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Le tueur-chercheur s’éleva de cinquante centimètres. Il continuait d’osciller dans la trame d’ombre et de clarté des tores, sondant la pièce. Il faut que je m’en empare, songea Paul. Mais le champ de suspension doit le rendre glissant. Il faudra que je le serre très fort.

La chose redescendit de quelque vingt centimètres, pivota sur la gauche et tourna autour du lit. Il en émanait un bourdonnement ténu.

Qui le dirige ? se demanda Paul. Il faut que l’opérateur soit tout près. Je pourrais appeler Yueh mais il serait touché à l’instant même où il ouvrirait la porte.

Derrière lui, la porte du hall fit entendre un craquement. Puis il y eut un coup léger et la porte s’ouvrit.

Le tueur-chercheur frôla Paul et fila dans cette direction.

Il lança sa main droite et ses doigts se refermèrent sur le mortel engin. Il le sentit vibrer et bourdonner mais tous ses muscles étaient tendus en un effort désespéré. D’un geste violent, il frappa le métal de la porte avec la pointe du tueur. Il le sentit craquer entre ses doigts, s’immobiliser, se taire. Mais il ne le lâcha pas.

Il leva les yeux et rencontra le regard bleu, impavide, de la Shadout Mapes.

« Votre père m’a envoyé vous chercher, dit-elle. Les hommes qui attendent dans le hall vont vous escorter. »

Il acquiesça. Ses yeux et toute sa conscience ne se détachaient pas de cette vieille femme revêtue de l’informe robe brune des servantes. Elle regardait maintenant l’objet qu’il tenait dans sa main.

« J’ai entendu parler de ces choses, dit-elle. Celle-ci m’aurait tuée, n’est-ce pas ? »

Il lui fallut déglutit avant de pouvoir parler. « Je… c’était moi la cible » dit-il.

« Mais elle venait sur moi. »

« Parce que vous bougiez. »

Qui est cette créature ? se demanda-t-il.

« En ce cas, vous m’avez sauvé la vie. »

« J’ai sauvé nos deux vies. »

« Il semble que vous auriez pu me laisser frapper et en profiter pour vous enfuir », dit-elle.

« Qui êtes-vous ? »

« La gouvernante, la Shadout Mapes. »

« Comment saviez-vous où me trouver ? »

« Votre mère me l’a dit. Je l’ai rencontrée dans le hall, près de l’escalier menant à la chambre étrange. (Elle tendit la main.) Mais les hommes de votre père vous attendent. »

Des hommes d’Hawat, pensa Paul. Il faut que nous trouvions l’opérateur de cette chose.

« Va les rejoindre, dit-il. Rapporte-leur que j’ai attrapé un tueur-chercheur dans la maison et qu’ils doivent trouver l’opérateur. Dis-leur qu’il faut immédiatement fermer toutes les issues. Ils sauront ce qu’il convient de faire. L’opérateur est certainement un étranger parmi nous. »

Cela ne pourrait-il être cette créature ?se demanda-t-il. Mais il savait que ce n’était pas possible. Lorsqu’elle était entrée dans la chambre, le tueur était encore sous contrôle.

« Avant de faire de la sorte, petit homme, dit Mapes, il convient que j’éclaire la route qui est entre nous. Je ne suis pas certaine de pouvoir supporter cette eau que tu as placée sur mes épaules. Mais nous autre Fremen payons nos dettes, qu’elles soient noires ou blanches. Nous savons qu’il existe un traître entre les tiens. Qui est-il, nous ne pouvons te le dire, mais nous sommes certains de son existence. Il se pourrait que ses mains aient guidé ce perceur de chaire. »

Paul avait admis cela en silence : un traître. Avant qu’il pût parler, l’étrange femme avait rebroussée chemin. Il faillit la rappeler, mais quelque chose dans son attitude lui laissait à penser qu’elle n’aimerait pas cela. Elle lui avait dit ce qu’il avait demandé. Avant une minute les hommes d’Hawat se seraient répandus dans la demeure.

