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« Comme vous le désirerez, Ma Dame. »

« D’abord, vous allez répondre à une question. Etes-vous, en cet instant, un agent des Harkonnens ? »

Il se leva à demi, le visage assombri par la colère.

« Vous osez m’insulter de la sorte ? »

« Asseyez-vous. Vous aussi, vous avez osé. »

Lentement, il obéit.

Et Jessica, lisant les signes sur ce visage qu’elle connaissait si bien, exhala un long soupir. Ce n’était pas Hawat.

« Maintenant, dit-elle, je sais que vous demeurez fidèle à mon Duc. Je suis donc prête à vous pardonner cet affront. »

« Y a-t-il quelque chose à pardonner ? »

Elle fronça les sourcils. Vais-je jouer mon atout ? Vais-je lui parler de cette fille que je porte en moi depuis plusieurs semaines ? Non… Leto lui-même ne sait rien. Cela ne ferait que lui compliquer l’existence, le distraire en un moment où il doit se concentrer sur notre survie. Il sera encore temps d’utiliser cela.

« Une Diseuse de Vérité résoudrait ce problème, dit-elle, mais nous n’avons ici aucune Diseuse qualifiée par le Haut Conseil. »

« Comme vous le dites : nous n’avons pas de Diseuse de Vérité. »

« Y a-t-il un traître parmi nous ? J’ai étudié nos gens avec beaucoup de soin. Qui cela pourrait-il être ? Pas Gurney. Certainement pas Duncan. Leurs lieutenants à eux ne sont pas dans une position stratégique telle que Thufir. Ce ne peut être Paul. Je sais que ce n’est pas moi. Le docteur Yueh, alors ? Faut-il que je l’appelle et le soumette à un test ? »

« Vous savez que ce serait inutile, dit Hawat. Il est conditionné par le Haut Collège. De cela, je suis certain. »

« Sans parler de son épouse Bene Gesserit assassinée par les Harkonnens », dit Jessica.

« C’est donc ce qui lui est arrivé. »

« N’avez-vous jamais décelé la haine qui perce dans sa voix lorsqu’il parle des Harkonnens ? »

« Vous savez que je n’ai pas l’oreille. »

« Qu’est-ce qui a amené ce soupçon à mon égard ? »

Il se renfrogna. « Ma Dame met son serviteur dans une position impossible. Ma loyauté va tout d’abord au Duc. »

« Pour cette loyauté, je suis prête à pardonner beaucoup », dit Jessica.

« Mais à nouveau je vous demande : Y a-t-il quelque chose à pardonner ? »

« Pat ? » demanda-t-elle.

Hawat haussa les épaules.

« En ce cas, parlons d’autre chose pendant une minute. De Duncan Idaho, cet admirable combattant dont on estime tant les qualités de garde et de surveillant. Cette nuit, il s’est adonné à une boisson appelée bière d’épice. Des rapports m’ont appris que d’autres, parmi nos gens, avaient été victimes de cette mixture. Est-ce exact ? »

« Vous avez vos rapports, Ma Dame. »

« C’est vrai. Ne pensez-vous pas que ce soit un symptôme, Thufir ? »

« Ma Dame parle par énigmes. »

« Utilisez donc vos dons de Mentat ! Quel est le problème avec Duncan comme avec les autres ? Je vais vous le dire : Ils n’ont pas de foyer. »

Il tendit l’index vers le sol. « Arrakis. Arrakis est leur foyer. »

« Arrakis est une inconnue ! Caladan était leur maison, mais nous les avons déracinés. Ils n’ont plus de foyer. Et ils craignent que le Duc ne les abandonne. »

Hawat se raidit. « Si un seul des hommes parlait ainsi… »

« Oh, assez, Thufir ! Est-ce un signe de trahison ou de défaitisme de la part d’un docteur que de diagnostiquer correctement une maladie ? Mon seul but est de la guérir, cette maladie. »

« Le Duc m’a confié cette mission. »

« Mais vous comprenez certainement que je me soucie du développement de cette maladie. Et peut-être me concéderez-vous certaines capacités dans ce domaine. »

Faut-il que je lui administre un choc ? se demanda-t-elle. Il a besoin d’être secoué, afin d’abandonner la routine.

