Выбрать главу

Là-dessus je lui verse en acompte un mini bobinage interne qui lui transforme les nerfs en vaseline et je cavale chercher Béru, ça va être à nous !

CHAPITRE IV

En sortant de piste sous les vivats, le Gros a retrouvé tout son « pep ». Il faut dire que son exploit de la soirée restera dans les annales. N'a-t-il pas réussi à avaler les œuvres complètes de Daniel-Rops traduites en italien ? Je veux bien qu'elles avaient été imprimées sur papier-bible, mais quand même ! Aussi le public transalpin (viennois) ne s'est-il point trompé et a-t-il salué la prouesse avec l'enthousiasme convenable. Ravi, fort d'un incommensurable orgueil, le Valeureux regagne sa roulotte d'une démarche de gladiateur vainqueur. Il s'abat sur son lit en poussant un soupir.

— C'est décidé, fait-il, je quitte la police. Vois-tu, San-A, quand on a trouvé sa véritable convocation, faut pas la contrer ! Je vais dès demain renvoyer mes billes au Vieux et câbler à ma Berthe qu'elle vienne me rejoindre. Tu vois, avec un peu d'entraînement, je suis quasiment certain qu'elle pourrait faire équipe avec moi en piste. Je vois les choses de la manière suivante : moi je me tape le rebutant : les vieux sommiers, les peaux de lapin, les descentes de lit, les soupières fêlées. Et Berthe, qu'est délicate de goût, se farcit les douceurs comme par exemple les manches de gigot, les boîtes de cirage, les rats crevés et autres babioles, tu mords ? La vie errante, Berthe, je sais qu'elle aimera. Et puis le succès ça grise, faut reconnaître. Quand c'est qu'elle verra la populace qu'applaudit, elle y prendra goût. Je voudrais arriver à en faire la, Brigitte Bardot du cirque, tu comprends ?

— Comme tu voudras, Gros, balbutié-je, meurtri au plus profond de mon être par sa défection.

Là-dessus, je sors après avoir pris soin de passer mon petit camarade « Tu Tues » dans ma ceinture. Les soirées sont fraîches et on ne sait jamais ce qui peut arriver.

Je traverse la place et je fais un grand détour pour pénétrer dans le terrain vague. Il n'est d'ailleurs pas si vague que cela puisqu'on y construit un buildinge de soixante-treize étages.

Des grues gigantesques dressent leurs carcasses noires sur la nuit claire. Parfois, la lune sort d'un nuage et éclaire de sa lumière fugitive et blême cet univers de ciment et de fer. Personne à l'horizon. Votre cher petit San-Antonio mate les environs, puis, prenant sa décision, escalade le raide escadrin d'une grue, et se blottit dans la cabine haut perchée de l'appareil. D'où je suis, je jouis d'un point de vue magnifique car je domine tout le chantier et je vois, par-delà, le terrain vague, le cirque et ses roulottes blotties comme un troupeau autour de son chapiteau.

Minuit dix sonne à un clocher. Est-ce que mes zigotos vont venir ? Et si oui, que devrai-je faire ? Je me colle la barbouze postiche et les fausses besicles et j'attends. Un petit quart d'heure d'environ quinze minutes s'écoule. Rien ne s'est produit. Dans la cabine vitrée de ma grue, j'ai l'impression de jouer les gardiens de phare ! Je suis isolé du monde. Et les lumières de Turin, qui scintillent au loin, ressemblent à celle d'une terre dont les flots déchaînés me séparent.

Soudain quelque chose me fait tressaillir une bagnole. Et cette charrette c'est une jolie Lancia, blanche comme une première communiante. Elle stoppe en bordure du terrain vague. Ses loupiotes s'éteignent mais les portières ne s'ouvrent pas.

Au bout d'un instant, une vitre s'abaisse légèrement et un filet de fumaga s'échappe de la voiture. Qu'est qui peut être ?

Je patiente un petit bout de moment, et puis je me dis qu'il faut, soit que je me fasse cuire une soupe, soit que j'aille aux renseignements.

J’attends un peu que la lune se fasse la malle derrière un gros nuage malsain afin de pouvoir quitter mon refuge sans attirer l'attention. Mais ce nuage est aussi gras que Béru et il : se déplace lentement, comme une pensée dans la cervelle d'un gendarme. Je piaffe. Dès que le projo céleste fait relâche, c'est décidé, je me catapulte jusqu'à la Lancia pour interviewer l'occupant. En attendant, les Grado's ne réagissent toujours pas. Ils n'ont pas dû trouver mon mot, ou s'ils l'ont trouvé, ils ont les jetons et se terrent.

