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Il sortit du lit et se dirigea vers le séjour.

— C’est pas vrai !

Il râlait parce que j’avais fait le ménage. Je riais.

— Il fallait bien que je m’occupe pendant que tu cuvais, lui répondis-je. Par contre, tu m’excuses, j’ai dû fouiller dans les placards, je voulais que les draps soient propres.

Il éclata de rire. J’étais moulue, comblée, une légère dose d’adrénaline encore dans le corps. J’étais aussi bouleversée par ce qui venait de se passer. Faire l’amour avec Gabriel avait été libérateur, révélateur. Le sexe était devenu inexistant avec Pierre, et lorsqu’il avait à nouveau fait partie de notre vie de couple, il était mécanique et faux. Le sexe avec Gabriel était simple, puissant, sincère. Pour la première fois de ma vie, j’avais eu l’impression d’être moi-même en faisant l’amour. Marthe me semblait très loin. Je me laissai glisser dans la torpeur. De toutes mes forces, je tentai de garder les yeux ouverts.

Une main, sa main, caressait mon dos. J’étais sur le ventre, je clignai des yeux et tournai la tête pour le voir. Il se pencha et m’embrassa délicatement.

— Je n’ai que du champagne à te proposer, me dit-il.

— Tu me nourris liquide ?

— On va en profiter avant que les robinets ne se ferment.

Il attrapa une coupe sur la table de nuit et me la tendit. Je me redressai, remontai le drap sur mes seins. Nous trinquâmes en nous regardant dans les yeux. Après quelques gorgées, il reprit ma flûte et me força à m’allonger. Il me passa au peigne fin : il débuta par mon cou, traça un sillon sur mes bras écorchés, alla vérifier l’étendue des dégâts sur mes genoux et finit par remonter le long de mon corps pour embrasser les griffures sur mon épaule.

— Je pourrais la tuer pour ce qu’elle t’a fait, murmura-t-il.

— Ne dis pas ça…

— Pendant que tu dormais, j’ai entendu ton téléphone s’affoler.

— C’était forcément elle.

— Exact. Elle doit piquer une crise de nerfs à l’heure actuelle, et préparer sa vengeance.

— Elle a vraiment le pouvoir de te couper les vivres ?

— Oui, elle a procuration sur tous mes comptes. Ça date de l’époque où Jules me les a ouverts. Les sociétés sont à son nom, je ne suis que le gérant. Tout a été fait pour que je ne la laisse jamais seule. Au moment de mourir, Jules m’a confié qu’il était heureux du cadeau qu’il avait fait à Marthe, parce qu’il avait eu le sien aussi. Le cadeau, c’était moi.

— Tu n’as jamais eu envie de t’en aller ?

— Non… quoi qu’elle ait pu faire, j’aime Marthe, je n’ai qu’elle. Avant toi, avant notre rencontre, j’étais intimement convaincu qu’il n’y aurait qu’elle dans ma vie, que rien ne pouvait être différent. C’est en la voyant faire avec toi que j’ai compris à quel point elle m’avait manipulé. Elle m’a ancré dans le crâne qu’aucune autre femme ne pourrait véritablement m’aimer, et qu’elle serait la seule et l’unique à pouvoir me supporter. Et comme le sexe n’existait plus entre elle et moi, je croyais que nous avions une relation certes tordue, mais plus saine qu’avant. Mais je veux que tu saches que… qu’elle ne m’a pas forcé au début…

— Tu veux dire…

— Oui.

— Pourquoi avoir accepté ?

— Remets-moi dans le contexte, j’étais jeune, con, arrogant. Et une femme d’une beauté incroyable, avec une expérience sexuelle qui ferait rougir une actrice porno, se glissait dans mon lit sans que j’aie besoin de rien faire…

— Si tu pouvais éviter de me donner trop d’images de vous deux, ça m’arrangerait.

— Pardon, me répondit-il, penaud.

Je l’embrassai. Il me sourit.

— Qu’allons-nous faire maintenant ? lui demandai-je.

— Je vais l’appeler.

— Tu veux que je le fasse ? Après tout, c’est moi qui me suis enfuie de chez elle, sans oublier que c’est moi qu’elle a agressée.

— Sauf que maintenant c’est entre elle et moi. C’est difficile à accepter, mais dans son esprit, tu es un objet dont on se dispute la possession. Et c’est important pour moi de le faire, je dois me détacher d’elle et de son pouvoir.

