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— Je me sens bien.

— Excellent. Allons vous habiller. » Elle le précéda dans la chambre de Ben. Mais avant qu’elle ne pût lui expliquer à quoi servait un slip ou l’aider à le mettre, une voix d’homme la fit sursauter. Elle crut devenir folle.

« OUVREZ LA-DEDANS ! »

Jill laissa tomber le slip. Savaient-ils qu’il y avait quelqu’un ? Sûrement – autrement, ils ne seraient pas venus. Ce satané taxi-robot avait dû les trahir !

Devait-elle répondre ? Ou faire le mort ?

Le cri fut répété une seconde fois dans le circuit acoustique.

« Restez ici ! » murmura-t-elle à Smith, puis elle alla dans le living et demanda, en s’efforçant d’avoir une voix normale : « Qui est-ce ?

— Au nom de la loi, ouvrez !

— Au nom de quelle loi ? Ne soyez pas stupide. Dites-moi qui vous êtes si vous ne voulez pas que j’appelle la police.

— Nous sommes la police. Êtes-vous Gillian Boardman ?

— Moi ? Je suis Phyllis O’Toole et j’attends Mr. Caxton. Je vais téléphoner à la police et déposer plainte pour viol de domicile.

— Allons, miss Boardman. Nous avons un mandat d’amener contre vous. Ouvrez, sinon cela ira mal.

— Je ne suis pas « miss Boardman », et je téléphone immédiatement à la police ! »

La voix ne répondit pas. Jill attendit, la gorge serrée. Bientôt, elle sentit une chaleur croissante sur son visage. La serrure de la porte fut bientôt chauffée au rouge, puis au blanc. Quelque chose céda et la porte s’ouvrit. Il y avait deux hommes. L’un d’eux entra, et dit en souriant : « Voilà la fille ! Johnson, allez voir si vous le trouvez. »

Jill voulut se mettre dans le passage, mais le nommé Johnson la repoussa sans ménagements. « C’est un outrage ! s’écria Jill d’une voix aiguë. Où est votre mandat d’amener ?

— Doucement, ma jolie, lui dit Berquist. Si vous vous conduisez bien, ils ne vous feront peut-être pas de misères. »

Elle lui donna un coup de pied dans le tibia. Il se mit agilement hors de portée. « Oh la vilaine, dit-il sans se fâcher. Johnson ! Vous le trouvez ?

— Il est là, Mr. Berquist. Nu comme un ver – je me demande bien ce qu’ils étaient en train de fabriquer.

— Peu importe. Amenez-le ici. »

Johnson reparut en poussant Smith devant lui ; il lui avait tordu un bras derrière le dos. « Il ne voulait pas venir. »

Jill passa vivement derrière Berquist et se jeta sur Johnson, qui la rejeta brutalement. « Pas de ça, petite traînée ! »

Il l’avait frappé nettement moins fort qu’il ne frappait sa femme avant qu’elle ne le quitte, et infiniment moins qu’il ne frappait les prisonniers qui refusaient de parler. Jusqu’alors, Smith n’avait pas dit un mot et son visage était resté sans expression. Il s’était simplement laissé faire. Ne comprenant pas ce qui se passait, il s’était abstenu d’agir.

Mais lorsqu’il vit que l’homme frappait son frère d’eau, il se tortilla, se libéra – et fit un geste vers Johnson.

Johnson disparut.

Seuls les brins d’herbe se redressant là où il avait posé ses grands pieds témoignaient qu’il avait jamais été là. Jill les regardait fixement – elle se sentait sur le point de s’évanouir.

Berquist ferma la bouche, la rouvrit, et dit d’une voix étranglée : « Que lui avez-vous fait ? en regardant Jill.

— Moi ? Je n’ai rien fait du tout.

— Allons, allons. Vous avez une trappe, ou quoi ?

— Où est-il allé ?

