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Alhana déplorait cette guerre, parce qu’elle avait changé. Avant de rencontrer Tanis et ses amis, elle aurait accepté, et même encouragé un affrontement entre son peuple et les humains. À présent, elle voyait là l’œuvre du Mal qui s’était abattu sur le monde.

Elle redoutait de devoir annoncer aux siens la destruction de leur pays. Son père leur avait promis qu’ils retourneraient au Silvanesti, maintenant ravagé.

Elle craignait aussi – autant qu’elle le désirait –, de revoir l’humain qu’elle aimait et dont elle partageait l’intimité au moyen de l’étoile de diamants.

Ainsi avait-elle constamment remis la date de son départ. Elle attendait un signe. Un signe d’espoir qu’elle pourrait donner à son peuple, ou qu’il lui donnerait.

Mais rien ne venait.

Avec l’hiver, les nuits devinrent plus longues. Un soir qu’elle se promenait sur les remparts de la Tour des Étoiles, Alhana éprouva une sensation étrange, comme si le monde avait cessé de tourner. C’était l’après-midi où Sturm Lumlane affrontait la Dame Noire et son dragon bleu. Folle de désespoir, l’elfe vit l’étoile de diamants qu’elle portait au cou noircir en quelques secondes.

— Voilà le signe ! hurla-t-elle en tendant le bijou vers le ciel. Il n’y a plus aucun espoir ! Ne me restent que la désespérance et la mort !

Elle retourna dans sa chambre, tira les volets et ferma les portes.

Que le monde se débrouille comme il voudra, songea-t-elle avec amertume. Que mon peuple aille à sa perte. Le Mal sera toujours le plus fort, car il n’y a rien qui puisse l’arrêter. Je mourrai ici, près de mon père.

Jetant une cape sur ses épaules, elle sortit et se rendit sur une tombe surmontée d’un arbre aux branches torturées. Dans sa paume, elle serrait l’étoile de diamants.

À genoux, Alhana creusa à mains nues le sol gelé. Ses doigts saignaient, mais elle n’avait cure de la douleur, qui lui faisait oublier son chagrin.

Lunitari, la lune rouge, montait avec lenteur dans le ciel pour rejoindre la lune d’argent qu’elle nimbait déjà d’ocre.

Alhana regarda l’étoile de diamants à travers ses larmes. Puis elle la posa dans le trou qu’elle avait creusé et la couvrit de terre.

Brusquement, elle s’arrêta.

D’une main hésitante, elle prit le bijou et chassa la terre, se demandant si le chagrin l’avait rendue folle. Non, l’objet irradiait une faible lueur, qui grandissait.

Elle le retira du trou.

— Pourtant il est mort ! dit-elle en s’adressant au bijou. Je sais que son cœur ne bat plus. Alors pourquoi cette lueur…

Un bruissement de feuillage la fit sursauter. Elle fit un pas en arrière, craignant que l’arbre de la tombe de Lorac la saisisse de ses branches. Mais elles n’étaient plus aussi tordues qu’avant, comme si…

Le tronc se redressa. Son écorce devint lisse et brillante sous la lumière des deux lunes. L’arbre cessa de saigner et la sève irrigua de nouveau ses feuilles.

Alhana se releva et regarda autour d’elle. Rien n’avait changé. Un seul arbre renaissait à la vie : celui de la tombe de Lorac.

Je deviens folle, pensa-t-elle. Puis elle regarda de nouveau l’arbre. Il devenait de plus en plus beau.

Alhana passa le bijou autour de son cou, et retourna à la Tour. Elle avait encore beaucoup à faire avant de partir pour l’Ergoth.

Le lendemain matin, un pâle soleil se leva sur le Silvanesti. Alhana regarda la forêt. Rien n’a changé et rien ne changera, tant que les elfes ne reviendront pas faire revivre le pays. Rien n’a changé, sauf l’arbre planté sur la tombe de Lorac.

— Adieu, Lorac ! Nous reviendrons bientôt ! cria Alhana.

Elle siffla son griffon qui accourut, et monta sur son dos. L’animal déploya ses ailes et prit son envol. Alhana lui indiqua la direction de l’ouest. Le long voyage vers l’Ergoth avait commencé.

Sous eux, un arbre verdoyant et magnifique se dressait dans une forêt noire et désolée. Balancées au vent d’hiver, ses branches berçaient d’une douce musique la tombe de Lorac, qu’elles protégeraient des ténèbres en attendant le printemps.