Elle ne le sentait pas... Encore une qui ne se laisserait pas prendre... H� ! Les risques du m�tier...
Philibert ne b�gayait plus mais cessait de respirer d�s qu'elle sortait de son punctum.
Et quand Camille s'�tonnait de la rapidit� avec laquelle ils s'�taient engag�s, ils la regardaient bizarrement. Attendre quoi ? Pourquoi perdre du temps sur le bonheur ? C'est compl�tement idiot ce que tu dis l�...
Elle secouait la t�te, dubitative et attendrie, pendant que Franck la regardait en tapinois...
Laisse tomber, tu peux pas comprendre, toi... Tu peux pas comprendre �a... T'es tout en n�uds... Y a que tes dessins qui sont beaux... T'es toute r�tract�e � l'int�rieur de toi... Quand je pense que j'ai cru que t'�tais vivante... Putain, fallait vraiment que je sois accro ce soir-l� pour me foutre le doigt dans l'�il � ce point... Je croyais que t'�tais venue me faire l'amour alors que t'�tais juste affam�e... Quel gros niais, je te jure...
Tu sais c'qu'y faudrait ? Y faudrait te purger la t�te comme on vide un poulet et te sortir toute la merde que t'as l�-dedans une bonne fois pour toutes. Y sera fortiche, le mec qu'arrivera � te d�plier... Pas s�r qu'il existe d'ailleurs... Philou me dit que c'est parce que t'es comme �a que tu dessines bien, eh ben putain, c'est cher pay�...
� Alors mon Franck ? le secouait Philibert, tu as l'air tout chose � pr�sent...
� Fatigu�...
� Allez... C'est bient�t les vacances...
� Pff... Encore tout le mois de juillet � tirer... D'ailleurs je vais aller me coucher parce que je me l�ve t�t demain : je mets ces dames au vert...
Aller passer l'�t� � la campagne... C'�tait une id�e de Camille et Paulette n'y voyait pas d'inconv�nients... Pas plus excit�e que �a, la m�m�... Mais partante. Partante pour tout du moment qu'on ne la for�ait � rien...
Quand elle lui annon�a son plan, Franck commen�a enfin � se faire une raison.
Elle pouvait vivre loin de lui. Elle n'�tait pas amoureuse et ne le serait jamais. Elle l'avait pr�venu en plus : � Merci Franck. Moi non plus. � Apr�s c'�tait son probl�me s'il s'�tait cru plus fort qu'elle et plus fort que le monde entier. Eh, non, mon gars, t'es pas le plus fort... Eh non... C'est pas faute de te l'avoir fait comprendre pourtant, hein ? Mais t'es tellement t�tu, tellement faraud...
T'�tais pas encore n� que c'�tait d�j� du n'importe quoi ta vie alors pourquoi �a changerait maintenant ?
Qu'est-ce que tu croyais ? Que parce que tu la sautais de tout ton c�ur et que t'�tais gentil avec elle, �a te tomberait tout cuit dans le bec, le bonheur... Pff... Quelle piti�... Regarde-le un peu, tu l'as vu ton jeu ? O� tu comptais aller avec �a, dis-moi ? O� tu comptais aller ? Franchement ?
Elle posa son sac et la valise de Paulette dans l'entr�e et vint le rejoindre dans la cuisine.
� J'ai soif.
- ...
� Tu fais la gueule ? �a t'ennuie qu'on parte ?
� Pas du tout ! Je vais pouvoir m'amuser un peu...
Elle se leva et le prit par la main :
� Allez, viens...
� O� �a ?
� Te coucher.
� Avec toi ?
� Ben oui !
� Non.
� Pourquoi ?
� J'ai pu envie... T'es tendre que si t'as un coup dans le nez... Tu fais que tricher avec moi, j'en ai marre...
� Bon...
� Tu souffles le chaud et le froid....C'est d�gueulasse comme fa�on de faire...
- ...
� C'est d�gueulasse...
� Mais moi je suis bien avec toi...
� � Mais moi je suis bien avec toi... � reprit-il d'une voix niaiseuse. J'en ai rien � foutre que tu sois bien avec moi. Moi je voulais que tu sois avec moi, point. Le reste, l�... Tes nuances, ton flou artistique, tes petits arrangements avec ton cul et ta conscience, tu te les gardes pour un autre nigaud. Cui-ci, il a tout rendu. T'en tireras rien de plus � pr�sent et tu peux laisser tomber l'affaire, princesse...