Enfin, madame la lune me dit bonsoir et plonge dans la ouate grise. C'est à toi de jouer, mon San-A bien-aimé !

J'ouvre la lourde de la cabine et déjà mon pied cherche le premier échelon lorsqu'il se produit du nouveau. Une voiture noire rapplique à vive allure et stoppe dans un crissement de freins à la hauteur de la Lancia. Un gars en descend. A cause de cette absence lunaire tant souhaitée un instant auparavant, je ne distingue que la silhouette du zig. Il est coiffé d'un bitos à large bord et il porte un imperméable sombre. Il s'approche de la Lancia, côté conducteur et je perçois un murmure de voix. Puis le type au chapeau quitte la portière et reprend place dans l'auto noire qui doit être une Lancia aussi, mais du genre familiale. Cette dernière tire disparaît, pilotée par un second bonhomme. Du côté de la Lancia blanche, R.A.S.

Son conducteur attend toujours. Qu'est venu lui bonnir l'homme au chapeau ? Bon, ça va me faire une question de plus à lui poser. Cette fois je me laisse glisser le long de l'échelle de fer et je marche rapidement à la voiture, craignant qu'elle ne me décarre sous le nez.

A mesure que je m'en approche, je constate que le conducteur est une conductrice et que cette conductrice' n'est autre que la signora Québellaburna. Allons, une fois de plus le renifleur du célèbre San-A n'a pas fonctionné dans le vide.

Un hymne d'allégresse se met à vociférer dans ma jolie tête. Il se transforme dare-dare en marche funèbre lorsque je m'aperçois que la ravissantissime blonde a un poignard planté dans la gorge. Son bath manteau de panthère est tout rouge sur le devant et m'est avis que le teinturier des Québellaburna va avoir un drôle de turbin pour le rendre présentable. Quant au médecin de la famille, sa tâche sera beaucoup plus simple puisqu'il lui suffira de signer un joli permis d'inhumer sur papier de luxe. En effet, la dame est morte. Son regard est emprunté d'une incommensurable surprise. Elle ne s'attendait pas à ça et, quand on lui a bloqué les amygdales avec cette lame, avant d'avoir peur elle été stupéfiée.

Le citron pressé du San-A met toute la gomme : prévenir la Rousse ? Nature. Mais les chercheurs à Fernaybranca vont foutre une pagaille monstre dans le secteur. Je laisse madame Québellaburna dans sa jolie brouette et, vite fait, je bombe jusqu'à la roulotte des Grado's. Je voudrait mater un peu leurs réactions devant le cadavre de la chère petite Madame. L'émotion sera si vive que je n'aurai pas à les secouer trop fort pour les faire causer. Tout est silencieux chez ces messieurs-dames. Feraient-ils dodo par hasard ? Je frappe la vitre de leur porte. Nobody. Tiens ! Tiens ! les mignons sont absents !

Je vais pour rebrousser chemin, mais je me dis qu'il serait intéressant de vérifier si le mot que j'ai glissé dans leur tiroir secret s'y trouve toujours. Après tout il est possible qu'ils ne l'aient pas découvert. Mon Sésame refait son petit turbin et je m'introduis in the roulotte. Je file au secrétaire, seulement éclairé par les loupiotes extérieures. Je bricole le fameux tiroir-mystère et j'y insinue une main de gynécologue. Il est vide ! ABSOLUMENT VIDE. Conclusion, mes petits camarades d'itinérance ont eu leur message et ne sont sûrement pas étrangers à la mort de la ravissante signora Québellaburna. M’est avis que j'ai soulevé une grosse pierre sous laquelle fourmillent des cancrelats.

Vite fait sur le Butagaz (nous sommes dans une roulotte), je me prends par la main, et m'entraîne vers l'extérieur. Chemin faisant je bute sur quelque chose. Pas moyen de rattraper mon équilibre, je m'étale sur le plancher. Quand je dis sur le plancher il s'agit d'une image, comme disent les habitants d'Epinal. Car en fait c'est sur un monsieur que je tombe. Sur un monsieur immobile et tiède, réprimant les battements de mon petit cœur j'actionne la loupiote. Miséricorde ! Dont Grado's est canné lui aussi. Et c'est pas clinquant à contempler, mes frères. Je préfère admirer la mer de Glace ou la photo du général Chprountz. On a le cervelet qui se fait la valoche, comme de la pâte dentifrice lorsque Jumbo a marché sur le tube. Et ma découverte ne s'arrête point là. Sur le canapé, l'ami Paul git aussi (ne pas confondre avec J.O.C.). On lui a rétamé la coiffe avec probablement le même objet contondant. Ceci fait que M. Barnaby se trouve privé d'une attraction de grande classe.