Выбрать главу

Il leva la main, secoua l’eau et contempla l’objet de métal immobile dans la fontaine. Jessica coupa une tige et s’en servit pour toucher la mortelle écharde. Inerte. Elle laissa tomber la tige dans l’eau et regarda son fils. Paul examinait la pièce avec une acuité qu’elle connaissait bien… Selon la Manière Bene Gesserit.

« Cet endroit pourrait dissimuler n’importe quoi », dit-il.

« J’ai toute raison de penser qu’il est sûr. »

« Ma chambre était censée l’être également. Hawat avait dit que… »

« C’était un chercheur-tueur, lui rappela-t-elle. Cela signifie qu’il fallait quelqu’un dans la demeure pour le diriger. Les rayons de support ont une portée limitée. Cette chose a fort bien pu être introduite ici après l’inspection d’Hawat. »

Mais, dans le même temps, elle songeait au message gravé dans la feuille : « … la trahison d’un compagnon ou d’un lieutenant… » Non, certainement pas Hawat. Certainement pas.

« Les hommes d’Hawat fouillent la demeure en ce moment, dit Paul. Le tueur a failli atteindre la vieille femme qui est venue m’éveiller. »

« La Shadout Mapes, dit Jessica. (Elle se souvint de leur rencontre au bas des marches.) Ton père devait te voir pour… »

« Cela peut attendre. Mais pourquoi pensez-vous que cet endroit est sûr ? »

Elle lui montra le bloc et lui rapporta le message. Il se détendit quelque peu. Mais pas Jessica, qui songeait : Un tueur-chercheur ! Mère Miséricordieuse ! Elle devait faire appel à toute son éducation pour réprimer un tremblement hystérique.

Paul dit calmement : « Bien sûr, ce sont les Harkonnen. Nous devrons les détruire. »

Puis on frappa à la porte du sas selon le code des hommes d’Hawat.

« Entrez », dit Paul.

La porte s’ouvrit et un homme de haute taille arborant l’uniforme des Atréides et l’insigne d’Hawat sur sa casquette pénétra dans la pièce.

« Ah, vous voici, monsieur, dit-il. La gouvernante nous avait dit que nous vous trouverions là. (Son regard parcourut la pièce.) Nous avons trouvé un cairn dans les caves. Il y avait un homme à l’intérieur, avec un pupitre de contrôle de tueur. »

« Je veux assister à son interrogatoire », dit Jessica, aussitôt.

« Je suis désolé, Ma Dame. Nous n’avons pas réussi à le prendre vivant. »

« Il n’y a rien qui puisse permettre de l’identifier ? »

« Encore rien que nous ayons trouvé, Ma Dame. »

« Est-ce un natif d’Arrakeen ? » demanda Paul, et Jessica hocha la tête : la question était habile.

« Il en a l’aspect, dit l’homme de Hawat. À première vue, il a dû être placé là, dans ce cairn, il y a plus d’un mois. Il attendait notre arrivée. Nous avions inspecté cet endroit hier et la pierre et le mortier étaient intacts. Je suis prêt à jouer ma réputation sur ce point. »

« Personne ne met votre conscience en doute », dit Jessica.

« Personne sauf moi, Ma Dame. Nous aurions dû utiliser des sondes soniques. »

« Je présume, dit Paul, que c’est ce que vous faites maintenant. »

« Oui, monsieur. »

« Faites savoir à mon père que je serai en retard. »

« Immédiatement, monsieur. (L’homme tourna son regard vers Jessica.) Les ordres de Hawat sont qu’en de telles circonstances le jeune maître soit placé en un endroit sûr. Qu’en est-il de celui-ci ? » À nouveau, ses yeux fouillèrent la pièce.

« J’ai mes raisons de le croire sûr, dit Jessica. Hawat aussi bien que moi l’a inspecté. »

« Alors je monterai la garde à l’extérieur, Ma Dame, jusqu’à ce que nous ayons une fois de plus inspecté toute la demeure. » Il s’inclina, porta la main à sa casquette à l’intention de Paul, puis se retira et referma derrière lui.