Berquist humecta ses lèvres. « Je n’en sais rien. » Il sortit un revolver. « Mais n’essayez pas vos petits tours avec moi. Restez où vous êtes. Je me charge de lui. »

Smith était retombé dans une attente passive. Ne comprenant pas ce dont il s’agissait, il n’avait fait que le minimum indispensable. Mais il avait déjà vu les hommes utiliser des pistolets sur Mars, et l’expression que prit Jill en voyant l’arme dirigée contre elle ne lui plut pas. Il gnoqua que c’était un de ces points critiques dans la croissance d’un être où la contemplation doit donner naissance à l’action juste, afin de permettre la continuation de la croissance. Il agit.

Les Anciens l’avaient bien éduqué. Il fit un pas vers Berquist, qui braqua le revolver sur lui. Il fit un geste – et Berquist disparut.

Jill hurla.

D’impassible qu’il était, le visage de Smith devint tragique et désespéré. Il regarda Jill avec des yeux implorants et se mit à trembler. Ses yeux se révulsèrent ; il s’affaissa lentement au sol, se roula en boule et resta dans une immobilité totale.

L’hystérie de Jill s’arrêta net. Un malade avait besoin d’elle. Ce n’était pas le moment d’être émotive, ni de se demander comment deux hommes avaient disparu. Elle s’agenouilla et examina Smith.

Elle ne put détecter ni pouls ni respiration. Elle posa une oreille contre ses côtes. Elle pensa d’abord que le cœur s’était arrêté mais, au bout d’un moment, entendit un faible toc-toc, suivi d’un autre après quatre ou cinq secondes.

Cela la fit penser à une syncope schizoïde, mais elle n’avait jamais vu une transe aussi profonde, même pendant les démonstrations d’hypno-anesthésie. Elle avait lu que certains yogis indiens pouvaient se mettre dans des états proches de la mort, mais ne l’avait jamais vraiment cru.

Normalement, elle n’aurait jamais essayé de réveiller un patient dans cet état ; elle aurait immédiatement appelé un médecin. Mais les circonstances étaient exceptionnelles. Loin d’affaiblir sa résolution, les derniers événements l’avaient plus que jamais renforcée dans sa détermination de ne pas laisser Smith retomber entre les mains des autorités. Elle fit tout son possible pour essayer de le réveiller, mais au bout de dix minutes d’efforts inutiles, elle abandonna.

Dans la chambre de Ben, elle découvrit une grande valise quelque peu cabossée, presque un coffre. Elle l’ouvrit et y trouva un vocascribe, une trousse de toilette, un assortiment de vêtements – tout ce dont un journaliste pouvait avoir besoin pour un voyage imprévu. Il y avait même un ensemble audio pouvant se raccorder au réseau téléphonique. La présence de cette valise prouvait d’ailleurs que Kilgallen se trompait sur la raison de l’absence de Ben – mais ce n’était pas le moment de penser à cela. Elle vida la valise et la traîna jusqu’au living.

Smith était plus lourd qu’elle, mais elle avait acquis des muscles à force de manier des malades de toutes les tailles. Elle réussit à le faire basculer dans la valise, mais dut le replier pour pouvoir la fermer. Ses muscles ne cédaient pas à la force, mais en insistant doucement elle parvint à les remodeler. Elle rembourra les coins avec quelques vêtements, puis essaya de percer des trous pour lui permettre de respirer, mais la valise était en stratifié. Elle se dit qu’avec une respiration aussi faible et un métabolisme aussi ralenti, il ne risquait pas d’étouffer.

En s’aidant des deux bras, elle put tout juste la soulever. Quant à la porter… Heureusement, la valise était équipée de roulettes. Elles creusèrent de vilains sillons dans le gazon de Ben.

Jill ne monta pas sur le toit. Elle ne voulait surtout pas d’un autre taxi. Elle sortit par la porte de service. Il n’y avait qu’un jeune homme venu faire une livraison pour les cuisines. Il l’aida à rouler la valise jusqu’au trottoir. « Salut, sœurette. Qu’est-ce que vous traînez dans ce fourbi ? »

« Un cadavre », répondit-elle du tac au tac.

Il haussa les épaules. « J’aurais dû m’en douter. À question stupide, réponse stupide. »