— Comment savez-vous cela ? Je me suis donné un mal fou pour que vous ne vous en aperceviez pas.
— Voyons, Patron, dit-elle avec lassitude, il faut bien que quelqu’un aille vider les ordures. Vous croyez que Larry ne sait pas lire ?
— Ah. Ce satané incinérateur ne fonctionne plus depuis le départ de Duke. Comme bien des choses, d’ailleurs.
— Envoyez un mot à Mike ; Duke reviendra immédiatement.
— Vous savez parfaitement que je ne peux pas faire cela. » Ce qu’elle venait de lui dire le chiffonnait d’autant plus que c’était certainement vrai… Il fut pris d’une soudaine suspicion « Anne ! N’êtes-vous restée ici que parce que Mike vous l’a demandé ?
— Je suis ici parce que je le veux, répondit-elle promptement.
— Hum… je me demande si c’est une réponse.
— Je regrette parfois que vous ne soyez pas assez petit pour vous donner la fessée. Puis-je terminer ?
— Je vous en prie. » Et les autres, seraient-ils restés ? Myriam aurait-elle épousé Mahmoud et serait-elle allée à Beyrouth si Mike ne l’avait pas approuvé ? Le nom de « Fatima Michèle » pouvait être un hommage à sa nouvelle foi et en même temps au meilleur ami de son mari… ou bien un code aussi explicite que le prénom du bébé d’Anne. Et dans ce cas, Mahmoud portait-il ses cornes sans le savoir, ou avec une sereine fierté comme le fit, dit-on, Joseph ?… Mahmoud, conclut-il, connaissait les secrets de sa houri ; une omission aussi importante n’était pas permise entre frères d’eau. Si elle était importante, ce dont Jubal, en tant que médecin et agnostique, doutait fort. Mais pour eux, elle devait l’être…
« Vous ne m’écoutez pas.
— Désolé, je rêvais. »… et il serait temps que tu cesses, vilain vieux bonhomme. Lire des significations dans les prénoms que des mères donnent à leurs enfants ! Si cela continue, tu vas te mettre à l’arithmomancie… puis à l’astrologie… au spiritisme, jusqu’à ce que la sénilité te conduise au point où tu ne seras plus qu’une vieille carcasse bonne pour l’asile de vieillards, et trop stupide pour se désincarner avec dignité. Monte vite à la clinique, et prends dans le tiroir n°9, code « Léthé », deux granulés, bien qu’un soit plus que suffisant…
« Je vous assure que nous suivons toutes les informations concernant Mike ; de plus, Ben nous a promis de nous avertir immédiatement s’il y avait la moindre urgence. Mais Jubal, personne ne peut nuire à Mike. Si vous aviez, comme nous, vu le Nid, vous n’en douteriez pas.
— On ne m’a pas invité.
— Nous non plus. On ne vous invite pas dans votre propre maison. Vous vous cherchez des excuses, Jubal. Ben vous y a incité, Aube et Duke vous ont envoyé un mot dans ce sens.
— Mike ne m’a pas invité, persista Jubal.
— Ce Nid vous appartient et m’appartient autant qu’à Mike. Mike est le premier entre des égaux… comme vous ici. Abby est-elle chez elle ici ?
— Il se trouve, répondit-il, que c’est légalement le cas, avec une jouissance viagère pour moi. » Jubal avait modifié son testament, sachant que celui de Mike suffirait à pourvoir aux besoins de tous ses frères d’eau ; n’étant pas certain du statut « aquatique » de cette petite – mis à part le fait qu’elle se mouillait souvent – il avait pris des dispositions en sa faveur ainsi qu’en celle des descendants de quelques autres. « Je ne voulais pas vous le dire, mais je ne vois pas quel mal cela pourrait faire.
— Jubal… vous m’avez fait pleurer. Et en plus vous m’avez presque fait oublier ce que je disais… et il faut que je vous le dise. Vous savez bien que Mike ne vous pressera jamais. Je gnoque qu’il attend la plénitude… et aussi que vous faites de même.
— Mmmm… je gnoque que vous parlez vrai.
