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« Comme vous voulez, Sire. »

« Nous sommes vos obligés, docteur Kynes, reprit Leto. Nous n’oublierons pas ces vêtements et le souci de notre bien-être dont vous avez témoigné. »

Impulsivement, Paul cita la Bible Catholique Orange : « Tout cadeau est la bénédiction de celui qui donne. »

Les mots parurent résonner très fort et très longuement dans l’air immobile. Les Fremen que Kynes avait laissés dans l’ombre du bâtiment s’éveillèrent et surgirent alors avec des murmures excités. L’un d’eux cria clairement : « Lisan al-Gaib ! »

Kynes se retourna et fit un geste impératif pour les repousser. Ils reculèrent en continuant de murmurer entre eux et regagnèrent l’ombre du bâtiment.

« Très intéressant », dit le Duc.

Le regard de Kynes était dur. Il alla du père au fils. « La plupart des gens du désert sont superstitieux. Ne leur prêtez pas attention. Ils ne vous veulent aucun mal. » Mais, dans le même instant, les mots de la légende lui revenaient : « Ils t’accueilleront avec les Mots Saints et tes cadeaux seront une bénédiction. »

Et soudain, une définition de Kynes se cristallisa dans l’esprit de Leto, une définition en partie fondée sur le bref rapport verbal d’Hawat (l’homme est sur ses gardes et méfiant) : Kynes était un Fremen. Il était venu à eux avec une escorte de Fremen, ce qui pouvait signifier aussi, plus simplement, que ceux-ci vérifiaient leur droit récent de pénétrer librement dans les zones urbaines. Mais cette escorte semblait plutôt quelque garde d’honneur. Et Kynes, par ses façons, était un homme fier, habitué à la liberté, dont le langage et l’attitude n’étaient limités que par sa méfiance. La question de Paul avait été pertinente et directe.

Kynes était devenu un indigène.

« Ne devrions-nous pas partir, maintenant, Sire ? » demanda Halleck.

Le Duc acquiesça. « Je piloterai mon propre orni. Kynes peut s’asseoir devant moi pour me guider. Toi et Paul, vous prendrez place sur les sièges arrière. »

« Un moment, je vous prie, intervint Kynes. Avec votre permission, Sire, je vais vérifier vos tenues. »

Le Duc s’apprêta à répondre, mais Kynes insista : « Je me soucie de ma propre chair autant que de la vôtre… Mon Seigneur. Je sais quelle gorge serait tranchée si jamais il vous advenait quelque mal tandis que vous m’êtes confiés. »

Le Duc fronça les sourcils et il songea : Quel moment délicat ! Si je refuse, cela peut l’offenser. Et cet homme peut représenter pour moi une inestimable valeur. Pourtant… le laisser ainsi pénétrer mon bouclier, porter la main sur ma personne, alors que je sais si peu de chose à son propos…

Les pensées couraient dans son esprit, pressées par la décision à prendre.

« Nous sommes entre vos mains », dit-il enfin. Il s’avança, ouvrit sa robe et vit Halleck qui se raidissait tout entier, immobile mais prêt. « Et si vous aviez la bonté de nous expliquer ce que sont ces vêtements, vous qui vivez avec eux. »

« Certainement, dit Kynes. (Il tendit la main sous la robe et vérifia les fixations d’épaule tout en parlant.) À la base, c’est un micro-sandwich : un filtre à haute efficacité doublé d’un système d’échange de chaleur. (Il rajusta les fixations d’épaule.) La couche au contact de la peau est poreuse, perméable à la transpiration qui rafraîchit le corps… c’est le processus normal, ou presque, de l’évaporation. Les deux autres couches… (Il resserra la partie pectorale.)… comprennent des filaments d’échange calorique et des précipitateurs de sel. Le sel est récupéré. »

Le Duc souleva docilement les bras : « Très intéressant. »

« Respirez à fond », dit Kynes.

Le Duc obéit.

