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« Cela réduit-il le délai ? » demandèrent les Fremen.

Mais Kynes répondit par ses formules planétaires. Le programme de mise en place des pièges à vent était alors pleinement réalisé. Kynes se montra optimiste dans ses prévisions tout en sachant que l’on ne peut tracer des lignes nettes à partir de problèmes écologiques. Une partie de la couverture végétale devait être réservée au maintien des dunes. Une autre à l’alimentation humaine et animale. Une autre enfin devait permettre d’acheminer l’eau vers les zones sèches par le processus d’accumulation de l’humidité dans les racines. A cette époque, les zones froides du bled avaient été circonscrites et portées sur les cartes. Elles entraient également dans les formules. Shai-hulud lui-même y avait sa place. Sous aucun prétexte il ne devait être détruit, sous peine de mettre fin à la production d’épice. Mais son « usine » interne de digestion, avec ses concentrations colossales d’acides et d’aldéhydes, était une source immense d’oxygène. Un ver de taille moyenne (d’environ 200 mètres de long) dégageait dans l’atmosphère autant d’oxygène qu’une surface couverte de verdure sur dix kilomètres carrés.

Il fallait considérer le problème représenté par la Guilde. Déjà, le taux d’épice qui lui était versé pour que nul satellite ou un autre engin d’observation n’apparût dans le ciel d’Arrakis avait atteint des proportions gigantesques.

Et les Fremen ne pouvaient plus être ignorés. Les Fremen, avec leurs terres aux limites irrégulières, leurs pièges à vent. Les Fremen, avec leur culture écologique toute neuve et leurs rêves qui les faisaient couvrir Arrakis de prairies, puis de forêts.

Un résultat apparut. Trois pour cent, dit Kynes. S’ils pouvaient parvenir à ce que trois pour cent des plantes vertes d’Arrakis contribuent à la production de composés du carbone, ils auraient atteint le cycle autonome.

« Mais dans combien de temps ? » demandèrent les Fremen.

« Oh… Trois cent cinquante ans », dit Kynes.

Ainsi, il avait dit vrai dès le début : cette chose ne connaîtrait pas son terme avant que se soit écoulée une vie d’homme, avant huit générations… Mais cela viendrait un jour.

Le travail se poursuivit. On construisit, on planta, on creusa, on éduqua les enfants.

Et puis, Kynes l’Umma fut tué durant l’excavation du Bassin du Plâtre.

A cette époque, son fils, Liet-Kynes, avait dix-neuf ans. C’était un vrai Fremen, un cavalier des sables qui avait tué plus de cent Harkonnens. Le contrat impérial lui fut transmis normalement. Le système rigide des faufreluches remplissait tout aussi bien son rôle sur Arrakis. Et le fils avait été formé à l’école de son père.

Dès cet instant, le chemin était tracé et les Fremen écologiques y étaient engagés. Il suffisait à Liet-Kynes de les surveiller et de ne pas perdre de vue les Harkonnens… Jusqu’au jour où un Héros échut à cette planète.

Appendice II

Religion de Dune

Comme le sait n’importe quel écolier, les Fremen d’Arrakis, avant la venue de Muad’Dib, pratiquaient une religion qui tirait ses origines du Moameth Saari. Depuis, nombreux sont ceux qui ont relevé ses nombreux emprunts à d’autres religions. L’exemple le plus courant est celui de l’Hymne de l’Eau qui appelle sur Arrakis des nuages de pluie que la planète n’a jamais vus et qui est directement repris du Manuel Liturgique Catholique Orange. Mais il existe encore bien d’autres points communs entre le Kitab al-Ibar des Fremen et les enseignements de la Bible, de l’Ilm et du Fiqh.

Toute comparaison portant sur les croyances religieuses qui prédominaient dans l’Imperium jusqu’à l’apparition de Muad’Dib doit s’accompagner d’une liste des forces principales qui étaient à la base de ces croyances :

1. Les adeptes des Quatorze Sages, dont le livre sacré était la Bible Catholique Orange et dont les idées sont exprimées dans les Commentaires et autre littérature issue de la Commission des Interprètes Œcuméniques (C.I.O.E.).

