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Mike soupira, puis sourit. « Je commençais à avoir peur que ce ne soit le cas. Je craignais d’avoir fait faux bond à mes frères.

— Je regrette toujours que tu n’aies pas baptisé cela « Mauvaise Haleine Cosmique » ou quelque chose dans ce genre. Mais peu importe le nom. Si tu possèdes la vérité, tu peux la démontrer. Parler ne prouve rien. Montre-leur. »

Mike ne répondit pas. Ses paupières étaient closes, son visage sans expression, et son corps conservait une immobilité totale. Jubal était mal à l’aise, craignant de lui en avoir trop dit et de l’avoir contraint à se retirer.

Puis Mike rouvrit les yeux et sourit joyeusement. « Tu m’as remis les idées en place, Père. Je suis prêt à le leur montrer maintenant – je gnoque la plénitude. » L’Homme de Mars se leva. « L’attente est terminée. »

37

Jubal et l’Homme de Mars regagnèrent lentement le living. Le Nid entier était assemblé autour de la stéréo, qui montrait une foule dense et agitée, retenue à grand-peine par un cordon de police. Mike la regarda, et un sourire serein détendit ses traits. « Ils arrivent. C’est le temps de la plénitude. » La sensation d’attente extatique que Jubal percevait depuis son arrivée atteignit un sommet, bien que personne n’eût bougé.

« C’est merveilleux, mon chéri, dit Jill. La salle est comble.

— Et prête à applaudir, ajouta Patty.

— Je ferais mieux de m’habiller, commenta Mike. Tu me trouveras quelque chose à mettre, Patty ?

— Tout de suite, Michaël.

— Fils, dit Jubal, cette foule ne m’inspire pas confiance. Es-tu sûr que c’est bien le moment d’y aller ?

— Oh oui, dit Mike. C’est pour me voir qu’ils sont venus, et je ne vais pas les laisser attendre. » Il s’interrompit en attendant que son visage soit libéré des vêtements qui se mettaient en place avec l’aide superflue de plusieurs de ses frères. Chaque vêtement semblait savoir exactement comment se disposer pour tomber impeccablement. « Ce travail n’a pas seulement des privilèges – la vedette doit monter sur scène au moment voulu… tu me gnoques ? Les jobards y comptent.

— Mike sait ce qu’il fait, patron, ajouta Duke.

— Peut-être… mais je me méfie des foules.

— Ce sont surtout des curieux, comme toujours. Certes, il y a quelques Fostérites et d’autres qui lui en veulent. Mais Mike est capable de manier n’importe quel public, tu verras. Pas vrai, Mike ?

— Bien parlé, cannibale. Attire une foule et donne-lui un bon spectacle. Où est mon chapeau ? Je ne peux pas sortir dans ce soleil sans chapeau ! » Un coûteux panama avec un ruban aux couleurs vives se glissa dans le living et se disposa sur sa tête. Mike lui donna une petite inclinaison coquine. « Voilà ! Je suis bien, les enfants ? » Il portait son costume habituel des cultes publics, un costume tropical blanc luxueusement coupé, des chaussures assorties, une chemise d’un blanc éclatant et une cravate éblouissante.

« Il ne te manque plus qu’une serviette, dit Ben.

— Tu gnoques qu’il m’en faut une ? Patty ! »

Jill s’avança vers lui. « Ben voulait plaisanter, mon chéri. Tu es parfait. » Elle arrangea sa cravate et l’embrassa – Jubal sentit le baiser. « Voilà, chéri, tu peux aller leur parler.

— Oui, il est temps. Anne ? Duke ?

— Prêts, Mike. » Anne était drapée dans la dignité de sa robe de Témoin. Duke était juste l’opposé : débraillé, une cigarette allumée pendant à la lèvre, un vieux chapeau cabossé repoussé vers l’arrière de la tête, dans le ruban duquel il avait passé une carte marquée « PRESSE », et des appareils photo se trimbalant partout.

