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Kynes hésita, puis reprit le micro. « Prime de guet au duc Leto Atréides. Duc Leto Atréides. Terminé. »

Aucune intonation ne perçait dans la voix partiellement déformée par une vague de parasites lorsqu’elle répondit : « Compris. Merci. »

« Maintenant, ordonna Halleck, dits-leur de diviser la prime entre eux. Dites-leur que c’est le désir du Duc. »

Kynes inspira profondément puis obéit. « Le Duc désire que cette prime soit divisée entre tous. M’avez-vous compris ? Terminé. »

« Compris et merci. »

« J’ai oublié de vous dire, fit le Duc, que Gurney est également doué pour les relations publiques. »

Kynes se tourna vers Halleck avec une expression perplexe.

« Ainsi, les hommes sauront que le Duc est préoccupé par leur sécurité, dit Halleck. On se le répétera. Nous étions sur une fréquence locale. Il est peu probable que des agents harkonnens nous aient entendus. (Il leva les yeux vers les appareils de couverture.) Et nous représentons une force appréciable. C’était un risque valable. »

Le Duc inclina l’orni dans la direction du nuage de sable de la chenille. « Et maintenant ? »

« Une aile portante devrait arriver et emporter la chenille », dit Kynes.

« Et si elle s’est écrasée ? » demanda Halleck.

« C’est une perte de matériel, dit Kynes. Rapprochez-vous de la chenille, Mon Seigneur. Vous allez trouver cela intéressant. »

Le Duc s’absorba dans les commandes comme l’appareil pénétrait dans la turbulence d’air qui environnait la chenille au travail.

Paul regarda en bas. Le monstre de plastique et de métal continuait de cracher le sable. C’était comme un grand scarabée bleu et brun dont les pattes multiples étaient de larges chenillettes. Une gigantesque trompe, à l’avant, plongeait dans le sable sombre.

« A en juger par la couleur, cet endroit est riche en épice, dit Kynes. Ils vont poursuivre le travail jusqu’à la dernière seconde. »

Le Duc fournit de la puissance aux ailes qui accentuèrent encore la lente plongée de l’orni qui tournait autour de la chenille. D’un coup d’œil, il s’assura de la présence des autres appareils.

Paul observa un instant le grand nuage jaune qui s’échappait des évents de la chenille, puis il reporta son regard sur le sillage du ver, de plus en plus proche.

« Est-ce que nous ne devrions pas les entendre appeler le portant ? » demanda Halleck.

« En général, ils utilisent une autre fréquence. »

« Est-ce qu’il ne devrait pas y avoir deux portants par chenille ? demanda le Duc. Il y a bien vingt-six hommes dans cette machine, sans compter tout le matériel. »

« Vous n’avez pas assez d’équipe… », commença Kynes, puis il s’interrompit. Une voix furieuse lançait dans le haut-parleur : « Vous ne voyez pas l’aile ? Elle ne répond pas. »

Il y eut un torrent de craquements, puis un signal sonore, le silence et la première voix se fit entendre à nouveau : « Au rapport dans l’ordre ! Terminé. »

« Ici Contrôle Guetteur. La dernière fois que j’ai aperçu l’aile, elle était très haut vers le nord-ouest. Je ne la vois plus. Terminé. »

« Guetteur un : négatif. Terminé. »

« Guetteur deux : négatif. Terminé. »

« Guetteur trois : négatif. Terminé. »

Silence.

Le Duc regarda en bas. L’ombre de l’orni passait juste sur la chenille.

« Il n’y a que quatre guetteurs, n’est-ce pas ? »

« Exact », dit Kynes.

« Nous disposons en tout de cinq appareils, plus grands. Chacun d’eux peut prendre trois hommes de plus à son bord. Quant aux guetteurs, ils parviendront bien à s’arracher au sol avec deux hommes en surcharge. »

Paul fit mentalement l’addition. « Cela nous en laisse encore trois ! »

« Mais pourquoi n’y a-t-il donc pas deux portants par chenille ? » aboya le Duc.

« Vous n’avez pas assez d’équipement en réserve », dit Kynes.