2. Le Bene Gesserit, qui nie être un ordre religieux mais qui opéra toujours derrière un impénétrable écran de rituel mystique et dont les méthodes d’éducation, l’organisation, la symbolique sont essentiellement religieux.

3. La classe dominante et agnostique (y compris la Guilde) pour laquelle la religion n’est qu’un théâtre de marionnettes destiné à amuser la populace et à la rendre docile. Cette classe croit dans l’essentiel que tout phénomène – même religieux – peut être expliqué de façon mécanique.

4. Les soi-disant Enseignements Anciens, qui comprennent ceux qui furent préservés des trois mouvements islamiques par les Errants Zensunni, le Navachristianisme de Chusuk, les Variantes Bouddislamiques de Lankiveil et Sikun, les Livres Mêlés de la Mahayana Lankavatara, le Zen Hekiganshu de Delta Pavonis III, la Taurah et le Zabur Talmudique qui étaient encore en usage sur Salusa Secundus, l’envahissant Rituel Obeah, le Muadh Quran avec l’Ilm et le Fiqh préservés par les planteurs de riz pundi de Caladan, les formes d’Hindouisme que l’on trouvait dans tout l’univers chez les pyons isolés et, enfin, le Jihad Butlérien.

La cinquième force existe, bien sûr. Elle façonne toutes les croyances, mais de façon universelle et profonde, à tel point qu’elle doit être considérée isolément. Il s’agit du voyage spatial que, dans toute discussion religieuse, il convient d’exprimer ainsi :

LE VOYAGE SPATIAL !

Durant les cent dix siècles qui précédèrent le Jihad Butlérien, l’essor de l’humanité dans l’espace marqua la religion d’une empreinte profonde. Le voyage spatial, dans les premiers temps, était lent, incertain et irrégulier, bien que largement répandu. Ceci, avant le monopole de la Guilde qui s’établit par un curieux et complexe concours de méthodes. Les premières expériences spatiales, dont on sut bien peu de choses et qui donnèrent lieu à toutes sortes de déformations, ouvrirent la voie à toutes les spéculations mystiques.

Immédiatement, l’espace donna un sens et un attrait différents au concept de Création. Cette différence est parfaitement visible dans les mouvements religieux les plus importants de cette période. L’essence sacrée de toutes les religions fut atteinte par cette sorte d’anarchie qui émanait de l’espace.

Ce fut alors comme si Jupiter, dans ses nombreux avatars, regagnait les ténèbres maternelles pour être remplacé par une immanence femelle pleine d’ambiguïté et dont le visage reflétait d’innombrables terreurs.

Les formules anciennes se fondirent, s’interpénétrèrent en s’adaptant aux nouvelles conquêtes et aux nouveaux symboles héraldiques. C’était comme un combat entre les démons d’un côté et les vieux prêtres et leurs invocations de l’autre.

Jamais il n’y eut de décision nette.

Durant cette période, on dit que la Genèse fut réinterprétée et les paroles de Dieu devinrent :

« Croissez et multipliez, et emplissez l’univers ; et soumettez-le, et régnez sur toutes les espèces de bêtes étranges et de créatures vivantes dans les cieux infinis, sur les terres infinies et sous elles. »

Ce fut une époque de sorciers dont les pouvoirs étaient réels. Jamais ils ne révélèrent comment ils prenaient les tisons à main nue.

Puis vint le Jihad Butlérien. Deux générations de chaos. Le dieu de la logique mécanique fut alors renversé dans les masses et un nouveau concept se fit jour :

« L’homme ne peut être remplacé. »

Ces deux générations de violence constituèrent une pause thalamique pour toute l’humanité. Les regards des hommes se portèrent sur leurs dieux et leurs rites et ils y lurent la plus terrible des équations : la peur multipliée par l’ambition.