Le planétologiste se pencha sur les fixations d’aisselles et rajusta l’une d’elles. « Les mouvements du corps, et surtout la respiration, reprit-il, ainsi qu’un certain effet osmotique suffisent à fournir l’énergie nécessaire au pompage. (Il libéra quelque peu la partie pectorale.) L’eau recyclée circule et aboutit dans des poches de récupération d’où vous l’aspirez grâce à ce tube fixé près de votre cou. »

Le Duc tourna le menton afin de voir l’extrémité du tube. « Efficace et simple, dit-il. Bonne fabrication. »

Kynes s’agenouilla pour examiner les fixations des jambes. « L’urine et les matières fécales sont traitées dans le revêtement des cuisses. (Il se releva, tendit la main vers la fixation du cou et souleva une pièce.) Dans le désert, vous porterez ce filtre sur le visage et ce tube viendra dans vos narines, fixé par ces pinces. Vous respirerez par la bouche, au travers du filtre, et vous rejetterez l’air par le nez, dans le tube. Avec une tenue fremen en bon état, vous ne devriez pas perdre plus d’un dé à coudre d’humidité par jour, même si vous venez à vous perdre dans le Grand Erg. »

« Un dé à coudre par jour », répéta le Duc.

Kynes appuya un doigt sur la partie du vêtement qui couvrait le front : « Il se peut que le frottement vous irrite ici. Dites-le-moi. Je pourrai resserrer la pièce. »

« Je vous remercie », dit le Duc. Et, comme Kynes reculait, il bougea les épaules et prit conscience d’une nouvelle aisance. Le vêtement était plus ajusté et l’irritait moins.

Kynes se tourna vers Paul. « Maintenant, voyons pour vous, mon garçon. »

Un homme de valeur, songea le Duc, mais il faudra bien qu’il apprenne à nous donner nos titres.

Paul demeura impassible tandis que Kynes examinait sa tenue. Il avait éprouvé une sensation bizarre en endossant ce vêtement brillant qui craquait au contact. Sa conscience lui disait avec certitude que jamais il n’avait porté de distille. Pourtant, tandis qu’il s’habillait avec l’assistance maladroite de Gurney, chacun de ses gestes, pour fixer les pièces, avait été comme naturel, instinctif. Lorsqu’il avait serré la partie pectorale, par exemple, pour assurer une efficacité maximale de sa respiration, il avait su parfaitement ce qu’il faisait et pour quelle raison. De même en resserrant les pièces du cou et du front, afin d’éviter la friction.

Kynes se redressa et fit un pas de recul avec une expression perplexe. « Vous avez déjà porté un distille ? » demanda-t-il.

« C’est la première fois. »

« Alors quelqu’un l’a ajusté pour vous ? »

« Non. »

« Vos bottes de désert peuvent jouer librement aux chevilles. Qui vous a appris cela ? »

« Cela m’a semblé… la meilleure façon de les porter. »

« C’est certainement la meilleure façon. »

Kynes se frotta le menton. Il pensait de nouveau à la légende : « Il connaîtra nos usages comme s’il était né avec eux. »

« Nous perdons du temps », dit le Duc. Il fit un geste en direction de l’orni et se mit en marche, répondant d’une brève inclination de tête au salut du garde. Il monta à bord, boucla ses courroies de sécurité et vérifia les commandes et les contrôles. L’appareil grinça comme les autres montaient à bord à leur tour.

Kynes ajusta ses courroies. Toute son attention était concentrée sur le luxe confortable de l’intérieur : tissu gris-vert et doux des sièges, instruments brillants, sensation rafraîchissante de l’air filtré au moment où les portes se fermaient, où les ventilateurs se mettaient en marche.

Tant de douceur ! songea-t-il.

« Tout est paré, Sire ! » lança Halleck.

Leto déclencha le flux d’énergie. Il le sentit gagner les ailes qui plongèrent, se relevèrent… Une fois, deux fois. En dix mètres de course ils eurent gagné les airs. Les ailes frémissaient légèrement et les fusées arrière les poussaient en altitude avec un sifflement ténu, selon une pente rapide.

« Au sud-est par-delà le Bouclier, dit Kynes. C’est là que j’ai dit à votre maître de sable de rassembler le matériel. »