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« Une bombe ? »

« J’en doute. C’est quelque chose de bizarre. »

Paul sauta dans le sable et elle le suivit. Puis elle se retourna et examina le dessous du siège. Les pieds de Czigo n’étaient qu’à quelques centimètres de son visage. Elle trouva le paquet et le tira à elle. Il était humide et elle comprit aussitôt que c’était le sang du pilote qui le maculait.

Gaspillage d’humidité, pensa-t-elle. Et c’était là une pensée arrakeen.

Paul regardait de toutes parts. Il vit l’escarpement rocheux qui s’élevait du désert comme une plage prise sur la mer, et, au-delà les palissades sculptées par le vent. Il se retourna comme sa mère sortait le paquet et il suivit son regard vers le Bouclier. Il vit alors ce qui avait attiré son attention : un autre ornithoptère qui plongeait vers eux. Et il comprit qu’ils n’auraient plus le temps de sortir les deux hommes et de fuir.

« Cours, Paul ! cria Jessica. Ce sont les Harkonnens ! »

Arrakis enseigne l’attitude du couteau : couper ce qui est incomplet et dire ! « Maintenant c’est complet, car cela s’achève ici. »

(extrait de Les Dits de Muad’Dib, par la princesse Irulan.)

Un homme en uniforme harkonnen s’arrêta à l’extrémité du hall, regarda Yueh, le corps de Mapes, la forme immobile du Duc. En un seul regard. Il tenait un pistolet laser dans la main droite. Il émanait de lui une impression de brutalité, de dureté, de vigilance qui fit frissonner Yueh.

Un Sardaukar, pensa-t-il. Un Bashar, à en juger par son allure. Probablement l’un de ceux que l’Empereur a envoyés pour garder un œil sur tout. Quel que soit l’uniforme qu’ils portent, il ne leur est pas possible de se dissimuler.

« Vous êtes Yueh », dit l’homme. Il regardait alternativement le tatouage en diamant sur le front de Yueh, l’anneau de l’Ecole Suk ui maintenait ses cheveux. Puis il rencontra ses yeux.

« Je suis Yueh », dit le docteur.

« Vous pouvez vous détendre, à présent. Lorsque vous avez annulé les boucliers de la maison, nous sommes immédiatement entrés. Tout est neutralisé. Est-ce le Duc ? »

« C’est le Duc. »

« Mort ? »

« Simplement inconscient. Je vous conseille de le ligoter. »

« Qu’avez-vous fait pour les autres ? » Il regarda dans la direction du corps de Mapes.

« C’est regrettable », murmura Yueh.

« Regrettable ! dit le Sardaukar (Il s’avança, baissa les yeux sur le corps de Leto.) Ainsi voilà le grand Duc Rouge. »

Si j’avais des doutes quant à la nature de cet homme, voici qui les balayerait, songea Yueh. Seul l’Empereur appelle ainsi les Atréides.

Le Sardaukar sa baissa et arracha le petit faucon rouge de l’uniforme de Leto. « Un petit souvenir, dit-il. Mais où est l’anneau ducal ? »

« Il ne l’a pas sur lui », dit Yueh.

« Je le vois bien ! »

Yueh se raidit. S’ils m’interrogent, s’ils amènent une Diseuse, ils trouveront. A propos de l’anneau, à propos de l’orni… Tout s’effondrera.

« Il arrive parfois que le Duc confie l’anneau à un messager pour prouver qu’un ordre vient directement de lui », avança Yueh.

« Il faut avoir une satanée confiance », grommela le Sardaukar.

« Vous ne le ligotez pas ? »

« Combien de temps encore restera-t-il inconscient ! »

« Deux heurs à peu près. Pour lui, je n’ai pas été aussi précis que pour la femme et le garçon. »

Le Sardaukar remua le corps du Duc avec son pied.

« Il n’y a rien à craindre de lui, même quand il sera éveillé. Et la femme et le garçon ? »

« Ils se réveilleront dans dix minutes environ. »

« Si tôt ? »

« On m’a dit que le Baron arriverait immédiatement derrière ses hommes. »

« Il arrivera. Attendez dehors, Yueh. (Il eut un regard dur.) Allez ! »

Yueh regarda Leto. « Et… »

« Il sera livré au Baron troussé comme un roti prêt pour le four. (A nouveau, le regard du Sardaukar se fixa sur le tatouage qui ornait le front de Yueh.) On vous connaît. Vous serez en sécurité dans les salles. Mais nous n’avons plus le temps de bavarder, traître. J’entends venir les autres. »

Traître, songea Yueh. Il baissa les yeux et s’éloigna rapidement du Sardaukar. Il savait déjà que c’était ainsi que l’histoire le connaîtrait : Yueh le traître.

En se dirigeant vers l’entrée principale, il rencontra deux autres corps et les examina, craignant de découvrir Paul ou Jessica. Mais c’était deux soldats d’Harkonnen.

Il surgit au-dehors dans la nuit illuminée par les flammes et les gardes se mirent sur le qui-vive et l’examinèrent. On avait mis le feu aux palmiers qui bordaient la route. La fumée noire du liquide inflammatoire que l’on avait utilisé rampait entre les flammes orange.

« C’est le traître », dit quelqu’un.

« Le Baron vous convoquera bientôt », dit un autre.

Il faut que j’aille jusqu’à l’orni, songea Yueh. Il faut que je laisse le sceau ducal en un endroit où Paul le trouvera. La peur se déversa soudain en lui. Si Idaho a des soupçons à mon égard ou s’il s’impatiente. Il n’attendra pas et il ne se rendra pas au point exact que je lui ai indiqué. Et Jessica et Paul n’échapperont pas au carnage. Et mon acte n’aura plus la moindre décharge.

L’un des gardes le poussa. « Attendez là-bas ! Ecartez-vous ! »

Brusquement, Yueh se vit perdu en ces lieux de destruction. On ne lui pardonnait rien ; on ne lui accordait pas la moindre pitié. Idaho ne doit pas échouer ! pensa-t-il.

Un autre garde le poussa et aboya : « Hors d’ici, vous ! »

Même en tirant profit de moi, ils me méprisent. Il se redressa et retrouva un peu de dignité.

« Attendez le Baron ! » gronda un officier.

Yueh acquiseça et, avec une lenteur calculée, il s’éloigna le long de la façade et tourna à l’angle, perdant de vue les palmiers embrasés. Très vite, chacun de ses pas trahissant son anxiété, il s’avança vers la cour, derrière la serre, où l’ornithoptère attendait, prêt à emporter Paul et sa mère dans le désert.

Un garde était posté devant la porte de la demeure, mais son attention était fixée sur le Hall illuminé et sur les hommes qui allaient et venaient en tous sens, fouillant une pièce après l’autre.

Comme ils étaient confiants !

Yueh plongea dans l’ombre, controuna l’appareil et ouvrit la porte. Il glissa la main sous le siège et trouva le Fremkit qu’il avait dissimulé là. Il ouvrit un soufflet et y glissa l’anneau ducal. Il perçut alors le craquement du papier d’épice de la note qu’il avait écrite et il mit l’anneau à l’intérieur. Puis il repoussa le paquet en place, referma silencieusement la porte et regagné l’angle de la maison.

Maintenant, c’est fait, pensa-t-il.

Une fois encore, il s’avançait dans la nuit incendiée. Il ramena sa cape autour de lui et son regard courut entre les flammes. Bientôt, je verrai le Baron et je saurai. Et le Baron, lui, trouvera devant lui une dent, une petite dent.

Une légende dit que, à l’instant où Leto mourut, un météore traversa le ciel au-dessus du castel ancestral de Caladan.