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Calme.

Elle lutta pour le calme, se servant des vieux enseignements.

Mais la terreur demeurait si proche.

Leto ? Où es-tu, Leto ?

L »obscurité diminuait. Il y eut des ombres, d’abord. Les dimensions furent marquées et devinrent autant d’aiguilles de perception. Blanc. Une ligne sous une porte.

Je suis sur le sol.

On marchait. Elle décelait les pas dans le sol. Elle repoussa le souvenir de la terreur. Je dois rester calme, éveillée, prête. Je n’aurai peut-être qu’une seule chance.

A nouveau, le calme intéfieur.

Les battements de son cœur ralentirent, devinrent réguliers, prirent un rythme. Elle s mit à compter à rebours. Elle pensa : J’ai été inconsciente environ une heure. Elle ferma les yeux, focalisa toute sa perception sur les pas qui approchaient.

Quatre personnes.

Elle décelait la différence de leurs démarches.

Je dois feindre l’inconscience. Sur le sol froid, elle se détendit, vérifia l’éveil de tout son corps. Une porte s’ouvrit. Elle devina la lumière au travers de ses paupières closes.

Des pas, plus proches. Quelqu’un se penchait sur elle.

« Vous êtes éveillée, dit une voix de basse. N’essayez pas de feindre. »

Elle ouvrit les yeux.

Le baron Vladimir Harkonnen se dressait au-dessus d’elle. Derrière lui, tout autour, elle reconnut la cave où Paul avait dormi, elle vit la couche… vide. Des gardes arrivaient avec des lampes à suspenseurs qu’ils placèrent près du seuil. Dans le hall, au-delà, régnait une lumière vive qui lui blessa la vue.

Elle regarda le Baron. Il portait une cape jaune déformée par des suspenseurs portatifs. Sous ses yeux noirs d’araignée, il avait les grosses joues d’un chérubin.

« L’effet de la drogue a été calculé avec précision, reprit-il. Nous savions exactement à quelle minute vous deviez vous éveiller. »

Comment est-ce possible ? pensa-t-elle. Il leur faudrait connaître mon poids exact, mon métabolisme, mon… Yueh !

« Quel dommage que vous deviez rester baillonnée ! dit le Baron. Nous pourrions avoir une conversation fort intéressante. »

Yueh est le seul possible, songeait Jessica. Mais comment ?

Le Baron se tourna vers le seuil. « Entre, Piter. »

Elle n’avait encore jamais vu l’homme qui entrait et qui vint se placer à côté du Baron. Pourtant, son visage lui était connu… et son nom : Piter de Vries, l’Assassin-Mentat. Elle l’examina. Des traits de faucon, des yeux d’un bleu d’encre qui suggéraient qu’il était natif d’Arrakis. Mais les détails subtils de son maintien et de ses gestes démentaient cette idée. Et il y avait trop d’eau dans sa chair ferme. Il était grand, élancé, avec quelque chose d’efféminé.

« Vraiment dommage que nous ne puissions avoir cette conversation, reprit le Baron. Mais, ma chère Dame Jessica, je connais vos possibilités. (Il jeta un coup d’œil au Mentat.) N’est-ce pas, Piter ? »

« Comme vous le dites, Baron. »

La voix était celle d’un ténor. Elle répandit une soudaine froideur au long des nerfs de Jessica. Jamais elle n’avait entendu une voix aussi glacée. Pour une Bene Gesserit, c’était comme si Piter avait hurlé Tueur !

« J’ai une surprise pour Piter, reprit le Baron. Il pense être venu ici pour percevoir sa récompense : vous, Dame Jessica. Mais je souhaite démonter une chose : qu’il ne vous désire pas vraiment. »

« Vous jouez avec moi, Baron ? » demanda Piter en souriant.

En voyant ce sourire, Jessica se demanda comment le Baron pouvait ne pas se défendre immédiatement contre les atteintes du Mentat. Puis elle comprit qu’il ne pouvait lire ce sourire. Il n’avait pas reçu l’Education.