Ils se dirigèrent vers la porte du foyer commun aux quatre appartements. Seul Jubal les suivit. Les autres – ils étaient plus de trente – restèrent autour de la stéréo. Mike s’arrêta à la porte. Il y avait une grande table, avec une carafe d’eau et des verres, une coupe emplie de fruits et un couteau. « Ne va pas plus loin, conseilla-t-il à Jubal, les petits favoris de Patty sont là, et tu ne pourrais pas revenir sans qu’elle t’escorte. »

Mike se versa un verre d’eau et en but une partie. « Cela donne soif de prêcher. » Il donna le verre à Anne, puis prit le couteau et se coupa un quartier de pomme.

Jubal crut voir que Mike s’était coupé au doigt, mais son attention fut distraite par Duke qui lui tendait le verre. Non, la main de Mike ne saignait pas, et Jubal commençait à avoir l’habitude de ses tours de passe-passe. Il prit le verre et but une gorgée, s’apercevant que sa gorge était très sèche.

Mike lui serra le bras en souriant. « Cesse de te faire de la bile. Cela ne prendra que quelques minutes. À tout à l’heure, Père. » Ils franchirent le barrage de cobras et la porte se referma derrière eux. Jubal alla rejoindre les autres, tenant toujours le verre. Quelqu’un le lui prit des mains ; il le remarqua à peine, car il fixait l’écran.

La foule semblait plus dense et très agitée. Les policiers qui la maintenaient à grand-peine n’étaient armés que de leurs gourdins. De temps en temps, quelques cris surgissaient de la rumeur sourde de la foule.

« Patty, où sont-ils maintenant ? demanda quelqu’un.

— Ils ont descendu le tube. Mike est un peu en avant. Duke s’est attardé pour attendre Anne. Maintenant, ils entrent dans le hall. Ils ont aperçu Michaël. On le photographie. »

La scène de rue céda la place aux larges épaules et au visage réjoui d’un commentateur. « Ici le Réseau New World, toujours sur place quand ça se passe. Votre commentateur Happy Holliday vous parle de notre unité mobile. Nous venons d’apprendre à l’instant que le faux messie, l’imposteur également connu sous le nom d’Homme de Mars, vient de sortir de l’hôtel où il se cachait, ici dans la belle Saint-Pétersbourg, la Ville qui vous donne envie de chanter ! Smith a apparemment décidé de se rendre aux autorités. Il s’était évadé de prison hier, à l’aide d’explosifs à haute puissance que ses disciples fanatiques avaient réussi à lui faire parvenir. Le cordon de troupes entourant la ville a dû le décourager. Mais nous ne savons encore rien. Je répète que nous ne savons toujours rien. Restez donc à l’écoute de votre poste favori, NW, toujours présent à l’événement. Et maintenant un mot de nos excellents amis de Saint-Pétersbourg qui vous offrent cette émission…

« Merci, Happy Holliday, et merci vous tous qui nous écoutez sur le réseau NW ! À quel prix le Paradis ? Presque pour rien ! Venez vous en rendre compte vous-mêmes en visitant les Champs-Élyséens, qui viennent d’ouvrir leurs nouveaux emplacements à une clientèle sélectionnée. De magnifiques terrains gagnés sur les eaux tièdes de notre merveilleux golfe. Tous les emplacements sont garantis à au moins quarante centimètres au-dessus du niveau moyen de la marée haute. Oh, presque rien à payer d’avance, mes amis, et le reste… plus tard, bien plus tard. Téléphonez tout de suite à Golfe 32-822 !

« Merci, Jick Morris et les hardis promoteurs des Champs-Élyséens ! Ne quittez pas l’écoute. Je crois qu’il y a du nouveau. En effet…»

(« Ils sortent sur la terrasse, dit Patty d’une voix calme. La foule n’a pas encore aperçu Michaël. »)