« Le souci dont vous faites preuve pourrait être interprété de bien des façons », dit Hawat en haussant les épaules.

« Ainsi vous m’avez déjà condamnée ? »

« Que non, Ma Dame. Mais je ne puis me permettre de prendre le moindre risque dans la situation présente. »

« Une menace contre la vie de mon fils, dans cette demeure même, est passée inaperçue de vous, dit-elle. Qui a pris ce risque ? »

Le visage d’Hawat devint sombre. « J’ai présenté ma démission au Duc. »

« Et à moi… ou à Paul ? »

Maintenant, il était ouvertement furieux. Son souffle rapide, ses narines dilatées, son regard fixe le trahissaient. Jessica discerna une veine qui frémissait sur sa tempe.

« J’appartiens au duc », dit-il d’un ton âpre.

« Il n’y a pas de traître. La menace vient d’ailleurs. Peut-être est-elle en rapport avec ces lasers. Peut-être vont-ils prendre le risque d’introduire quelques lasers munis de dispositifs automatiques et braqués sur les boucliers de cette demeure. Peut-être qu’ils… »

« Mais après l’explosion, qui pourrait prouver qu’ils n’ont pas utilisé les atomiques ? Non, Ma Dame. Ils ne risqueraient rien d’aussi illégal. Les radiations subsistent. Les preuves sont difficiles à faire disparaître. Non. Ils observeront toutes les formes. Il s’agit certainement d’un traître. »

« Vous appartenez au Duc. Le détruiriez-vous dans vos efforts pour le sauver ? »

Il inspira profondément. « Si vous êtes innocente, je vous ferai mes plus plates excuses. »

« Parlons de vous, maintenant, Thufir, dit-elle. Les humains vivent mieux lorsque chacun d’eux est à sa place, lorsque chacun d’eux sait où il se situe dans le schéma des choses. Détruisez cette place, vous détruisez la personne. Vous et moi, Thufir, de tous ceux qui aiment le duc, nous sommes les plus susceptibles de nous détruire mutuellement. Ne pourrais-je, une nuit prochaine, glisser à l’oreille du duc les soupçons que j’ai à votre égard ? Et à quel moment y serait-il particulièrement sensible, Thufir ? Dois-je vous le faire comprendre plus clairement ? »

« Vous me menacez ? » gronda-t-il.

« Bien sûr que non. Je mets simplement en évidence le fait que quelqu’un, en ce moment, nous attaque en visant l’organisation même de nos existences. C’est habile, diabolique. Je vous propose de neutraliser cette attaque en disposant nos existences de telle façon que ne subsiste plus aucune faille par laquelle on puisse nous atteindre. »

« Vous m’accusez d’entretenir des soupçons sans fondement ? »

« Oui, sans fondement. »

« Les avez-vous comparés aux vôtres ? »

« C’est votre vie, Thufir, qui est faite de soupçons, et non la mienne. »

« Vous mettez donc en doute mes capacités ? »

Elle soupira. « Thufir, je voudrais que vous considériez la part de vos émotions personnelles qui participent à ceci. L’humain naturel est un animal dépourvu de logique. Votre projection de la logique dans tous les problèmes n’est pas naturelle mais elle persiste à cause de son utilité. Vous êtes la personnalisation de la logique, vous êtes un Mentat. Pourtant, vos solutions sont des concepts qui, d’une manière très réelle, sont projetés hors de vous et qui demandent à être étudiés, inspectés, examinés sous tous les angles. »

« Vous entendez m’apprendre mon rôle ? » demanda-t-il, sans chercher à dissimuler le mépris dans sa voix.