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Voilà qui allait lui occuper l’esprit et lui faire oublier ses crampes d’estomac ! Il fouilla ses poches et finit par trouver sa série de passe-partout, accessoires quasi emblématiques de tout kender qui se respecte.

En un tour de main, la serrure céda. Tass referma la porte derrière lui et dressa l’oreille. Pas un bruit. À l’exception d’une fontaine au milieu de la grande salle circulaire, il n’y avait rien.

Les deux autres portes de la salle devaient donner sur les couloirs menant aux entrées principales de la forteresse, déduisit le kender. Donc il était parvenu au cœur de la Tour, et se trouvait dans le sanctuaire.

Tout ce tintouin pour une cave vide !

Il n’y avait rien à voir.

Tass fit le tour de la salle en scrutant les coins à la lueur de sa torche puis, dépité, il revint vers la fontaine au milieu du sanctuaire. De près, il constata qu’il s’agissait plutôt d’un objet arrondi, posé sur un trépied. Couvert d’une épaisse couche de poussière, l’objet s’élevait à hauteur de son nez.

Tass vida ses poumons pour chasser la poussière.

Son cœur se figea dans sa poitrine.

— Oh non ! s’écria-t-il.

Il sortit un mouchoir avec lequel il astiqua l’objet.

— Fichtre ! C’est bien ce que je craignais. Et maintenant, que faire ?

Le disque rouge du soleil perçait à peine la brume qui enveloppait les camps draconiens. Dans la Tour du Grand Prêtre régnait déjà une grande agitation. Une centaine de chevaliers et un millier de fantassins achevaient leurs préparatifs.

Du haut de la galerie, Sturm, Laurana et le seigneur Alfred regardaient le seigneur Dirk caracoler sur son cheval, interpellant joyeusement ses hommes. Sur son armure, la rose de son Ordre brillait sous les premiers rayons du soleil. Ses braves semblaient de bonne humeur ; l’approche de la bataille leur faisait oublier la faim.

— Tu devrais leur demander de renoncer, mon seigneur, dit Sturm.

— Je n’ai aucun droit de m’opposer à Dirk, répondit Alfred MarKenin, dont les traits tirés signalaient une nuit sans sommeil. La Loi l’autorise à prendre ses décisions sans consulter personne.

Il avait essayé de convaincre Dirk de patienter quelques jours, car le vent commencer à tourner, annonçant le redoux. En vain.

Dirk était resté inflexible. Rien ne l’empêcherait de défier les armées draconiennes. Il se moquait éperdument de leur supériorité numérique. Depuis quand les gobelins mettaient-ils des chevaliers en péril ? À cinquante contre un, les ogres et eux n’avaient-ils pas été mis en déroute par les chevaliers, au Donjon de Vingaard, une centaine d’années plus tôt ?

— Cette fois, c’est aux draconiens que vous aurez affaire, objecta Sturm. Rien à voir avec les gobelins. Ceux-là sont intelligents et expérimentés. Même à l’agonie, ils peuvent encore tuer…

— Je crois pouvoir faire face, Lumlane ! coupa Dirk. Maintenant, va réveiller tes hommes, et qu’ils se tiennent prêts !

— Je ne te suivrai pas, et je n’ai pas l’intention d’ordonner à mes hommes de le faire.

— Dirk devint livide de rage. Même le seigneur Alfred se montra indigné.

— Sturm, dit-il doucement, réalises-tu ce que tu es en train de faire ?

— Parfaitement, mon seigneur. Nous sommes le seul obstacle entre l’armée draconienne et Palanthas. Il est hors de question de laisser cette forteresse désarmée. Je resterai ici pour remplir ma mission.

— Tu n’obéis pas à mes ordres ! triompha Dirk. Seigneur Alfred, tu es témoin. Cette fois, je tiens sa tête !

Sturm résolut de laisser le choix à ses hommes. Étant sous ses ordres, rien ne les obligeait à suivre Dirk. La majorité d’entre eux choisirent de rester avec le chef qui avait gagné leur respect.

Ils observaient d’un air morose les préparatifs de leurs camarades. L’instant était grave, car il marquait la première rupture dans la longue histoire de la chevalerie.

