— Je…» Ben se tut.
— « L’attente, » dit Jill simplement, et elle fit un geste vers le fond du divan. Caxton eut l’impression qu’un paquet de cigarettes avait bondi dans sa main.
Heureux de changer de sujet, il dit : « Je vois que tu as aussi appris quelques tours de prestidigitation. »
Jill sourit. « Oh, pas grand-chose. “Je ne suis qu’un œuf” » pour citer mon maître.
— Comment as-tu fait ?
— Bah, je l’ai sifflé en martien. D’abord, il faut gnoquer la chose, puis gnoquer qu’on la désire et… Mike ! Mike adoré, nous sommes ici !
— J’arrive. « L’Homme de Mars alla droit sur Ben, lui saisit les mains et l’obligea à se lever. » Laisse-moi te regarder, Ben ! Je suis heureux de te voir !
— Moi aussi je suis heureux de te voir, et d’être ici.
— On me dit que tu ne restes que trois jours ? Trois jours ?
— Mon travail m’attend, Mike.
— Nous verrons cela. Les filles sont tout excitées, elles ne pensent plus qu’à l’Accueil que nous te faisons ce soir. Autant fermer le temple tout de suite, elles ne seront bonnes à rien.
— Patty a refait le programme, lui annonça Jill. Aube, Ruth et Sam s’occupent de ce qui reste à faire. Patty a supprimé la matinée – tu as donc terminé pour aujourd’hui.
— Ça, c’est une bonne nouvelle ! » Mike s’assit, prit la tête de Jill sur ses genoux, fit rasseoir Ben et passa un bras autour de ses épaules, puis soupira. Il était vêtu, comme pour l’office public, d’un impeccable complet tropical. « Ben, ne deviens jamais prédicateur. Jour et nuit je cours d’un endroit à un autre pour dire aux gens pourquoi il ne faut jamais se hâter. Mis à part Jill et Jubal, tu es la personne de cette planète à laquelle je dois le plus – et depuis que tu es ici c’est la première fois que j’ai un moment pour te dire bonjour. Comment vas-tu ? Tu sembles en bonne forme. Aube m’a d’ailleurs dit que tu l’étais. »
Ben se sentit rougir. « Ça va, ça va bien.
— Parfait. Les carnivores seront à la fête ce soir. Mais je te gnoquerai de près et te soutiendrai. Tu te sentiras plus frais après qu’avant. N’est-ce pas, Petit Frère ?
— Oh oui, dit Jill. Mike te donnera des forces – physiques, pas seulement morales. Je peux le faire un peu, mais Mike est vraiment efficace.
— Jill se sous-estime. » Mike la caressa. « Petit Frère est une véritable fontaine de vigueur. Elle l’était la nuit dernière, en tout cas. » Il lui sourit, puis chanta :
«… n’est-ce pas, Petit Frère ?
— Peuh, » répondit Jill, visiblement réjouie, en prenant la main de Mike et la serrant contre elle. « Aube est exactement comme moi, et tout aussi prête.
— Mais Aube est en bas, où elle interroge les candidats possibles. Elle est occupée, et tu ne l’es pas. Cela fait une grande différence. N’est-ce pas, Ben ?
— Peut-être. » Caxton commençait à trouver leur comportement gênant, même dans cette atmosphère détendue. Il aurait préféré qu’ils cessent de se bécoter, ou bien qu’ils lui donnent une excuse pour partir.
Mike continua à peloter Jill tout en passant un bras autour de la taille de Ben, qui fut d’ailleurs contraint d’admettre que Jill l’encourageait. « Tu sais, Ben, lui dit Mike avec un imperturbable sérieux, une nuit comme la dernière, où nous avons aidé un groupe à passer en Huitième, me laisse extrêmement tendu. Tiens, je vais t’expliquer une chose tirée des leçons de Sixième. Nous, les humains, possédons une faculté dont les Martiens n’ont même pas idée. Et je peux te dire combien elle est précieuse, car je sais ce que c’est que de ne pas l’avoir. C’est la bénédiction d’être mâle et femelle. Il les créa Homme et Femme. C’est la plus grande merveille que Nous-Qui-Sommes-Dieu ayons jamais inventée. N’est-ce pas, Jill ?
— C’est une grande et belle vérité, Mike, et Ben le sait. Fais aussi une chanson pour Aube, chéri.
— D’accord…
Et voilà. »
Jill se trémoussa. « Tu la lui as fait entendre ?
— Oui, et elle a applaudi – plus un baiser pour Ben. Dites-donc, il y a quelqu’un à la cuisine ? Je viens juste de me souvenir que je n’ai rien mangé depuis des jours… ou des années, je ne sais plus.
— Je pense que Ruth y est », dit Ben en essayant de se lever.
Mike l’obligea à se rasseoir. « Hé, Duke ! Essaie de trouver quelqu’un pour me faire une pile de gâteaux de blé abondamment arrosés de sirop d’érable.
— Bien sûr, répondit Duke. Je vais les faire moi-même.
— Je n’ai quand même pas faim à ce point ! Demande à Tony ou à Ruth. » Mike attira Ben contre lui. « Ben, je gnoque que tu n’es pas entièrement heureux.
— Moi ? Ça va très bien ! »
Mike le regarda dans les yeux. « Dommage que tu n’aies pas appris la langue. Je sens ton trouble, mais ne puis voir tes pensées.
— Mike…» commença Jill.
L’Homme de Mars la regarda, puis fixa de nouveau ses yeux sur Ben et dit lentement : « Jill vient de me dire ce qui te tourmente… C’est une chose que je n’ai jamais pu gnoquer pleinement. » Il semblait soucieux, et hésita presque aussi longtemps que lorsqu’il ne savait pas encore s’exprimer en anglais. « Mais je gnoque que nous ne pourrons pas célébrer ton Partage de l’Eau ce soir. L’attente… « Mike secoua la tête. « Désolé, Ben, mais l’attente accomplira. »
Jill se redressa brusquement. « Non, Mike ! Nous ne pouvons pas laisser Ben partir comme ça. Pas lui !
— Je ne le gnoque pas, Petit Frère », dit Mike à contrecœur. Un silence extrêmement tendu s’ensuivit ; Mike le rompit, en disant à Jill : « Tu parles vraiment juste ?
— J’en suis certaine, tu verras ! » Jill se leva d’un bond et alla se rasseoir de l’autre côté de Ben et l’enlaça. « Embrasse-moi, Ben, et cesse de te tracasser. »
Sans attendre, elle l’embrassa, et Ben cessa effectivement de se tracasser ; une chaude volupté endormit ses doutes. Puis, Mike resserra le bras qu’il avait toujours autour de la taille de Ben et dit avec douceur : « Non gnoquons mieux. Maintenant, Jill ?
— Maintenant, oui ! Ici, tout de suite – oh, partageons l’eau, mes grands chéris ! »
Ben tourna la tête… et une douloureuse stupéfaction le tira de son euphorie. L’Homme de Mars s’était débarrassé de tous ses vêtements.
33
« Alors ? demanda Jubal. Avez-vous accepté leur invitation ?
— Hein ? Je me suis sauvé de là, et sans perdre un instant ! J’ai sauté dans le tube pneumatique en portant mes vêtements, sans même prendre le temps de les enfiler.
— Vraiment ? Quel affront pour Jill ! » Caxton rougit. « Il fallait que je parte, Jubal.
— Hum… Et ensuite ?
— Eh bien, je me suis habillé. Je ne suis même pas retourné prendre la valise que j’avais oublié. En fait, je suis parti tellement vite que j’ai failli me tuer. Vous savez comment fonctionnent les tubes pneumatiques ?