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— S’il recommence, mords-lui les roustons, ai-je conseillé à mon quadrupède.

Je crois que nous dormions bel et bien quand Erwin a proféré d’un ton décidé :

— On ne va pas rester indéfiniment dans cette situation ridicule !

— Plusieurs jours si nécessaire, a rétorqué Blanc, d’autant, vous l’avez vu, que nous avons la police avec nous !

Ça l’a fait méditer. Piteux, il a renouvelé sa question avec insistance :

— Qu’attendez-vous de moi ?

— D’abord la vérité, ensuite nous aviserons…

Avec le recul, je m’en rends compte, nous devions être vachement impressionnants, mais notre attitude s’est avérée payante. Sans que nous proférions le moindre mot, il a fini par se défarguer de ses péchés capitaux. Il jactait en grande réticence, débondait des trucs qui lui arrachaient la gueule comme du tord-boyaux de pirates.

Tous trois attendions ses révélances plus lentes à filtrer que le caoua d’une vieille cafetière entartrée. Il a commencé à plaider la légitime défense. Il travaillait pour la Mafia, l’ancien immaculé de frais. Il avait eu un jeune amant italien, un ténorino dont la voix, l’obésité et le regard velouté l’ensorcelaient. À cause de cet amour, il s’était laissé gangrener ; en lui glissant une bite dans le fion, il avait mis le doigt dans l’engrenage, si je puis me permettre pareille métaphore. Et il eût été dommage que je ne me la permisse point.

Grâce au soutien de la Cosa Nostra, sa réputation devint rapidement internationale. Mais ce n’était pas pour ses beaux yeux que les mafieux (ou maffieux) tressaient sa gloire. En réalité, ils se servaient de lui pour acheminer leur drogue à Las Vegas, l’une des principales bases U.S. de la chnouf. Pour ce faire (à repasser), ils avaient créé le Zoo Liebling. où étaient rassemblés bon nombre de fauves. Les féroces pensionnaires voyageaient dans d’énormes cages dont les doubles parois recélaient de fortes quantités de stup’. Cette méthode ingénieuse offrait un gros avantage : les fonctionnaires des douanes se montraient peu enthousiastes pour examiner le logement des serpents, lions, tigres et autre panthères noires de fréquentation difficile.

Notre magicien habile et dépravé vivait mal la situation, s’attendant toujours à une visite du F.B.I. Il avait récemment prévenu ses « associés » qu’il entendait mettre un terme à leur collaboration. Tout d’abord, ils avaient ri de ses prétentions, mais comme il persévérait dans son intention de rompre, on lui avait sorti le grand jeu, en carbonisant ses deux assistantes, puis son plantigrade d’exception.

Vaincu, terrorisé, le bon Teuton avait été contraint de mettre les pouces.

Le moment me sembla idéal pour aborder le cas de César Pinaud. Les jours passaient et nous nous débattions dans des affaires cradingues n’ayant, apparemment, rien à voir avec notre cher disparu. Les requins qui possédaient ou géraient la boîte de nuit étaient claqués de mort violente. Ils n’avaient jamais marqué un semblant d’intérêt pour l’innocent vieillard. D’ailleurs je voyais mal en quoi ma bonne Pine pouvait troubler leur activité.

Quand j’entretins Liebling de notre pote, l’Allemand eut quelque mal à se le rappeler : la vie s’écoule vite, avec son cortège de couilleries, nous laisse peu de temps à consacrer aux gens de rencontre. J’eus beau mentionner le passage du Fossile dans les coulisses et les cintres, les objets qu’il y avait intentionnellement semés, Erwin ne put, en aucune façon, éclairer ma lanterne. Il donnait l’impression d’être définitivement hors circuit.

Tu ne l’ignores pas, mes ouvrages ont en commun avec les Galeries Lafayette, qu’il s’y passe toujours quelque chose. À peine venions-nous de réintégrer le silence qu’on toqua à la porte.

Curieusement, nous restâmes immobiles. Une tambourinade succéda alors, le visiteur (ou la visitrice) étant indupe de notre mutisme.