Paul, le premier, rompit le silence. « Peut-être aurions-nous dû visiter la maison par nous-mêmes ? Nos yeux pourraient voir des choses qui ont échappé à d’autres. »

« Il n’y a que cette aile que je n’avais pas examinée, dit Jessica. Je l’avais réservée pour la fin parce que… »

« Parce que Hawat s’en était personnellement occupé. »

Elle regarda vivement son fils. Ses yeux étaient interrogateurs.

« N’aurais-tu point confiance en lui ? »

« Si… Mais il devient vieux… Il a trop de travail. Nous devrions l’en décharger quelque peu. »

« Cela l’outragerait et diminuerait son efficience. Lorsqu’il aura entendu parler de tout ceci, pas même un insecte ne pourra pénétrer dans cette aile. Il aura honte que… »

« Nous devons prendre nos propres mesures », dit Paul.

« Hawat a servi trois générations d’Atréides avec honneur. Il mérite tout notre respect et notre confiance… »

« Lorsque l’un de vos gestes irrite mon père, il dit : Bene Gesserit ! comme s’il jurait. »

« Et qu’y a-t-il en moi qui puisse irriter ton père ? »

« Vous lui apportez la contradiction, parfois. »

« Tu n’es pas ton père, Paul. »

Cela va lui faire du chagrin, songea-t-il, pourtant il faut que je lui rapporte ce que m’a dit cette Mapes à propos d’un traître qui se serait glissé parmi nous.

« Que me caches-tu, Paul ? demanda Jessica. Cela ne te ressemble guère. »

Il haussa les épaules puis rapporta sa conversation avec Mapes.

Et Jessica songea au message sur la feuille. Elle prit soudain une décision et montra la feuille à Paul en lui traduisant le message.

« Il faut immédiatement que mon père soit averti, dit-il. Je vais radiographier ceci en code et l’emporter. »

« Non. Tu attendras jusqu’à ce que nous puissions le voir seul. Aussi peu de gens que possible doivent connaître tout cela. »

« Voulez-vous dire que nous ne devons faire confiance à personne ? »

« Il existe une autre possibilité. Ce message pourrait avoir été conçu afin de nous frapper. Ceux qui nous l’ont transmis ont pu croire qu’il était vrai mais il se peut que son seul but ait été de nous atteindre. »

L’expression de Paul restait sombre et décidée.

« Afin de jeter la méfiance et le soupçon dans nos rangs et, ainsi, de nous affaiblir », dit-il.

« Tu dois voir ton père en privé et le mettre en garde contre cette hypothèse », dit Jessica.

« Je comprends. »

Elle se détourna vers la vaste surface de verre filtrant et son regard se porta vers le sud-ouest, là où s’engloutissait le soleil d’Arrakis, sphère d’or entre les collines.

« Je ne crois pourtant pas que ce soit Hawat, dit Paul, derrière elle. Est-il possible que ce soit Yueh ? »

« Il n’est ni un compagnon ni un lieutenant. Et je puis t’assurer qu’il hait les Harkonnen avec autant de passion que nous. »

Paul porta son regard sur les collines. Et ce ne peut être Gurney… ou même Duncan, pensa-t-il. L’un des sous-lieutenants ? Impossible. Ils appartiennent tous à des familles qui nous sont loyales depuis des générations… pour d’excellentes raisons.

Jessica porta la main à son front et prit conscience de sa lassitude. Tant de périls ici ! Elle contempla le paysage, jaune au-delà de la baie. Un parc à marchandises s’étendait à quelque distance, entouré d’une haute barrière. Les tours de guet se dressaient au-dessus des silos à épice comme de grandes araignées sur le qui-vive. Jessica pouvait compter au moins vingt parcs semblables entre la demeure et les collines du Bouclier, silo après silo, sur toute l’étendue du bassin. Lentement, le soleil disparut sous l’horizon. Les étoiles vinrent. L’une d’elles, très basse sur l’horizon, était brillante, scintillante. Elle émettait comme un signal…

Dans l’ombre de la pièce, elle entendit Paul bouger. Mais elle ne quitta pas l’étoile des yeux. Elle était trop basse ; elle était dans les collines du Bouclier.