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Effectivement, le quidam dont auquel au sujet de quoi je fais allusion va à l’une des lourdes. Mais au lieu de l’ouvrir avec une clé, il se met à la bricoler avec je ne sais pas quoi n’ayant qu’un lointain rapport, pas même sexuel, avec la serrurerie. Au bruit je pige ça. C’est normal que l’intéressé n’ait pas sa clé puisque les caroubles de ces cabines sont détenues, non pas à la Santé, mais par le barman de la plage.

Le pauvre bonhomme a autant l’expérience des serrures que Louis XVI avait celle du peuple. Il s’évertue avec sa lime à ongle ou son tire-bouchon sans obtenir de résultat.

Vous le savez, puisque ç’a été annoncé dans tous les journaux de France et même à la télévision, je suis doté d’un cœur en or massif. Toujours partant pour rendre service à l’humanité en détresse. Vous hissez le pavillon et je radine. De voir s’escrimer le malheureux en pure perte me fait songer que j’ai en fouille mon sésame. Le gars bibi, en moins de temps qu’il n’en faut à un Martien pour faire une déclaration d’amour à une pompe à essence, aura délourdé la porte réticente.

Je me lève donc et m’avance vers l’intéressé.

— Attendez, je vais vous ouvrir, dis-je gentiment.

Vous vous imaginez que le monsieur me remercie et me débite des compliments sur ma complaisance ? Des clous ! Au lieu de ça, il moule la cabine et détale à une vitesse grand V.

Il faut quatre secondes à San-Antonio pour se dire que les zigs qui se taillent lorsqu’on leur propose assistance n’ont pas la conscience tranquille.

Je sprinte derrière le gars… Et quand je sprinte, Mimoum ressemble à un cul-de-jatte qui aurait des engelures.

Je gagne du terrain (ce qui est appréciable car, au bord de mer, il va chercher dans les douze sacs le mètre carré). Je me dis qu’un rush suprême m’amènera au collet du fuyard. Je produis l’effort. Et mon type qui a senti mon intention s’accroupit sec dans le sable. Emporté par mon élan (comme disait un esquimau de mes amis qui travaillait chez Gervais) je bascule contre l’individu, et ramasse un bifton de par terre. Mais j’ai fait du judo, du catch et un peu de boxe, comme tous les supermen qui se respectent.

Je fais une cabriole de lapin et me retrouve sur mes flûtes. Je me tourne vers mon interlocuteur et je pousse un hurlement de douleur. Cette peau d’hareng vient de me balancer une poignée de sable dans les gobilles. Je suis miraud d’un seul coup. Je n’y vois plus que dalle… J’essaie de surmonter ma douleur pour foncer bille en tête sur mon agresseur, mais il n’a aucun mal à esquiver la charge et je me retrouve les quatre fers en l’air. Le bruit fluide de sa course dans le sable reprend. Je sais que je suis marron. Drôlement mystifié ! J’enrage !

Je mets dix bonnes minutes à expulser le sable de mes carreaux. La rétine me brûle horriblement. Un jour j’ai morflé du poivre moulu, comme ça, en pleines mirettes, c’était fête au village, je vous jure.

Enfin calmé, je sonde la nuit. Tout est calme. Musique au loin et lumières en pointillé. Les flots de vagues, la rumeur ample et creuse de la mer immense… Et San-Antonio sur le sable, c’est le cas de le dire, avec des lampions qui doivent ressembler à deux boules d’escalier.

Mon petit futé a disparu… Plus mélancolique qu’un enterrement en musique, je reviens aux cabines. Je n’ai aucune difficulté à repérer la porte que titillait le gars, car celle-ci porte des éraflures.

S’agissait-il d’un banal pilleur de vestiaire ? M’étonnerait.

Il peut espérer trouver quoi, sur une place ? Des calcifs de bain ? Des flacons d’embrocation ? Et après ? C’est pas un butin, ça ; il ferait davantage recette en dévalisant les bagnoles bourrées d’appareils photo et de nécessaires superflus qui s’alignent sur la Côte !

Alors ?

Alors sésame se trouve dans ma pogne avant que j’aie eu le temps de prendre une décision. Il est des cas où l’inctinct va plus vite que la pensée.

