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« Croyez-moi ! », qu'il s'était réveillé en retard et s'était ébouillanté sous sa douche, « Croyez-moi ! », ainsi que le temps qu'il avait passé à chercher ses clés de voiture en s'énervant tout seul. « Mais croyez-moi bon sang ! » Elle le trouvait d'ailleurs très distrait, elles étaient posées sur la petite table de l'entrée. La compagnie du téléphone était venue mardi à dix-sept heures, et l'avait fait attendre une demi-heure. Et vous avez mangé un sandwich au pastrami, vous en avez mis sur votre veste et vous vous êtes changé avant de repartir.

« Vous me croyez maintenant ? »

- Vous m'espionnez depuis plusieurs jours, pourquoi ?

- Mais comment voulez-vous que je vous espionne, ce n'est pas le Watergate ici ! Il n'y a pas des caméras et des micros partout !

- Et pourquoi pas ! Ce serait plus cohérent que votre histoire, non ?

- Prenez vos clés de voiture !

- Et où allons-nous ?

- À l'hôpital, je vous emmène me voir.

- Bien sûr ! Il est bientôt une heure du matin, et je vais me pointer à l'hôpital, à l'autre bout de la ville et demander aux infirmières de garde de bien vouloir me conduire de toute urgence dans la chambre d'une femme que je ne connais pas parce que son fantôme est dans mon appartement, que j'aimerais bien dormir, qu'elle est très têtue, et que c'est le seul moyen pour qu'elle me foute la paix.

- Vous en voyez un autre ?

- Un autre quoi ?

- Un autre moyen, parce que dites-moi que vous allez pouvoir trouver le sommeil.

- Mais qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour que cela m'arrive à moi ?

- Vous ne croyez pas en Dieu, vous l'avez dit au téléphone à votre associé au sujet d'un contrat :

« Paul, je ne crois pas en Dieu, si on a cette affaire c'est parce qu'on aura été les meilleurs, et si on la perd, il faudra en tirer les conclusions et se remettre en cause. » Eh bien, remettez-vous en cause cinq minutes, c'est tout ce que je vous demande. Croyez-moi ! J'ai besoin de vous, vous êtes la seule personne...

Arthur décrocha le téléphone et composa le numéro de son associé.

- Je te réveille ?

- Mais non, il est une heure du matin et j'attendais que tu me téléphones pour aller me coucher, répondit Paul.

- Pourquoi ? Je devais t'appeler ?

- Non, tu ne devais pas m'appeler mais oui, tu me réveilles. Qu'est-ce que tu veux à cette heure-ci ?

- Te passer quelqu'un et te dire que tes blagues sont de plus en plus stupides.

Arthur tendit le combiné à Lauren et lui demanda de parler à son associé. Elle ne pouvait pas prendre le téléphone, elle lui expliqua qu'elle ne pouvait saisir aucun objet. Paul qui s'impatientait à l'autre bout de la ligne lui demanda à qui il parlait. Arthur sourit, victorieux, et enclencha le bouton « main libre » de l'appareil.

- Tu m'entends, Paul ?

- Oui, je t'entends. Dis : à quoi joues-tu ? Je voudrais dormir.

- Moi aussi je voudrais dormir, tais-toi une seconde. Parlez-lui, Lauren, parlez-lui maintenant !

Elle haussa les épaules.

- Si vous voulez. Bonjour, Paul, vous ne m'entendez sûrement pas, mais votre associé non plus.

- Bon, Arthur, si tu m'appelles pour ne rien dire, alors il est vraiment très tard.

- Réponds-lui.

- À qui ?

- À la personne qui vient de te parler.

- C'est toi la personne qui vient de me parler et je te réponds.

- Tu n'as entendu personne d'autre ?

- Dis-moi, Jeanne d'Arc, tu fais une crise de surmenage ?

Lauren le dévisageait d'un air compatissant.

Arthur secoua la tête ; de toute façon, s'ils étaient de mèche tous les deux, il n'aurait pas lâché le morceau aussi facilement. Dans le haut-parleur ils entendirent Paul demander à nouveau à qui il parlait. Arthur lui demanda d'oublier tout ça et s'excusa de l'avoir appelé si tard. Paul s'inquiéta de savoir si tout allait bien, s'il avait besoin qu'il passe. Il le rassura aussitôt, tout allait bien et il le remerciait.