Les coups cessèrent, mais l’accalmie fut brève car un choc violent ébranla l’huis. Un second suivit. Cette fois, il eut raison de la dérisoire défense constituée par la serrure. Le panneau de la porte frappa le mur, pulvérisa une laque japonaise représentant la fille d’un empereur nippon en train de caresser sa chatte d’un long doigt recourbé.

Devine qui surgit ?

Gulliver, le surobèse pratiqué par Liebling ! Il doit venir pour un petit ramonage du gros intestin, car il est en survête blanc.

À la vue de son pote enchaîné, il émet l’espèce de clameur poussée par l’auroch en rut quand il déflaque, se précipite sur moi comme l’avalanche sur le skieur fourvoyé et, avec une promptuosité dont je ne l’aurais pas cru capable, me noue ses colossales paluches autour du cou pour un broyage rapide de mon larynx.

Le prestidigidompteur le conjure de m’épargner. En vain ! Le monstre, la gueule encore saccagée par mon coup de fourchette, est toujours sous l’empire de la haine. Il ne peut percevoir quoi que ce soit de qui que ce fût.

Mes mains crispées sur ses poignets tentent un misérable effort destiné à enrayer l’œuvre homicide de ce robot en viande avariée.

J’étouffe ! J’ai mal !

Heureusement, l’énorme sac d’excréments lâche prise en hurlant. Je savais bien que mon cher Jérémie ne me laisserait pas quimper. Qu’il tenterait d’organiser une expédition de secours. Tu vas voir à quel point nous nous ressemblons, lui et moi.

Tu te rappelles la façon dont je m’y suis pris pour me délivrer du boa, l’autre jour ? Oui : une balle dans son corps interminable.

Mais après ? Le feu ! Yes, mec !

Faute d’arme, mon ami Blanc a foutu le rif au survête de l’Ogre. Et sais-tu où ?

Au fion, mon chéri ! Le fond de son bénoche crame, de même que les poils de son derche et de son bel anus constamment oint pour les grandes manœuvres enculardières.

Il pousse des plaintes à fendre un bloc de marbre, Chouchou ! Fonce à la salle de bains pour juguler le sinistre.

— C’est un douillet ! dis-je à Erwin. À propos, quelle est la nature du produit que vous comptiez injecter à Mme Bérurier ?

— Un sédatif, murmure-t-il. Cette femme est insatiable ! Elle exigeait que je lui fasse l’amour deux fois l’heure.

— Toutes les Françaises sont ainsi ! affirmé-je.

Nous le laissons avec son camarade de volupté et ses angoisses.

31

C’est beau, la passion.

En revoyant Salami, la vioque qui en est follement amoureuse fond en larmes, tombe à genoux devant lui et presse sa bonne tête contre une poitrine dévastée par les ans.

— Tu es revenu, mon bijou, mon amour, mon superbe amant ! pâme le Catafalque. Je t’attendais, car je sentais que nous ne pouvions exister l’un sans l’autre, chéri. La vie nous a réunis et ne nous séparera plus. Je t’épouserai à Reno où tous les mariages sont possibles. Puis nous irons couler des jours ensoleillés et des nuits garnies de pleine lune dans ma propriété de Miami, aux pelouses émaillées d’orchidées. Nous aurons une vaste couche et tu dormiras la truffe dans mon sexe, n’en retirant ton museau que pour y glisser ta langue magique.

« Oh ! lape-moi, de grâce, mon Indicible ! Afin de marquer notre union, je t’offrirai un collier d’or de chez Tiffany and Co. Te ferai confectionner un manteau de cachemire en prévision de l’hiver, et les jours sans caviar, tu mangeras du foie gras. »

Ce discours enflammé alimente mon incrédulité.

Je suis de plus en plus convaincu que Salami sourit. Ses babines se retroussent et ses yeux toujours si graves s’emplissent d’une ironie de vieux sage écoutant déconner les générations nouvelles.

Maintenant, passons aux choses concrètes.