� T'es tomb� amoureux, c'est �a ?
� Oh, tu fais chier, Camille ! C'est �a ! Parle-moi comme si j'�tais un grand malade maintenant ! Putain un peu de pudeur, merde ! Un peu de d�cence ! Je m�rite pas �a'quand m�me ! Allez... Tu vas te barrer et �a va me faire du bien... Qu'est-ce que je fous aussi � me laisser emmerder par une nana qui mouille � l'id�e de passer deux mois dans un trou paum� toute seule avec une vioque ? T'es pas normale comme fille et si t'�tais un minimum honn�te, t'irais te faire soigner avant d'agripper le premier couillon qui passe.
� Paulette a raison. C'est incroyable ce que tu es grossier...
Le trajet, le lendemain matin, parut hum... assez long.
Il leur laissa la voiture et repartit sur sa vieille p�trolette.
� Tu reviendras samedi prochain ?
� Pour quoi faire ?
� Euh... Pour te reposer...
� On verra...
� Je te le demande...
� On verra...
� On s'embrasse pas ?
� Nan. Je viendrai te baiser samedi prochain si j'ai rien de mieux � faire mais je t'embrasse plus.
� Bon.
Il alla dire au revoir � sa grand-m�re et disparut au bout du chemin.
Camille retourna � ses gros pots de peinture. Elle donnait dans la d�coration int�rieure maintenant...
Elle commen�a � r�fl�chir et puis non. Sortit ses pinceaux du white-spirit et les essuya longuement. Il avait raison : on verra.
Et leur petite vie reprit. Comme � Paris mais en plus lent encore. Et au soleil.
Camille fit la connaissance d'un couple d'Anglais qui retapaient la maison d'� c�t�. On s'�changea des trucs, des astuces, des outils et des verres de gin tonic � l'heure o� les martinets m�nent la danse.
Elles all�rent au mus�e des Beaux-Arts de Tours, Paulette attendit sous un c�dre immense (trop d'escaliers) pendant que Camille d�couvrait le jardin, la tr�s jolie femme et le petit-fils du peintre Edouard Debat-Ponsan. Il n'�tait pas dans le dictionnaire celui-l�... Comme Emmanuel Lansyer dont elles avaient visit� le mus�e � Loches quelques jours plus t�t... Camille aimait beaucoup ces peintres qui n'�taient pas dans le dictionnaire... Ces petits ma�tres, comme on disait... Les r�gionaux de l'�tape, ceux qui n'avaient pour cimaise que les villes qui les avaient accueillis. Le premier restera � jamais le grand-p�re d'Olivier Debr� et le second l'�l�ve de Corot... Bah... Sans la chape du g�nie et de la post�rit�, leurs tableaux se laissaient aimer plus tranquillement. Et plus sinc�rement peut-�tre...
Camille �tait sans cesse en train de lui demander si elle ne voulait pas aller aux toilettes. C'�tait idiot, ce truc d'incontinence mais elle se raccrochait � cette id�e fixe pour la garder pr�s du bord... La vieille dame s'�tait laiss�e aller une fois ou deux et elle l'avait engueul�e copieusement :
� Ah ! Non, ma petite Paulette, tout ce que vous voulez mais pas �a ! Je suis l� rien que pour vous ! Demandez-moi ! Restez avec moi, bon sang ! Qu'est-ce que �a veut dire de se chier dessus comme �a ? Vous n'�tes pas enferm�e dans une cage que je sache ?
- ...
� H� ! Ho ! Paulette ! R�pondez-moi. Vous virez sourde en plus ?
� Je voulais pas te d�ranger...
� Menteuse ! Vous ne vouliez pas vous d�ranger ! �
Le reste du temps, elle jardinait, bricolait, travaillait pensait � Franck et lisait � enfin � Le Quatuor d'Alexandrie. � voix haute quelquefois.... Pour la mettre dans l'ambiance... Et puis c'�tait son tour de raconter les op�ras...
� �coutez, l�, c'est tr�s beau.... Don Rodrigue propose � son ami d'aller mourir � la guerre avec lui pour lui faire oublier qu'il est amoureux d'Elisabeth...
� Attendez, je monte le son... Ecoutez-moi ce duo, Paulette... Dieu, tu semas dans nos �-�-�mes... fredonnait-elle en bougeant ses poignets, na ninana ninana...
� C'est beau, hein ? �
Elle s'�tait assoupie.