— Tu es prêt à ça ?

— Bien plus encore…

Il m’embrassa et partit à la recherche de son téléphone. Puis il s’assit au pied du lit. Je restai en retrait. Il fixa son portable et s’ébouriffa les cheveux en soupirant. Il composa le numéro et colla l’appareil à son oreille, sa main libre partit à la recherche de la mienne. À quatre pattes, je traversai le lit, et la saisis. Il me la broya en la ramenant contre son ventre. Je me lovai contre son dos, caressai son tatouage ; ses muscles étaient tendus.

— Marthe, c’est moi… Iris est ici…

— Vous êtes ridicules ! l’entendis-je dire à travers le combiné.

Gabriel souffla.

— Je ne jouerai pas à la grand-mère quand vous aurez l’idée de pondre des rejetons.

Le ton était acerbe.

— Ce n’est pas ce que nous te demandons. On veut juste que tu nous laisses vivre en paix.

— Tu n’as pas le droit de me la prendre, éructa-t-elle. Rends-la-moi !

— Iris n’est pas à toi.

La voix de Gabriel se durcissait. Ses muscles se contractèrent sous mes mains.

— Ne la touche plus jamais, tu m’entends ?

— Tu n’as pas le droit de me menacer, tu le sais, ça, mon chéri ? lui dit-elle de sa voix ensorcelante, séductrice.

Gabriel chercha l’air, de la sueur perla à ses tempes ; il luttait.

— Et moi non plus, je ne suis pas à toi, continua-t-il d’un ton brusque.

— Bien sûr que si ! Depuis que je t’ai vu, que tu es entré chez moi, tu m’appartiens.

— C’est fini, Marthe.

— Tu sais ce que ça signifie ! Tu vas tout perdre. Sans moi, tu n’es rien. Il te faudra oublier ton travail, le pouvoir, l’argent.

Gabriel me chercha des yeux par-dessus son épaule, son regard était inquiet et triste. Il me posa une question muette, je lui souris doucement. Il serra ma main encore plus fort et inspira profondément.

— Marthe, je ne veux pas que ça se termine comme ça, lui dit-il d’un ton posé. Mais si tu nous y obliges, on partira, Iris et moi. Tu ne dirigeras plus nos existences, c’est terminé.

— Tu vas ruiner ta vie, et la sienne.

Et d’un seul coup, sa colère explosa.

— Vous n’avez pas le droit ! hurla-t-elle. C’est moi que vous devez aimer.

— Vois-tu le mal que tu te fais ? Tu ne vas pas bien. Tu dois te faire soigner, je crois.

Marthe criait tellement que ses paroles devinrent incompréhensibles. Gabriel soupira.

— Je vais raccrocher. Tu peux encore réfléchir. Il ne tient qu’à toi de nous garder à tes côtés.

— Mon chéri, c’est au-dessus de mes forces, sanglota-t-elle. Ne me laisse pas, j’ai besoin de toi. Tu as promis à Jules, Jules ton père, ne l’oublie pas.

Elle pleurait et criait à la fois. Gabriel inspira profondément.

— Au revoir, Marthe, lui dit-il dans un souffle.

— Je vous aime ! hurla-t-elle dans un sanglot.

Gabriel raccrocha et posa très calmement son téléphone à côté de lui. Je l’enlaçai. Puis il chercha à se lever, je le laissai libre de ses mouvements. Il m’attrapa par la main et m’entraîna dans la salle de bains. Il retira son boxer et nous fit entrer dans la douche. Il régla la température de l’eau. J’enfermai son visage entre mes mains pour le forcer à me regarder, à me parler. Il ferma les yeux de toutes ses forces. Puis il se jeta sur moi, m’embrassa comme si sa vie en dépendait. Il se mit à pétrir mon corps, le désir se réveilla instantanément. Je le laissai faire. À sa façon. Comme il en éprouvait le besoin. Il me souleva, et me plaqua contre le carrelage froid. Il me prit avec force et me martela jusqu’à nous faire atteindre le paroxysme du plaisir dans un râle de douleur. Et brutalement, il éclata en sanglots. Comme au ralenti, nous nous écroulâmes au sol, je le pris contre moi, il s’agrippa, posa sa tête sur mon ventre. Je le berçai de longues minutes sous l’eau et le laissai exprimer avec ses larmes tout ce qui ne sortirait pas avec des mots.