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— Mais fais quelque chose ! hurla Tass.

— Inutile-de-te-mettre-dans-des-états-pareils ! répondit Gnosh, furieux. Et-laisse-moi-finir-ma-description-du-dispositif-de-sécurité-en-cas-d’urgence… Ouh ! Eh-bien-ça-y-est…

Médusé, Tass vit le fond de six énormes barriques s’ouvrir au niveau trois ; elles crachèrent une avalanche d’éponges qui recouvrit rapidement le sol du rez-de-chaussée. Tous les cas de figures avaient apparemment été prévus.

Par bonheur, au niveau huit, le filet s’enroula in extremis autour de Fizban et le déposa sur la terre ferme. Entendant le magicien proférer force imprécations et jurons, les gnomes ne montrèrent aucun empressement à dérouler le filet.

— Tout-va-bien-à-présent-c’est-à-toi ! déclara Gnosh.

— Une dernière question ! s’écria Tass en prenant place dans la catapulte. Que se passe-t-il quand le système des éponges se coince ?

— Une-solution-très-pratique ! répondit joyeusement Gnosh. Si-les-éponges-sont-en-retard, le-signal-d’alarme-libère-l’eau-d’une-gigantesque-citerne-centrale. Il-ne-reste-plus-qu’à-nettoyer-les-dégâts.

Le machiniste abaissa le levier.

Alors qu’il s’attendait à découvrir une infinité d’objets fascinants dans la salle d’études, Tass fut déçu. La pièce n’était meublée que de trois tables. Elle était éclairée par une ouverture qui laissait entrer la lumière du jour. Un nain en visite chez les gnomes leur avait soufflé cette invention simple et néanmoins géniale, qu’il appelait « fenêtre ». Sur la table centrale, trônaient l’orbe draconien et le bâton à frondes, autour desquels se pressaient les gnomes.

Tass nota que l’orbe avait repris ses dimensions initiales. C’était une simple boule de cristal habitée de volutes laiteuses. L’expression d’ennui du chevalier qui la gardait changea à l’arrivée des étrangers.

— Calme-toi-tout-va-bien, le rassura Gnosh, ils-sont-envoyés-par-le-seigneur-Gunthar.

Il poussa ses hôtes vers la table centrale.

— Par tous les dieux ! s’écria-t-il.

L’orbe avait changé d’aspect. Un tourbillon de couleurs fluorescentes l’animait.

Murmurant des mots étranges, Fizban avança et passa la main au-dessus de l’artefact, qui noircit instantanément. Le magicien se retourna avec une expression si sévère que même Tass recula.

— Sortez ! tonna Fizban. Tout le monde dehors !

— J’ai des ordres, et il n’est pas question…, commença le chevalier.

Fizban prononça quelques mots dans sa barbe : le garde glissa sur le sol, endormi. Les gnomes ne demandèrent pas leur reste. Seul Gnosh demeura dans la pièce.

— Viens, dépêche-toi, Gnosh ! lui cria Tass. Je ne l’ai jamais vu dans cet état. Mieux vaut faire ce qu’il dit. Sinon, il est capable de nous transformer en nain des ravins ou quelque chose d’aussi dégoûtant !

Gnosh voulut jeter un dernier regard sur l’orbe, mais la porte s’était refermée en claquant.

— Ma mission…, gémit-il.

— Tout ira bien, le rassura Tass, qui n’en croyait pas un mot.

L’expression de Fizban ne lui disait rien qui vaille. D’ailleurs, le mage était méconnaissable. Le kender en avait l’estomac noué. Autour de lui, les gnomes marmonnaient en lui jetant des regards hostiles. Il attira Gnosh à l’écart.

— Dis-moi, as-tu découvert quelque chose sur cet orbe ?

— Après-avoir-passé-des-jours-à-le-fixer-sans-rien-voir, j’ai-ob-servé-qu’il-y-avait-quelque-chose-de-bizarre-à-1’intérieur. Des-mots-se-sont-inscrits-sur-l’espèce-de-brume-du-cristal.

— Des mots ? Qui signifiaient quoi ?

— Je-n’en-sais-rien-du-tout. Je-n’ai-pas-réussi-à-les-déchiffrer. Personne-n’a-pu, pas-même-les-membres-très-éminents-de-la-Guil-de-des-Langues-Etrangères.