Je délourde.

Tout d’abord, je ne vois rien. La guitoune me paraît vide. Mais j’avance la paluchette et mes doigts préhensiles rencontrent une matière lisse et caoutchouteuse accrochée à la cloison.

Je bats le briqueton. Et que reconnais-je ? La combinaison de pêche sous-marine de la môme Julia. Cette pelure martienne qu’elle portait hier lorsque je l’ai vue for the first fois !

J’en reste zizi. C’était donc cet attirail que le forceur de porte (un bricoleur, pas un technicien) venait piquer ?

Je décroche la combinaison de caoutchouc et je la roule pour la commodité du transport. La flamme vacillante de mon briquet me prouve que la cabine ne contient absolument rien d’autre. Alors je claque la porte et, tout en larmoyant mon sable, je rejoins ma bagnole.

Nanti de mon butin, je rentre à mon hôtel. La pendule du hall indique neuf heures et vingt minutes. J’ai encore un peu de temps. Je grimpe à ma chambre et étale la pelure caoutchoutée sur mon lit. J’examine cet uniforme à la Cousteau en détail et je ne lui trouve absolument rien d’insolite. C’est une tenue de bon aloi, neuve et bien conçue. Pourquoi l’homme forçait-il la porte de cette cabine ? Savait-il ce qu’elle contenait ? Ou bien agissait-il au petit bonheur et est-ce tout à fait par hasard que… Moi, le hasard, il y a des moments où j’y crois et d’autres où je n’y crois pas. En ce moment, je n’y crois pas du tout.

Je décide de tirer la chose au clerc, comme dit un notaire de mes relations, et j’enveloppe la combine dans un grand papier.

Je cramponne le pacson et, en route pour la résidence de Julia, car les dix plombes approchent.

La bigleuse m’apprend que Mlle Delange m’attend, ce dont je lui sais gré.

Je gravis les marches quatre à quatre plus deux (car l’étage en comporte dix-huit) et je débarque dans cette pièce que je commence à bien connaître et à pratiquer beaucoup.

Julia a encore changé de tenue. Elle est bath à vous couper le souffle dans le sens de la largeur. Madonna ! quelle apparition !

Robe gris perle, décolletée autant que la censure le permet. Escarpins de satin rouge. Collier de diams authentiques. Et son maquillage est un chef-d’œuvre ! Raphaël (pas Géminiani, le peintre) n’aurait pas fait mieux. Elle a un léger fond de teint ocre, un rouge à lèvres carmin et des sourcils peints à la main. Quant à sa coiffure, elle flanquerait le marasme à Yul Brynner, à Jean Nohain, à Armand Salacrou, à Georges Briquet, à Frédéric Dard et à Jean-Jacques Vital.

— Tu m’excuses pour ce lapin de tout à l’heure ? gazouille la belle enfant.

— Rien de fâcheux, j’espère ?

— Non. J’avais téléphoné dans la journée à Hubert Taugranpier, le secrétaire de Nikos, pour lui exprimer le désir de me recueillir une dernière fois sur la dépouille de Bitakis… Tu comprends, je… j’avais besoin de le faire. C’était comme un devoir…

— Très naturel, ma chérie.

— Taugranpier est un brave garçon qui était au courant de ma liaison avec son patron, naturellement. Il a accepté de me faire entrer dans la chambre de Nikos dès que sa femme sortirait.

« Or, Mme Bitakis est allée à Nice se commander des vêtements de deuil ; il fallait profiter de l’occasion. »

— Tu as bien fait !

Elle se donne un ultime coup de vaporisateur.

Où allons-nous, chéri ? Je te préviens que je trimbale un gros cafard et que j’ai bigrement besoin de me changer les idées. Ça t’ennuierait si nous allions un peu loin d’ici ? Je suis connue dans le secteur, et ces regards ironiques dont on m’accable…

— Oui, je comprends. Allons où tu voudras !

— Monte-Carlo ? D’accord ? Il ne faut pas longtemps, à ces heures…

— Parfait.

C’est alors qu’elle avise le gros paquet que j’ai déposé sur une chaise en entrant.