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Deux heures plus tard, pas de chance, je retombe sur le même con en train de pérorer avec un autre con devant ce monument dégueulasse qu'on appelle la gare Saint-Lazare. Ils bavardochaient à propos d'un bouton. Je me dis: qu'il le fasse monter ou descendre son furoncle, il sera toujours aussi moche, ce sale con.

Gastronomique

Après une attente gratinée sous un soleil au beurre noir, je finis par monter dans un autobus pistache où grouillaient les clients comme asticots dans un fromage trop fait. Parmi ce tas de nouilles, je remarquai une grande allumette avec un coup long comme un jour sans pain et une galette sur sa tête qu'entourait une sorte de fil à couper le beurre. Ce veau se mit à bouillir parce qu'une sorte de croquant (qui en fut baba) lui assaisonnait les pieds poulette. Mais il cessa rapidement de discuter le bout de gras pour se couler dans un moule devenu libre.

J'étais en train de digérer dans l'autobus de retour lorsque je le vis devant le buffet de la gare Saint-Lazare avec un type tarte qui lui donnait des conseils à la flan, à propos de la façon dont il était dressé. L'autre en était chocolat.

Zoologique

Dans la volière qui, à l'heure où les lions vont boire, nous emmenait vers la place Champerret j'aperçus un zèbre au cou d'autruche qui portait un castor entouré d'un mille-pattes. Soudain, le girafeau se mit à enrager sous prétexte qu'une bestiole voisine lui écrasait les sabots. Mais pour éviter de se faire secouer les puces il cavala vers un terrier abandonné. Je le revis plus tard devant le jardin d'acclimatation Plus tard, devant le Jardin d'Acclimation, je revis le poulet en train de pépier avec un zoziau à propos de son plumage.

Impuissant

Comment dire l'impression que produit le contact de dix corps pressés sur la plate-forme arrière d'un autobus S un jour vers midi du côté de la rue de Lisbonne? Comment exprimer l'impression que vous fait la vue d'un personnage au cou difformément long et au chapeau dont le ruban est remplacé, on ne sait pourquoi, par un bout de ficelle? Comment rendre l'impression que donne une querelle entre un voyageur placide injustement accusé de marcher volontairement sur les pieds de quelqu'un et ce grotesque quelqu'un en l'ccurence le personnage ci-dessus décrit? comment traduire l'impression que provoque la fuite de ce dernier, déguisant sa lâcheté du veule prétexte de profiter d'une place assise?

Enfin comment formuler l'impression que cause la réapparition de ce sire devant la gare Saint-Lazare deux heures plus tard en compagnie d'un ami élégant qui lui suggérait des améliorations vestimentaires?

Modern style

Dans un omnibus un jour vers midi il m'arriva d'assister à la petite tragi-comédie suivante. Un godelureau affligé d'un long cou et chose étrange d'un petit cordage autour du melon (mode qui fait florès mais que je réprouve), prétextant soudain de la presse qui était grande, interpella son voisin avec une arrogance qui dissimulait mal un caractère probablement veule et l'accusa de piétiner avec une méthode systématique ses escarpins vernis chaque fois qu'il montait ou descendait des dames ou des messieurs se rendant à la porte de Champerret. Mais le gommeux n'attendit point une réponse qui l'eüt sans doute amené sur le terrain et grimpa vivement sur l'impériale où l'attendait une place libre, car un des occupants de notre véhicule venait de poser son pied sur la molle asphalte du trottoir de la place Pereire.

Deux heures plus tard comme je me trouvais alors moi-même sur cette impériale j'aperçus le blanc-bec dont je viens de vous entretenir qui semblait goüter fort la conversation d'un jeune gandin qui lui donnait des conseils copurchic sur la façon de porter le pet-en-l'air dans la haute.

Probabiliste

Les contacts entre habitants d'une grande ville sont tellement nombreux qu'on ne saurait s'étonner s'il se produit quelquefois entre eux des frictions d'un caractère général sans gravité. Il m'est arrivé récemment d'assister à l'une de ces rencontres dépourvues d'aménité qui ont lieu en général dans les véhicules destinés aux transports en commun de la région parisienne aux heures d'affluence. Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que j'en aie été le spectateur car je me déplace fréquemment de la sorte. Ce jour-là, l'incident fut d'ordre infime, mais mon attention fut surtout attirée par l'aspect physique et la coiffure de l'un des protagonistes de ce drame minuscule. C'était un homme encore jeune, mais dont le cou était d'une longueur probablement supérieure à la moyenne et dont le ruban du chapeau était remplacé par du galon tressé. Chose curieuse, je le revis deux heures plus tard en train d'écouter les conseils d'ordre vestimentaire que lui donnait un camarade en compagnie duquel il se promenait de long en large, avec négligence dirai-je.

Il n'y avait que peu de chances cette fois-ci pour qu'une troisième rencontre se produisît, et le fait est que depuis ce jour jamais je ne revis ce jeune homme, conformément aux raisonnables lois de la vraisemblance.

Portrait

Le stil est un bipède au cou très long qui hante les autobus de la ligne S vers midi. Il affectionne particulièrement la plate-forme arrière où il se tient, morveux, le chef couvert d'une crête entourée d'une excroissance de l'épaisseur d'un doigt assez semblable à de la corde. D'humeur chagrine, il s'attaque volontiers à plus faible que lui, mais s'il se heurte à une riposte un peu vive il s'enfuit à l'intérieur du véhicule où il essaie de se faire oublier.

On le voit aussi, mais beaucoup plus rarement, aux alentours de la gare Saint-Lazare au moment de la mue. Il garde sa peau ancienne pour se protéger contre le froid de l'hiver, mais souvent déchirée pour permettre le passage du corps; cette sorte de pardessus doit se fermer assez haut grâce à des moyens artificiels. Le stil, incapable de les découvrir lui-même, va chercher alors l'aide d'un autre bipède d'une espèce voisine, qui lui fait faire des exercices.

La stilographie est un chapitre de la zoologie théorique et déductive que l'on peut cultiver en toute saison.

Géometrique

Dans un parallélépipède rectangle se déplaçant le long d'une ligne droite d'équation 84x + S = y, un homoïde A présentant une calotte sphérique entourée de deux sinusoides, au-dessus d'une partie cylindrique de longueur l›n, présente un point de contact avec un homoïde trivial B. Démontrer que ce point de contact est un point de rebroussement.