne pas se perdre, ils suivirent la chevelure d’argent de Silvara qui leur servait de repère.