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— Prévenez-moi à mon hôtel dès que vous aurez du nouveau.

— Quel hôtel ?

— Les Tropiques.

Il sourcille.

— Le même que Van Boren ? Oui, évidemment, j’aurais dû m’en douter…

Pour la première fois il se comporte en homme qui évolue sous la menace d’un feu.

— Je peux partir, oui ?

— Oui…

Il tourne les talons et s’éloigne. Au moment de franchir la porte il s’arrête.

Moi, comme un super-cornichon, j’ai déjà enfouillé ma pétoire. Je n’ai pas le loisir de la ressortir. Le temps de réaliser et je prends un mahousse paquet de cartilages à la mâchoire. J’en vois trente-six soucoupes, toutes plus volantes les unes que les autres. Je bascule en arrière avec le carillon de Westminster Abbey à la place du citron. Je m’ébroue et me mets en garde, mais je n’ai plus beaucoup le sens des réalités et ma garde doit être beaucoup plus basse que je ne le supposais car un deuxième paquet me passe dans le portrait. Un solide ! Il ne doit pas louper sa gymnastique matinale, le frère ! Oh ! la la ! Je comprends ma douleur. Je ne sais pas où il est tombé, ce direct, pas loin du pif en tout cas.

Je ne perds pas conscience mais je suis déjà dans une espèce de brouillard mauve qui a de plus en plus tendance à s’obscurcir. C’est ce que les gens de la boxe appellent un K.O. debout !

Je cherche à m’agripper à quelque chose de solide, de fixe, mais tout danse autour de moi. Les tables, les dossiers de chaises s’éloignent. Comme au travers d’une vitre dépolie je vois mon agresseur. Ses yeux fixes me trouent la tête… On dirait deux canons de pistolet. Il est toujours calme, impeccable… Il me dérouille avec méthode et je n’ai même pas la force de lui donner la réplique. Je me sens lavé, fini… Bon pour la poubelle ! Descendez-moi avec les ordures, la voirie m’emmènera promener.

Pour la première fois, je suis abattu par un zig qui m’a pris à la surprenante, certes, mais de face ! Il s’est fait faire une transfusion par Carpentier, ce gnace, et il a été élevé avec Cerdan !

Le voilà bien le vrai champion d’Europe !

Un troisième coup m’arrive dessus, calculé, visé, bon pour l’expédition. Je le vois venir et je ne parviens pas à le parer.

C’est comme si ma tête tout entière sautait sur une mine.

Bons baisers, je vous écrirai…

CHAPITRE IX

OH ! MA CICATRICE !

Un coup fourré pareil, rappelez-vous que je le raconterai pas dans Constellation (le monde vu sur 18 centimètres de long par 13 et demi de large) parce qu’alors je me ferais mettre en boîte comme une morue à dessaler !

Moi, le cogneur, le fracasseur de mandibules, l’assommeur de gros crânes, le dérouilleur de truands, l’as des as, l’homme qui a de la dynamite dans les pognes, me laisser repasser par un tordu à la petite semaine, alors non ! J’en suis plus.

Ma rage est telle lorsque je reviens du cirage que je tremblote sur mes cannes comme trois kilos de gelée de groseille qui seraient montés sur la plate-forme d’un tramway de province.

Je bous… Je frémis, je grelotte, je claque des chailles… Ma pogne est enflée comme le burlingue de Jacques Duclos… J’ai une ratiche qui joue la valse dans l’ombre et le raisin bat à mes tempes… Un brin de fièvre m’enflamme les pommettes.

Oh ! cette décoction ! Oh ! ma douleur !

Je me relève en titubant avec, par-dessus tous ces maux, la déprimante impression que je vais m’écrouler comme un robot déboulonné.