« Raison de plus pour protéger ce que nous avons ! »

« Où ce portant a-t-il pu aller ? » demanda Halleck.

« Il a pu être contraint de se poser hors de vue. »

Le Duc prit le micro, puis hésita, le pouce au-dessus du bouton de contact. « Comment ont-ils pu perdre ainsi de vue un portant ? »

« Ils concentrent surtout leur attention sur le sol, pour le signe du ver », dit Kynes.

Le Duc appuya sur le contact. « Ici votre Duc, lança-t-il. Nous allons nous poser pour prendre l’équipage de Delta Ajax Neuf. Que tous les guetteurs nous imitent. Qu’ils se posent sur le côté est. Nous nous poserons à l’ouest. Terminé. » Il passa sur sa fréquence personnelle de commandement et répéta ses ordres pour les ornis de l’escorte avant de rendre le micro à Kynes. Celui-ci repassa sur la fréquence locale. Une voix jaillit aussitôt du haut-parleur : « … presque complet d’épice ! Nous avons un chargement complet d’épice ! On ne peut pas laisser ça à ce satané ver ! Terminé. »

« Au diable l’épice ! lança le Duc. » Il reprit le micro : « Nous trouverons toujours de l’épice. Nos appareils ne peuvent emporter que vingt-trois hommes en tout. Tirez à la courte paille ou décidez de vous-mêmes quels sont ceux qui resteront. Mais vous êtes évacués. C’est un ordre ! » Il reposa violemment le micro entre les mains de Kynes, vit sa grimace de douleur et dit : « Excusez-moi. »

« Combien nous reste-t-il de temps ? » demanda Paul.

« Neuf minutes », reprit Kynes.

« Cet appareil est plus puissant que les autres, dit le Duc. En décollant avec les fusées et en mettant les ailes aux trois quarts, nous pourrions prendre encore un homme de plus. »

« Le sable est mou », dit Kynes.

« Avec quatre hommes de plus, nous risquons de casser les ailes en décollant avec les fusées, Sire », fit remarquer Halleck.

« Pas avec cet orni. » Le Duc se pencha sur les commandes. L’orni s’approcha de la chenille dans une dernière glissade. Les ailes se redressèrent et l’appareil vint se poser à vingt mètres de la chenille. Celle-ci était maintenant silencieuse. Le sable ne jaillissait plus de ses évents. Il n’en émanait qu’un faible ronflement mécanique qui se fit plus net lorsque le Duc ouvrit la porte.

Immédiatement, leurs narines furent assaillies par la senteur de cannelle, lourde, pénétrante.

Les guetteurs se posèrent sur le sable, de l’autre côté de la chenille, avec un claquement sonore.

L’escorte du Duc vint se ranger en ligne derrière lui.

Paul contemplait l’énorme chenille-usine auprès de laquelle les ornithoptères semblaient minuscules moustiques dans le sable auprès d’un monstrueux scarabée.

« Gurney et Paul, jetez ce siège dehors », dit le Duc. Il déploya à la main les ailes jusqu’aux trois quarts, en régla l’angle et vérifia les contrôles des fusées. « Pourquoi diable ne sortent-ils pas de cette machine ? »

« Ils espèrent encore que l’aile portante va apparaître, dit Kynes. Il leur reste quelques minutes. « Son regard était fixé sur l’est. Ils l’imitèrent et ne décelèrent aucun signe de l’approche du ver. Mais l’air était lourdement chargé d’anxiété.

Le Duc reprit le micro et passa sur la fréquence de commandement. « Que deux d’entre vous se débarrassent de leur générateur de bouclier. Nous ne laisserons personne à ce monstre. » (Puis, repassant en fréquence locale, il hurla : ) « Alors, Delta Ajax Neuf ! Dehors ! Tous ! Immédiatement ! C’est un ordre de votre Duc ! En vitesse ou je découpe cette chenille au laser ! »

Une écoutille s’ouvrit à l’avant de l’usine, une autre à l’arrière, une troisième au sommet. Les hommes commencèrent à sortir, glissant et trébuchant dans le sable. Le dernier à quitter la chenille fut un personnage de haute taille en robe de travail. Il sauta sur une des chenillettes puis, de là, dans le sable.