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— Le radiateur est coupé, dit-elle. Et puis tu seras mieux dans la chambre d’amis, tu verras.

— Pourquoi ne voulez-vous pas que je couche dans l’autre ? Je ne crains pas le froid et la nuit je n’aime pas le chauffage.

— Le lit n’est pas fait, murmura-t-elle.

— Oh ! Ça ne fait rien. Avec de bonnes couvertures…

Lorsqu’elle ouvrit la porte de la chambre, il la bouscula presque pour y entrer le premier, regarda autour de lui. Son visage exprima une grande déception et il jeta avec colère :

— Il n’avait pas de jouets ?

— Pas ici… À Dijon… Ici il vivait surtout dehors. La luge, le ski et même des patins à glace pour le lac… L’été il faisait du vélo, jouait au ballon.

Mais il avait découvert l’électrophone et la réserve de disques.

— Ça c’est chouette, dit-il.

— Tu as un cabinet de toilette à côté, fit-elle très bas. Tu peux prendre une douche si tu veux…

Pierre ne faisait plus attention à elle. Il avait placé un disque sur le plateau, posait maladroitement la tête en plein milieu.

— C’est quoi ? demanda-t-il impatient.

— Alice aux pays des merveilles.

— C’est tout con.

Il bousculait l’appareil, ôtait le disque, le jetait à côté sans le remettre dans la pochette, fouillait avec frénésie parmi les autres. Il finit par trouver un quarante-cinq tours de Sheila.

— Ça c’est chouette.

— Antoine détestait ce genre de chanteur, dit-elle.

— Alors pourquoi le lui avoir acheté ?

— C’est un cadeau. D’une femme idiote qui croyait que ça lui plairait. Mais tu as de bons disques des Beatles.

Il n’écoutait pas, scandait la chanson d’un tortillement de hanches. Elle alla chercher des draps, fit le lit en subissant les quatre titres du disque.

— Il n’y en a pas d’autres ?

— Essaye les Beatles.

— J’y comprends rien, avoua-t-il.

— Tu as des disques plus anciens, des contes de Perrault. Le petit Chaperon rouge…

— Pas des disques de cow-boys ?

— Je ne crois pas.

Les disques s’éparpillaient autour de lui et la chambre vivait à nouveau. Il écouta le début d’un conte d’Andersen mais arrêta tout de suite après.

— Pourquoi il n’aimait pas Claude François, Dalida et tous les autres ?

— C’était ainsi.

— C’est pas marrant tout ça, dit-il en se relevant.

Il alla fourrer son nez devant le rayon des albums de bandes dessinées.

— Tu as Lucky Luke, Astérix, Boule et Bill.

— Ouais.

Il en prit un au hasard.

— Voilà un pyjama, dit-elle. C’est le plus petit que j’ai trouvé. Tu n’auras qu’à retrousser les jambes de pantalon et les manches.

— Pourquoi, il était plus grand que moi, votre fils ?

— Plus grand et plus large.

— Et il avait mon âge ?

— Un an de plus.

— Ah bon !

Il s’allongea sur le lit sans même se déchausser.

— Tu ferais mieux de te déshabiller et de te coucher. Tu risques de t’endormir tout habillé.

Il releva la tête, la fixa :

— Il est mort comment votre fils ?

— Dans un accident d’avion.

— Non, c’est vrai ?

Écarquillant les yeux, il s’assit en tailleur sur le lit.

— Il était déjà monté en avion ?

— Plusieurs fois, fit-elle avec effort.

— Pour aller où ?

— Ses grands-parents l’emmenaient chaque année à Pâques faire un grand voyage. Une fois au Mexique, une autre fois au Canada. Cette fois-là ils allaient en Afrique noire pour un safari-photo…

— C’est quoi ?

— On visite une réserve et l’on prend des photos de lions, d’éléphants, de rhinocéros.

— De tigres ?

— Pas en Afrique.

— Y avait pas de tigres ? C’était tout con.

Elle se dirigea vers la porte mais il la rappela.

Cette histoire l’excitait visiblement et Charlotte en éprouvait une grande rancœur.

— L’avion s’est écrasé ?

— Oui. Au décollage de l’escale de…

— Ils sont tous morts ?

Incapable d’en dire plus, elle sortit de la chambre, descendit en hâte. Elle se servit un verre de whisky qu’elle avala pur, regarda hébétée la télévision qui marchait toujours. Au bout de quelques minutes elle tourna rageusement le bouton.

Lorsqu’elle ouvrit à Truc il se rua comme un fou dans la pièce, tourna en rond en poussant de petits gémissements plaintifs. Elle s’accroupit et il lui lécha le visage.

— Chut, dit-elle, ne fais pas de bruit.

Aussitôt elle se rebella contre ce qu’elle venait de dire. De quel droit ce sale gosse dirigerait-il sa vie ?

— Viens, dit-elle.

Elle choisit un morceau de viande dans le réfrigérateur et le lui donna. Puis elle sortit le gigot du congélateur pour qu’il dégèle pendant la nuit, en profita pour prendre également des croissants et une brioche au beurre pour le petit déjeuner du lendemain matin.

Truc l’accompagna jusqu’au pied de l’escalier. Il la regarda avec des yeux suppliants lorsqu’elle commença à monter et elle finit par lui enjoindre de venir. Il se précipita comme un fou mais au lieu de tourner à droite vers sa chambre, prit à gauche, se posta dans celle d’Antoine en grattant de sa patte.

— Viens. Allons, ne sois pas têtu.

Il finit par obéir, la tête basse.

Une fois couchée, elle continua d’entendre Sheila chantant à pleine gorge.

CHAPITRE VI

Il avait dû s’en aller très tôt, à l’aube. Elle n’avait rien entendu et Truc, qui dormait au pied de son lit, ne s’était même pas réveillé. Lorsqu’elle n’avait pas découvert ses vieux vêtements dans la cuisine, elle était remontée, avait entrouvert doucement la porte de sa chambre. Le lit était refait avec des draps propres, les mêmes qu’elle avait sortis la veille. Tout était en ordre, les disques, l’électrophone et l’album de bandes dessinées sur l’étagère. Les vêtements d’Antoine pliés sur une chaise.

Truc la suivait en gémissant et en cherchant partout, jusque sous le lit. Peut-être flairait-il le souvenir d’Antoine et éprouvait-il de la peine.

Elle songea ensuite au billet mais ne put le retrouver dans la cuisine. Elle fouilla dans chaque tiroir, dans le living également. L’enfant l’avait emporté.

Tandis que le café se faisait, elle sortit au-dehors, essaya de retrouver ses pas mais la neige était trop dure. Pourtant sur la petite pente voisine les traces de la luge restaient visibles, elles. Mais elle savait que le soleil de cette journée, qui s’annonçait radieuse, les ferait fondre en quelques heures.

Elle but plusieurs tasses de café puis alla chercher la chemise d’Antoine que Pierre avait portée la veille. Truc la renifla, gémit et remonta l’escalier pour gratter à la porte. Il ne flairait que l’odeur de son fils. Elle l’entraîna au-dehors, assez loin de la maison et lui fit à nouveau sentir la chemise. Mais le chien tourna en rond en gémissant, finit par rentrer à La Rousse.

Sur une carte Michelin elle découvrit que La Rousse était plus proche de Foncine-le-Bas que de Chapelle-des-Bois. Environ quatre kilomètres en coupant à travers bois. L’enfant pouvait venir de là-bas.

Une fois prête, elle fit le plein du scooter, appela Truc qui s’installa, méfiant, à l’arrière.