Je constate alors que les doublures de mes profondes pendent comme des peaux de lapin retournées. Le mec au chapeau rond m’a consciencieusement fouillé. Si vous voyiez mon bath costar ! Il est littéralement haché, cisaillé. Avec ça sur le râble, j’ai l’air de partir pour un bal masqué, déguisé en mendiant. Pas un centimètre carré qui n’ait été (appréciez ce subjonctif impec, les gars !) examiné. Mon portefeuille gît sur le plancher, éventré, disloqué… Mes fafs sont étalés à travers la pièce. Le mec est allé jusqu’à décoller la photo qui orne (je dis orne car ma gueule embellit tout ce qu’elle gratifie de sa présence) ma carte d’identité. Ce détail me précipite dans un abîme de réflexions. Je me dis que ce ne sont peut-être pas les diams que recherchait l’homme au galure rond. De toute évidence il ne pensait pas les découvrir sous une photo d’identité ?

Alors ?

Alors je pense au petit cliché qui se trouvait dans la montrouse de Van Boren et je me dis (ou plutôt mon petit doigt me dit) que ce minuscule morceau de papelard glacé représente une valeur insoupçonnable pour qui n’est pas dans le coup ! C’est mon renifleur qui sent ça. Et quand il sent quelque chose, vous pouvez parier la main de votre petite sœur contre une boîte de suppositoires d’occasion qu’il ne se goure pas.

En ce cas une nouvelle question surgit, à laquelle je ne puis répondre, du moins pour l’instant : existe-t-il vraiment un lien entre la mystérieuse photographie et les diamants ?

That is the question ! comme aurait dit Winston Churchill, qui parlait couramment l’anglais.

En attendant j’en suis pour ma dent branlante et mon complet mutilé. Des fringues que j’avais douillées cinquante et quelques tickets chez Albo, de l’italien à rayures, si vous voyez ce que je veux dire. Et neuves pardessus le marché ! Non ; je vous promets, y a qu’à moi que ça arrive, des coups pareils.

Le Vieux avait raison : j’aurais dû rentrer chez moi. On n’a jamais intérêt à se fourrer dans les combines des autres. C’est mauvais pour la santé. Conclusion : en rappliquant à Paname, je vais m’offrir une flopée de séances chez mon dentiste. Et moi, la roulette, je n’aime la pratiquer qu’à Monte-Carlo…

Pour me colmater cette voie d’eau dans l’optimisme, je dis deux mots à la bouteille de whisky de ce brave Ribens…

En voilà un qui ne doit pas se douter à cette heure que son appartement est devenu la succursale de la salle Oquinarenne.

L’alcool me ravigote. C’est instantané. Je veux bien qu’il tue l’homme, mais j’aime autant mourir de ça que de la bombe H. Au moins ça fait du bien par où ça passe.

Je consulte ma breloque. Elle ne marque plus the clock (comme dirait la reine d’Angleterre qui parle également l’anglais) car cette ordure de gnace aux chasses bicolores lui a mis les tripes (c’est-à-dire les rouages) au soleil.

De plus en plus, j’ai la preuve probante qu’il cherchait la minuscule photo… Il l’a cherchée parce que j’ai fait la choserie de lui dire que je savais où elle se trouvait et de la négocier. De là à conclure que je l’avais sur moi…

Ça m’apprendra à jouer les gros bras… J’ai voulu le bluffer et total, c’est la frite à San-Antonio qui a dégusté.

Je rampe jusqu’à une glace. Pas beau à reluquer, le frangin ! Mes gnons commencent à virer au violet. Il y a même des reflets dorés comme sur les ailes des mouches à chose. Je ressemble à un quartier de bidoche oublié en plein Sahara.

Soudain je m’arrête, vexé. Le gars a dû lire sur mes fafs que j’étais un poulaga, et pourtant il m’a fouillé. Il m’a cru capable de planquer quelque chose de précieux !

Il est vrai qu’on venait de traiter un marché : comme je le laissais se tailler il m’a cru marron. Flic marron ! Moi, San-Antonio ! Le roi de l’honnêteté ! Le saint Joseph des scrupules ! Ah ! vraiment j’en ai mal aux seins !

Je mets le maximum d’ordre dans ma tenue et je me prends par la main afin de m’emmener gambader. Un peu d’air frais me fera du bien. L’horloge de ville la plus proche égrène (Vilmorin) six coups… J’ai peut-être tort de calter avant d’avoir eu l’explication qui s’impose avec Ribens. Mais tant pis, je le repiquerai très prochainement… Faut que je me rebecte avant de poursuivre cette enquête.