— Réfléchis bien, Sturm, dit le seigneur Alfred au jeune homme qui l’aidait à se mettre en selle. Les draconiens ne sont pas aussi bien entraînés que nous. Nous avons des chances de les mettre en déroute.

— Je prie les dieux pour qu’il en soit ainsi, mon seigneur.

— Si c’est le cas, Dirk te fera juger, et tu seras exécuté. Gunthar lui-même ne pourra pas l’en empêcher.

— Je suis prêt à mourir, seigneur, si cela peut éviter ce qui va arriver, répondit Sturm.

— Sacrebleu ! explosa Alfred. Si nous sommes battus, à quoi t’aura-t-il servi de rester ici ? Avec tes d’hommes, tu ne pourrais pas faire face à une armée de nains des ravins ! À supposer que les routes soient rouvertes, comment veux-tu tenir jusqu’à l’arrivée des renforts de Palanthas ?

— Cela laissera au moins le temps aux habitants d’évacuer la ville…

L’œil vif, Dirk Gardecouronne avança entre les deux hommes.

— Sturm de Lumlane, conformément à la Loi, je t’accuse de conspiration et de…

— Au diable la Loi ! rugit Sturm, perdant patience. Où nous a-t-elle menés ? Divisions, jalousies, folies ! Nos concitoyens en sont à préférer traiter avec l’ennemi ! La Loi a vécu !

Un silence sinistre tomba sur les chevaliers réunis dans la cour.

— Prie pour que je sois tué dans la bataille, Sturm, dit doucement Dirk, ou je jure par les dieux que je te trancherai la gorge de mes mains !

Il fit volter son cheval et prit la tête de la colonne.

— Ouvrez les portes ! cria-t-il.

Le soleil montait au-dessus de la brume matinale. Le vent soufflait du nord, fouettant les bannières restées longtemps en berne. Dans le cliquetis des harnais, des boucliers et des armures, la sonnerie du clairon entraîna les chevaliers vers le pont-levis.

Dirk leva son épée au ciel et fit le salut à l’ennemi. Puis il partit au galop. Les chevaliers s’élancèrent derrière lui, suivis des fantassins. Le martèlement des sabots mêlé au bruit de leur pas cadencé résonna dans la citadelle.

Les portes se refermèrent. Les hommes de Sturm se précipitèrent sur les remparts pour suivre des yeux la colonne.

Seul Sturm, la mine impénétrable, resta dans la cour.

Le beau commandant qui remplaçait la Dame Noire à la tête de l’armée ennemie se préparait à affronter une journée aussi ennuyeuse que les autres, quand un éclaireur arriva au galop, renversant hommes et marmites sur son passage.

— Le Seigneur des Dragons ! appela-t-il. Je dois le voir absolument !

— C’est moi qui le remplace. Que veux-tu ? demanda Bakaris en sortant de sa tente.

L’éclaireur, qui ne voulait pas commettre d’erreur, hésita. Mais la redoutable Dame Noire n’était pas dans les parages.

— Les chevaliers sont passés à l’attaque !

— Quoi ? fit Bakaris, qui n’en crut pas ses oreilles. Es-tu certain de ce que tu dis ?

— Oui, sûr et certain ! Je les ai vus de mes yeux ! Une centaine de cavaliers, des lances, des épées ! Un millier de fantassins…

— Elle avait raison ! murmura Bakaris, admiratif. Ces imbéciles ont fini par commettre une erreur !

Il rentra dans sa tente et appela ses ordonnances.

— Sonnez le rappel ! Branle-bas de combat ! Tous les capitaines ici dans cinq minutes ! Envoyez un message au seigneur, à Flotsam !

Les gobelins sillonnèrent le camp pour battre le rappel et activer les troupes. Après un dernier coup d’œil à la carte, le commandant courut rejoindre ses officiers.

— Dommage, songea-t-il tout haut. La bataille sera probablement terminée quand elle recevra le message. Ce n’est pas de chance. Elle aurait aimé être là pour voir tomber la Tour du Grand Prêtre. Quoi qu’il en soit, nous passerons demain la nuit à Palanthas, ensemble…