— Alors, où en es-tu, la Vioque ? questionné-je.
— On vient de me ramener chez moi, répond la Relique de sa voix d’outre-tombe.
— Parce que tu agonises ou parce que tu es guéri ?
— Je suis guéri. Le docteur m’a certifié que je n’aurai jamais plus d’hémorroïdes, ç’a été atroce, mais radical.
— Tu feras breveter la recette, La Pitié, ta fortune est faite.
Il ne réagit pas à la boutade, étant trop préoccupé pour déguster mon esprit délicat.
— Je viens de lire la presse de ces derniers jours, alors on n’a toujours pas retrouvé Formide ?
— Il semble s’être volatilisé après avoir éventré une chauffeuse de taxi et une marchande d’électroménager. J’en arrive à me demander s’il ne serait pas allé se balancer dans la Seine en fin de compte.
— Tu as interrogé Toinet ?
— Comment cela ?
— Dis-toi bien une chose, Antoine, c’est que Formide ne peut rien faire sans Toinet. A la lumière de ce qui s’est passé, si ton fou parvient à se cacher c’est parce que ton garnement lui a trouvé une planque.
Je ricane.
— Une planque ! Il faut bien qu’il bouffe, non ? Et le gosse ne bouge plus d’ici.
— Une planque où il peut lui apporter à manger, rectifie l’ancêtre.
Il se met à crier des « Allô ! Allô » dans le combiné que j’ai laissé pendre comme une belle truite sombre au bout de son fil. Je cours à corps machin, à perdre chose, jusqu’au petit pavillon au fond du jardin…
Et tu sais quoi ?
Oui, tu sais ?
T’as gagné !
Effectivement, Formide s’y trouve. Il tient Toinet sur son genou droit, Julien sur son gauche, et il est en train de leur raconter « Barbe-Bleue ».