« De bien des façons, Piter est particulièrement naïf. Il ne parvient pas à saisir le danger mortel que vous représentez, Dame Jessica. Je le lui montrerais bien, mais ce serait prendre un risque inconsidéré. (Le Baron eut un sourire à l’adresse de son Mentat, dont le visage était devenu le masque de l’attente.) Je sais ce que Piter désire vraiment. Il désire le pouvoir. »

« Vous m’avez promis que je l’aurais, elle », dit Piter. Et sa voix de ténor avait perdu un peu de sa froideur.

Jessica avait lu les tonalités clés dans ses paroles et elle eut un frisson intérieur. Comment le Baron avait-il pu faire d’un Mentat cet animal ?

« Je t’offre un choix, Piter », dit le Baron.

« Quel choix ? »

Le Baron fit claquer ses gros doigts. « Cette femme et l’exil loin de l’Imperium ou le duché des Atréides sur Arrakis pour y régner en mon nom et à ton gré. »

Les yeux d’araignée du Baron ne quittaient pas le visage du Mentat.

« Ici, sans en avoir le titre, tu pourrais être Duc » ajouta-t-il.

Mon Lto serait donc mort ? se dit Jessica. Quelque part, tout au fond d’elle, elle se mit à gémir.

Le Baron observait toujours le Mentat. « Comprends-toi, Piter. Tu la veux parce qu’elle est la femme d’un Duc, le symbole de sa puissance. Elle est belle, utile, parfaitement entraînée à son rôle. Mais tout un duché, Piter ! Voilà qui est mieux qu’un symbole. Une réalité. Avec cela, tu pourrais avoir bien des femmes… et plus encore. »

« Vous ne vous moquez pas de Piter ? »

Le Baron se retourna avec cette légèreté de danseur due aux suspenseurs. « Me moquer ? Moi ? Souviens-toi : j’abandonne l’enfant. Tu as entendu ce que le traître a dit de son éducation. Ils sont pareils, la mère et le fils : mortellement dangereux. (Il sourit.) Maintenant, je dois m’en aller. Je vais appeler le garde que j’ai conservé pour cette occasion. Il est totalement sourd. Ses ordres sont de t’accompagner durant une partie de ton voyage d’exil. S’il s’aperçoit que cette femme te contrôle, il la supprimera. Il ne te permettra pas de lui retirer son bâillon jusqu’à ce que tu sois très loin d’Arrakis. Mais si tu choisis de ne pas partir… il a d’autres ordres. »

« Il est inutile de quitter cette pièce, dit Piter. J’ai choisi. »

« Ah, ah ! Une décision aussi rapide ne peut signifier qu’une chose. »

« Je prends le duché. »

Ne sait-il pas que le Baron lui ment ? songea Jessica. Mais… comment le pourrait-il donc ? Ce n’est qu’un Mentat dégénéré.

Le regard du Baron s’était porté sur elle.

« N’est-il pas merveilleux que je connaisse à ce point Piter ? J’avais fait le pari avec mon Maître d’Armes qu’il accepterait ce choix. Ah ! Bien, je m’en vais à présent. Ceci est bien mieux. Bien mieux. Vous comprenez, Dame Jessica ? Je n’ai aucune rancune à votre égard. C’est une nécessité. C’est bien mieux ainsi. Oui. Je n’ai pas ordonné vraiment que vous soyez supprimée. Lorsque l’on me demandera ce qu’il est advenu de vous, je pourrai hausser les épaules en toute vérité. »

« Vous me laissez donc cela ? » demanda Piter.

« Le garde que je t’envoie prendra tes ordres. Quels qu’ils soient. Tu es seul juge. (Il fixa son regard sur le Mentat.) Oui. Je n’aurai pas de sang sur les mains. Ce sera ta décision. Oui. Je ne veux plus rien savoir de tout ceci. Tu attendras mon départ avant de faire ce que tu dois faire. Oui… Ah, oui, très bien. »

Il craint les questions d’une Diseuse de Vérité, pensa Jessica. Qui ? Ah, mais la Révérende Mère Gaius Helen M., bien sûr ! S’il sait qu’il devra répondre à ses questions, alors c’est que l’Empereur est mêlé à cela. Certainement. Mon pauvre Leto !