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Philosophique

Les grandes villes seules peuvent présenter à la spiritualité phénoménologique les essentialités des coïncidences temporelles et improbabilistes. Le philosophe qui monte parfois dans l'inexistentialité futile et outilitaire d'un autobus S y peut apercevoir avec la lucidité de son oeil pinéal les apparences fugitives et décolorées d'une conscience profane affligée du long cou de la vanité et de la tresse chapeautière de l'ignorance. Cette matière sans entéléchie véritable se lance parfois dans l'impératif catégorique de son élan vital et récriminatoire contre l'irréalité néoberkeleyienne d'un mécanisme corporel inalourdi de conscience. Cette attitude morale entraîne alors le plus inconscient des deux vers une spatialité vide où il se décompose en ses éléments premiers et crochus.

La recherche philosophique se poursuit normalement par la rencontre fortuite mais anagogique du même être accompagné de sa réplique inessentielle et couturière, laquelle lui conseille nouménalement de transposer sur le plan de l'entendement le concept de bouton de pardessus situé sociologiquement trop bas.

Apostrophe

Ô stylographe à la plume de platine, que ta course rapide et sans heurt trace sur le papier au dos satiné les glyphes alphabétiques qui transmettront aux hommes aux lunettes étincelantes le récit narcissique d'une double rencontre à la cause autobusilistique. Fier coursier de mes rêves, fidèle chameau de mes exploits littéraires, svelte fontaine de mots comptés, pesés et choisis, décris les courbes lexicographiques et syntactiques qui formeront graphiquement la narration futile et dérisoire des faits et gestes de ce jeune homme qui prit un jour l'autobus S sans se douter qu'il deviendrait le héros immortel de mes laborieux travaux d'écrivain. Freluquet au long cou surplombé d'un chapeau cerné d'un galon tressé, roquet rageur, rouspéteur et sans courage qui fuyant la bagarre allas poser ton derrière moissonneur de coups de pieds au cul sur une banquette en bois durci, soupçonnais-tu cette destinée rhétorique lorsque devant la gare Saint-Lazare tu écoutais d'une oreille exaltée les conseils de tailleur d'un personnage qu'inspirait le bouton supérieur de ton pardessus?

Maladroit

Je n'ai pas l'habitude d'écrire. Je ne sais pas. J'aimerais bien écrire une tragédie ou un sonnet ou une ode, mais il y a les règles. Ça me gêne. C'est pas fait pour les amateurs. Tout ça c'est déjà bien mal écrit. Enfin. En tout cas, j'ai vu aujourd'hui quelque chose que je voudrais bien coucher par écrit. Coucher par écrit ne me paraît pas bien fameux. ça doit être une de ces expressions toutes faites qui rebutent les lecteurs qui lisent pour les éditeurs qui recherchent l'originalité qui leur paraît nécessaire dans les manuscrits que les éditeurs publient lorsqu'ils ont été lus par les lecteurs que rebutent les expressions toutes faites dans le genre de Òcoucher par écritÓ qui est pourtant ce que je voudrais faire de quelque chose que j'ai vu aujourd'hui bien que je ne sois qu'un amateur que gênent les règles de la tragédie du sonnet ou de l'ode car je n'ai pas l'habitude d'écrire. Merde, je ne sais pas comment j'ai fait mais me voilà revenu tout au début. Je ne vais jamais en sortir. Tant pis. Prenons le taureau par les cornes. Encore une platitude. Et puis ce gars-là n'avait rien d'un taureau. Tiens, elle n'est pas mauvaise celle-là. Si j'écrivais: prenons le godelureau par la tresse de son chapeau de feutre mou emmanché d'un long cou, peut-être bien que ce serait original. Peut-être bien que ça me ferait connaître des messieurs de l'Académie française, du Flore et de la rue Sébastien-Bottin. Pourquoi ne ferais-je pas de progrès après tout. C'est en écrivant qu'on devient écriveron. Elle est forte celle-là. Tout de même faut de la mesure. Le type sur la plate-forme de l'autobus, il en manquait quand il s'est mis à engueuler son voisin sous prétexte que ce dernier lui marchait sur les pieds chaque fois qu'il se tassait pour laisser monter ou descendre des voyageurs. D'autant plus qu'après avoir protesté comme cela, il est allé vite s'asseoir dès qu'il a vu une place libre à l'intérieur comme s'il craignait les coups. Tiens j'ai déjà raconté la moitié de mon histoire. Je me demande comment j'ai fait. C'est tout de même agréable d'écrire. Mais il reste le plus difficile. Le plus calé. La transition. D'autant plus qu'il n'y a pas de transition. Je préfère m'arrêter.

Désinvolte

I.

Je monte dans le bus.

– C'est bien pour la porte Champerret?

– Vous savez donc pas lire?

– Excuses.

Il moud mes tickets sur son ventre.

– Voilà.

– Merci.

Je regarde autour de moi.

– Dites donc, vous.

Il a une sorte de galon autour de son chapeau.

– Vous pourriez pas faire attention?

Il a un très long cou.

– Non mais dites donc.

Le voilà qui se précipite sur une place libre.

– Eh bien.

Je me dis ça.

II.

Je monte dans le bus.

– C'est bien pour la place de la Contrescarpe?

– Vous savez donc pas lire?

– Excuses.

Son orgue de Barbarie fonctionne et il me rend mes tickets avec un petit air dessus.

– Voilà.

– Merci.

On passe devant la gare Saint-Lazare.

– Tiens le type de tout à l'heure.

Je penche mon oreille.

– Tu devrais faire mettre un autre bouton à ton pardessus.