— De la magie, évidemment ! marmonna Tass.

— Oui, répondit Gnosh, l’air malheureux, c’est-ce-que-nous-en-avons-conclu…

La porte s’ouvrit comme sous l’effet d’une explosion. Gnosh se retourna, terrifié. Fizban se tenait sur le seuil, un petit sac noir dans une main, le bâton de Tass dans l’autre. Gnosh se précipita dans la salle des études.

— L’orbe ! glapit-il, exceptionnellement concis. Tu-l’as-pris !

— Oui, Gnosh, dit Fizban d’un ton las.

Le vieux mage était au bord de l’épuisement. Le visage cendreux, les paupières rougies, il ne tenait debout que grâce à son bâton.

— Viens avec moi, mon garçon, dit-il au gnome, et ne t’inquiète pas. Tu pourras accomplir ta mission. Mais pour l’instant, il faut emmener l’orbe au Conseil de Blanchepierre.

— Aller-avec-vous ? Au-Conseil ! s’exclama Gnosh en battant des mains. Je-pourrai-peut-être-faire-un-rapport, ne-crois-tu-pas-que…

— Je n’en doute pas le moins du monde, répondit Fizban.

— J’arrive-tout-de-suite ! Laissez-moi-le-temps-de-préparer-mes-papiers…

Il partit comme une flèche.

— As-tu découvert quelque chose ? demanda Tass en approchant prudemment de Fizban. Les gnomes se sont-ils servis de l’orbe ?

— Non, non, soupira Fizban, heureusement pour eux. Car cet objet a des pouvoirs inimaginables. Le sort du monde dépendra de la décision de quelques-uns.

— Que veux-tu dire ? La décision ne se prendra pas au Conseil ?

— Tu ne peux pas comprendre, mon garçon, dit doucement Fizban. Arrête un moment, je dois me reposer. Écoute, Tass, je concentre toute ma volonté sur l’orbe. Oh ! pas pour contrôler les dragons, ajouta-t-il devant la stupeur du kender. Je regarde dans le futur.

— Et qu’as-tu vu dans le futur ? demanda timidement Tass, qui redoutait la réponse.

— J’ai vu deux routes se présenter à nous. Si nous prenons la plus facile, ce sera simple au début, mais fatal à la fin du parcours, sans espoir de retour. Si nous choisissons l’autre, il y aura des embûches et ce sera pénible. Cela coûtera peut-être la vie à des êtres que nous aimons, mon garçon. Pire, cela peut leur coûter leur âme. Mais si nous sommes capables de sacrifices, nous finirons par trouver l’espoir.

— Et l’orbe joue un rôle là-dedans ? demanda Tass.

— Oui.

— Sais-tu ce qu’il faut faire pour emprunter… la route difficile ?

— Oui, je le sais, répondit Fizban d’une voix grave. Mais je ne peux pas prendre cette décision. Elle est entre les mains d’autres personnes.

— Je vois, soupira Tass. Des gens importants, je suppose. Des gens comme les rois, les seigneurs elfes et les chevaliers.

Cela coûtera peut-être la vie à des êtres que nous aimons… Le kender, la gorge serrée, se cacha la tête dans les mains. Cette aventure tournait au tragique ! Où était Tanis ? Et ce cher vieux Caramon ? Et la jolie Tika ? Il s’était efforcé de ne pas penser à eux, après l’affreux cauchemar.

Et Flint ? Je n’aurai jamais dû le quitter. Il est peut-être mort à l’heure qu’il est ! Jamais je n’ai songé que l’un de nous puisse mourir. J’ai toujours cru qu’en restant ensemble, nous pouvions résister à tout. Mais nous sommes dispersés, et tout va de mal en pis !

Tass sentit la main de Fizban tapoter la queue-de-cheval dont il était si fier. Pour la première fois de sa vie, il se sentait seul et il avait peur. Il fourra la tête dans la manche de son compagnon et pleura amèrement.

— Oui, répéta le mage en lui caressant le crâne, des gens importants.

6

Le Conseil de Blanchepierre. Un personnage important.

Le Conseil de Blanchepierre se réunissait le vingt-huit décembre, Jour de la Famine, qui honorait les souffrances du peuple pendant l’hiver suivant le Cataclysme. Le seigneur Gunthar estimait que ce moment de jeûne et de méditation était idéal pour siéger.