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— C’est vrai, que je suis bête ! Mais tu sais taper à la machine ?

— J’apprendrai, si tu le désires, répondit Aube.

— Parfait. Tu as trouvé un travail, jusqu’à ce qu’il y ait un poste de Grande Prêtresse libre quelque part. Jill, nous n’avons oublié personne ?

— Personne, patron. Excepté que ceux qui sont déjà partis savent qu’ils peuvent venir s’installer chez toi n’importe quand. Et je suis sûre qu’ils n’y manqueront pas.

— C’est ce que j’avais pensé. Nid numéro deux, toujours à disposition. » Il s’approcha du fourneau et jeta un coup d’œil dans la petite casserole dont Duke remuait toujours le contenu. Il vit une petite quantité de bouillon. « Hum… Mike ?

— Oui. » Duke porta la cuiller à la bouche et goûta. « Il manque un petit peu de sel.

— Oui, Mike a toujours eu besoin d’assaisonnements. » Jubal lui prit la cuiller des mains et goûta à son tour. Duke avait raison ; c’était un peu douceâtre et un brin de sel n’aurait pas fait de mal. « Cela ne fait rien. Gnoquons-le comme il est. Qui n’a pas encore partagé ?

— Seulement toi. Tony m’a donné des instructions draconiennes : remuer à la main, ajouter de l’eau si nécessaire et t’attendre. Surtout ne pas laisser attacher.

— Bien. Il faudrait deux tasses. Nous le partagerons et gnoquerons ensemble.

— Oui, patron. » Deux tasses vinrent se poser à côté de la casserole après avoir décrit une courbe élégante. « C’est une plaisanterie aux dépens de Mike : il jurait toujours qu’il me survivrait et qu’il me servirait pour la fête nationale. En fait, elle est peut-être à mes dépens parce que nous avions fait un pari, et que je ne toucherai rien.

— Tu n’as gagné que par défaut. Partage équitablement. »

Duke versa le bouillon. Jubal leva sa tasse. « Partageons !

— Rapproche-toi à jamais ! »

Ils burent lentement le bouillon, prenant leurs temps pour mieux le savourer, louant, chérissant et gnoquant le donateur. Jubal constata avec surprise que l’émotion qui l’envahissait était un calme bonheur sans larmes. Comme son fils était bizarre la première fois qu’il l’avait vu, maladroit, gauche, si désireux de plaire, naïf dans ses petites erreurs… et comme il était devenu fier et puissant, sans pour autant perdre son innocence angélique. Je te gnoque enfin, Fils… et je ne voudrais pas changer une ligne à l’histoire de ta vie !

Patty l’avait servi. Il s’attabla et attaqua de bon appétit. Le petit déjeuner lui paraissait bien loin. Sam lui parlait : « Je disais à Saül que je ne gnoque pas la nécessité de modifier nos projets. On continue comme prévu. Quand la marchandise est bonne, les affaires prospèrent, même si le fondateur de la maison est décédé.

— Je n’ai jamais dit le contraire, objecta Saül. Ruth et toi allez fonder un nouveau temple, et nous en fonderons d’autres. Mais il faudra d’abord accumuler des capitaux. Il faut voir ça en grand, prévoir la publicité, l’équipement… tout cela coûte cher, sans compter une ou deux années sur Mars pour Mahmoud et Myriam, ce qui n’est pas moins important.

— C’est merveilleux ! Où est le problème ? Nous attendons la plénitude, puis nous allons de l’avant ! »

Jubal leva brusquement la tête. « L’argent ne pose aucun problème.

— Explique-toi, Jubal.

— En tant qu’avocat, je ne devrais pas vous le dire… mais en tant que frère d’eau, je fais ce que je gnoque. Un moment. Anne ?

— Oui, patron ?

— Achète l’endroit où ils ont lapidé Mike. Il faudra compter un rayon de trente mètres autour.

— Mais patron, l’endroit lui-même est un parking public… et un rayon de trente mètres comprendra une partie des terrains de l’hôtel, sans compter un tronçon de route nationale.

— Pas de discussion.

— Je ne discutais pas. Je t’expliquais simplement la situation.