Des bribes de conversation lui revinrent en esprit : … la chambre étrange… Il regarda vers la gauche, dans la direction qu’elle avait indiquée. Nous autres Fremen. Ainsi c’était une Fremen. Il attendit que le cliché se fixe dans sa mémoire : visage brun sombre, ridé, yeux bleu sur bleu, sans le moindre blanc. Et il apposa l’étiquette : Shadout Mapes.

Sans lâcher le tueur détruit, Paul revint près du lit. De la main gauche il prit sa ceinture-bouclier, la ceignit et ajusta la boucle en descendant vers le hall.

La Shadout Mapes avait dit que sa mère était là-bas… des escaliers… la chambre étrange.

Qu’avait Dame Jessica pour la soutenir à l’instant de son procès ? Réfléchissez sur ce proverbe Bene Gesserit et peut-être verrez-vous « Chaque route que l’on suit exactement jusqu’au bout ne conduit exactement à rien. Escaladez la montagne pour voir si c’est bien une montagne. Quand vous serez au sommet de la montagne, vous ne pourrez plus voir la montagne. »

(Extrait de Muad’Dib, commentaires de famille, par la Princesse Irulan.)

A l’extrémité de l’aile sud, Jessica découvrit un escalier métallique en spirale qui accédait à une porte ovale. Son regard revint au hall puis, de nouveau, à la porte. Ovale ? se dit-elle. Quelle forme bizarre dans une demeure !

Immobile au pied de l’escalier, elle apercevait au-delà des fenêtres, en levant les yeux, le grand soleil blanc d’Arrakis qui glissait vers le soir. Les ombres s’allongeaient dans le hall. Le regard de Jessica interrogea de nouveau l’escalier. Sur chacune des marches de métal, la lumière éclatante qui venait des fenêtres révélait des parcelles de terre desséchée. Elle posa une main sur la rampe et commença de monter. La rampe était froide sous sa paume. Elle atteignit la porte, s’arrêta et vit qu’il n’y avait là aucune poignée mais seulement un creux dans le métal à l’endroit où aurait dû se trouver une poignée.

Ce n’est certainement pas une serrure à main, songea-t-elle. Il faudrait qu’elle soit adaptée à une certaine forme de main, à un certain dessin des lignes. Pourtant, cela ressemblait beaucoup à une serrure à main. Et il existait des moyens (qu’on lui avait enseignés à l’Ecole) pour venir à bout de n’importe quelle serrure à main.

Elle regarda derrière elle afin de s’assurer que personne ne l’observait, puis elle plaça sa paume sur le creux. La plus douce des pressions pour déformer les lignes, un mouvement du poignet, un autre, un faible pivotement de la paume sur la surface de métal… Elle perçut le cliquetis.

Mais elle perçut aussi des pas rapides dans le hall, derrière elle. Elle leva la main, se retourna et vit Mapes qui arrivait au bas de l’escalier.

« Des hommes sont dans le grand hall. Ils disent avoir été envoyés par le Duc pour escorter le jeune maître Paul, dit Mapes. Ils ont le sceau ducal et le garde les a identifiés. » Elle regarda la porte ovale puis, de nouveau, Jessica.

Prudente, cette Mapes, pensa Jessica. C’est bon signe.

« Il se trouve dans la cinquième pièce de ce côté du hall, la petite chambre, dit-elle. Si tu ne parviens pas à l’éveiller, appelle le docteur Yueh qui se trouve dans la pièce voisine. Paul pourrait avoir besoin d’une injection tonique. »

A nouveau, le regard perçant de Mapes se porta sur la porte ovale et Jessica eut l’impression de déceler de l’avidité dans ses yeux. Mais avant qu’elle ait pu poser la moindre question sur la porte et sur ce qu’elle pouvait dissimuler, Mapes était repartie et se hâtait dans le hall.