- Ben, il n'y a pas de quoi, mon grand, tu me réveilles quand tu veux pour tes conneries, surtout tu n'hésites pas, on est associés pour le meilleur et pour le pire. Alors quand tu as du pire comme ça, tu me réveilles et on partage. Voilà, je peux me rendormir ou tu as autre chose ?

- Bonne nuit, Paul.

Et ils raccrochèrent.

- Accompagnez-moi à l'hôpital, on y serait déjà.

- Non, je ne vous accompagne pas, franchir cette porte ce serait déjà accréditer cette histoire rocambolesque. Je suis fatigué mademoiselle, et je veux me coucher, alors vous prenez ma chambre et moi le canapé ou vous quittez les lieux. C'est ma dernière proposition.

- Eh bien, j'ai trouvé plus têtu que moi. Allez dans votre chambre, je n'ai pas besoin de lit.

- Et vous, vous faites quoi ?

- Qu'est-ce que cela peut vous faire ?

- Ça me fait, c'est tout.

- Moi je reste là dans le salon.

- Jusqu'à demain matin et après...

- Oui, jusqu'à demain matin, merci de votre gracieuse hospitalité.

- Et vous ne venez pas m'espionner dans ma chambre ?

- Vous n'avez qu'à fermer votre porte à clé puisque vous ne me croyez pas, et puis si c'est parce que vous dormez tout nu, je vous ai déjà vu, vous savez !

- Je croyais que vous n'étiez pas voyeuse ?

Elle lui fit remarquer que tout à l'heure dans la salle de bains, il ne fallait pas être voyeuse, il fallait être aveugle. Il piqua un fard et lui souhaita bonne nuit. « C'est cela, bonne nuit Arthur, faites de beaux rêves. » Arthur s'en alla dans sa chambre et claqua la porte. « Mais c'est une folle, maugréa-t-il. C'est une histoire de dingues. » Il se jeta sur son lit. Les chiffres verts de son radioréveil marquaient la demie de une heure. Il les regarda défiler jusqu'à deux heures onze. D'un bond il se leva, enfila un gros pull, un Jean, mit des chaussettes, et sortit brusquement dans le salon. Lauren y était assise en tailleur sur l'appui de la fenêtre. Lorsqu'il entra, elle lui parla sans se retourner.

- J'aime cette vue, pas vous ? C'est ce qui m'a fait craquer pour cet appartement. J'aime regarder le pont, j'aime, en été, ouvrir la fenêtre et entendre les cornes de brume des cargos. J'ai toujours rêvé de compter le nombre de vagues qui se briseraient contre leur étrave avant qu'ils ne franchissent le Golden Gâte.

- Bon, on y va, lui adressa-t-il comme seule réponse.

- Vraiment ? Qu'est-ce qui vous décide tout à coup ?

- Vous avez plombé ma nuit, alors foutu pour foutu autant régler le problème ce soir, demain je suis censé travailler. J'ai un rendez-vous important à l'heure du déjeuner, et il faut que j'essaye de dormir au moins deux heures, alors on y va maintenant.

Vous vous dépêchez ?

- Allez-y, je vous rejoins.

- Où me rejoignez-vous ?

- Je vous rejoins, je vous dis, faites-moi confiance deux minutes.

Il trouvait lui accorder déjà trop de confiance au regard de la situation. Avant de quitter les lieux, il lui redemanda son nom de famille. Elle le renseigna ainsi que sur l'étage et le numéro de la chambre où elle était censée être hospitalisée, cinquième et chambre 505. Elle ajouta que c'était facile, il n'y avait que des cinq. Lui ne trouvait rien de facile à ce qui l'attendait. Arthur ferma la porte derrière lui, descendit les escaliers, entra dans le parking. Lauren était déjà dans la voiture, posée sur la banquette arrière.

- Je ne sais pas comment vous faites cela, mais c'est très fort. Vous avez bossé avec Houdini !

- Qui ça ?

- Houdini, un prestidigitateur.

- Vous avez de vraies références, vous.

- Passez devant, je n'ai pas de casquette de chauffeur.

- Soyez un minimum indulgent, je vous ai dit que je manquais encore de précision, ce n'est pas si mal la banquette arrière, j'aurais pu atterrir sur le capot. Quoique je m'étais bien concentrée sur l'inté-