— Désolé. Ils vendront. Ils feront passer la route ailleurs. Eh ! s’ils ne sont pas complètement stupides, ils feront don du terrain ! Au besoin, Joe Douglas leur fera comprendre où est leur intérêt. Ah oui ! Il faudra également que Douglas réclame à la morgue ce que ces vampires ont laissé de lui, et nous l’enterrerons là. Disons juste dans un an… quand la ville entière sera en deuil, et les flics qui ne l’ont pas protégé, au garde-à-vous pendant toute la cérémonie. » Que faudrait-il mettre en guise de pierre tombale ? La Cariatide à la Pierre ? Non, Mike avait eu la force de porter cette pierre. La Petite Sirène serait mieux, mais ils ne comprendraient pas sa signification. Peut-être Mike lui-même, tel qu’il était en disant « Regardez-moi. Je suis un Fils de l’Homme. » Si Duke ne l’a pas pris à ce moment-là, New Worlds aura certainement quelque chose… et peut-être un des frères, aujourd’hui ou plus tard, trouvera-t-il en lui une étincelle de Rodin et sera-t-il capable de le montrer tel qu’il était, sans l’embellir inutilement.

« Oui, reprit Jubal, nous l’enterrerons là, sans rien pour le protéger, pour que les vers et la douce pluie puissent le gnoquer. Je gnoque que cela lui plaira. Anne, fais-moi penser à appeler Douglas dès que nous serons rentrés.

— Oui, patron. Nous gnoquons avec toi.

— Et maintenant, venons-en à cet autre problème. » Il les mit au courant du testament de Mike. « Vous voyez, chacun de vous est au moins millionnaire ; je n’ai pas d’estimation récente, mais certainement bien plus que cela, impôts déduits, et sans aucune clause restrictive. Je gnoque que vous vous en servirez surtout pour les temples, mais rien ne vous empêche de vous offrir un yacht si tel est votre désir. Ah oui ! Ceux qui veulent continuer à laisser travailler les capitaux les laisseront à la charge de Joe Douglas, qui s’en est fort bien tiré jusqu’à présent… mais je gnoque que Joe n’en a plus pour longtemps, et dans ce cas l’administration des biens revient de droit à Ben Caxton. Ben ? »

Caxton haussa les épaules. « Ce peut être quelqu’un qui le fera en mon nom. Je gnoque que je vais engager un vrai homme d’affaires de mes amis, un certain Saül.

— Tout est donc réglé. Il y aura un délai, mais personne n’osera attaquer son testament : Mike a fait ce qu’il fallait pour éviter cela. Vous verrez. Quand pouvons-nous partir ? La note est réglée ?

— Voyons, Jubal, le réprimanda gentiment Ben. L’hôtel nous appartient. »

Ils décollèrent peu après. Il n’y avait plus de patrouilles de police. La ville s’était calmée aussi soudainement qu’elle s’était enflammée. Jubal s’assit à l’avant, près de Mahmoud, et allongea les jambes. Il n’était pas fatigué, pas malheureux, et même pas pressé de retrouver son sanctuaire. Ils parlèrent des plans de Mahmoud, qui s’apprêtait à aller sur Mars pour approfondir sa connaissance du langage… mais, Jubal l’apprit avec plaisir, pas avant d’avoir terminé le dictionnaire, dont il devait vérifier la transcription phonétique, ce qui lui prendrait au moins un an.

« Je suppose, grommela Jubal, que je vais être obligé d’apprendre cette peste de langage, ne serait-ce que pour comprendre ce qui se dit autour de moi. »

Mahmoud resta silencieux un moment avant de répondre. « Au Temple, nous avions des programmes et des horaires, parce que nous avions affaire à des groupes. Mais quelques-uns ont eu droit à des soins particuliers.

— C’est exactement ce qu’il me faudra.

— Anne, par exemple, est bien plus avancée qu’elle ne te l’a jamais avoué. Étant dotée d’une mémoire absolue, elle a appris le martien en un rien de temps, en se branchant sur l’esprit de Mike.

— Eh oui, mais je ne possède pas la mémoire d’Anne, et Mike n’est pas disponible.