— Fort bien. Je suppose que si vous êtes aussi sombre aujourd’hui, c’est parce que Mike a de nouveau été arrêté. Mais c’est déjà arrivé bien des…
— Arrêté ! Je n’en savais rien ! » Il ajouta : « Cré nom, Anne, qu’est-ce que…
— Jubal, Jubal ! Ben n’a pas téléphoné ; c’est tout ce qu’il nous importe de savoir. Vous savez combien de fois Mike s’est fait arrêter : à l’armée, chez les forains… six ou sept fois depuis qu’il prêche. Il ne fait jamais de mal à personne ; il les laisse faire. Ils ne peuvent jamais le condamner et il sort dès qu’il en a envie.
— Et pourquoi est-ce, cette fois ?
— Oh, les bêtises habituelles : impudicité publique, viol, fraude fiscale, ouverture d’une maison de mauvaise vie, contribution à la délinquance juvénile, conspiration contre la scolarité obligatoire…
— Quoi !
— On a annulé l’autorisation leur permettant d’avoir une école paroissiale, car les gosses n’allaient plus à l’école publique. Qu’importe, Jubal – rien de tout cela n’importe. La seule chose dont ils soient techniquement coupables ne peut être prouvée. Si vous aviez visité le Nid, vous sauriez que même le DFS ne pourrait l’espionner, malgré leurs gadgets ultramodernes. Par conséquent, calmez-vous. Après pas mal de publicité, les chefs d’accusation seront abandonnés, et les gens viendront plus nombreux que jamais.
— Oui… Anne, est-ce que ce ne serait pas Mike lui-même qui provoque ces persécutions ?
— Comment, Jubal ?… Je n’avais jamais pensé à cette possibilité. Vous savez bien que Mike est incapable de mentir.
— Est-ce nécessaire ? Il suffirait qu’il fasse courir des rumeurs exactes, mais impossibles à prouver devant un tribunal.
— Croyez-vous vraiment que Mike agirait ainsi ?
— Je l’ignore, mais je sais que la plus élégante façon de mentir est de dire juste ce qu’il faut de vérité, puis de se taire. Ce ne serait pas la première fois que l’on recherche la persécution à cause de sa valeur publicitaire. Bon. N’en parlons plus, à moins que la situation n’évolue défavorablement. Je peux vous dicter ?
— Si vous êtes capables de vous abstenir de chatouiller Abby sous le menton et de lui faire un tas de bruits anti-commerciaux, oui. Sinon, je dis à Dorcas de monter.
— Amenez Abby. Je vous promets que j’essaierai de faire des bruits commerciaux. J’ai une idée fantastique : il s’agit d’une fille qui rencontre un garçon…
— De toute première, patron ! Je me demande pourquoi personne n’y avait pensé avant vous. Une seconde…» Elle sortit vivement.
Après une petite minute d’activités non commerciales, juste assez pour faire sourire Abby, Jubal se mit au travail, tandis qu’Anne s’installait dans un fauteuil et donnait le sein à Abigaël. « Titre, commença-t-il : Les filles sont tout comme les garçons, mais elles le sont bien plus. » Je commence. L’éducation de Henry M. Haversham Quatre avait été très soignée. Il croyait qu’il n’y avait que deux sortes de filles : celles qui se trouvaient en sa présence et celles qui étaient ailleurs. Il préférait de beaucoup la deuxième espèce, surtout lorsqu’elles y restaient. Paragraphe. Il n’avait jamais été présenté à la jeune femme qui, en trébuchant, lui tomba dans les bras, et ne considérait pas cette petite catastrophe comme l’équivalent d’une présentation dans les… Qu’est-ce que vous voulez encore ?
— Patron… dit Larry.
— Sortez d’ici et laissez-moi travailler !
— Patron ! L’église de Mike a brûlé ! »
Ils se précipitèrent comme des fous vers la chambre de Larry. Jubal y arriva à une demi-longueur derrière Larry, suivi de près par Anne malgré son handicap de onze livres. Dorcas arriva avec un bon retard : le tumulte l’avait juste réveillée.