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Se débarrasser de Hans Larsen a été un jeu d’enfant. La police va enquêter, mais elle découvrira que des tas de gens avaient d’excellentes raisons de désirer la mort de ce coureur de Hans, avec le même sens de la justice immanente.

Pour la prochaine élimination, toutefois, il devra se montrer plus habile. Trouver un moyen qui ne laisse pas de trace… Un moyen qui n’évoque même pas un meurtre.

Afin d’enrayer la croissance de leurs dépenses de santé publique, la plupart des pays développés ont choisi de privilégier la prévention. Pour identifier les risques propres à chaque patient, rien de tel que de connaître ses antécédents familiaux. Mais à l’origine, tout le monde n’avait pas accès à ces informations.

En 2004, un groupe d’anciens enfants adoptés ont obtenu des instances gouvernementales canadiennes la création d’une banque nationale des dossiers médicaux, « MedBase ». Le principe en est simple : les dossiers sont centralisés afin que tout médecin puisse avoir accès, sous couvert d’anonymat, aux renseignements concernant la famille de n’importe lequel de ses patients – même si, comme il est fréquent dans les cas d’adoption, les personnes en question ignorent leur lien de parenté.

Au bout d’une vingtaine de tentatives infructueuses, le clone trouve enfin le moyen de s’introduire dans MedBase et de là, dans le dossier qui l’intéresse.

Identité : jdesalle

Mot de passe : ellased

Bienvenue ! Welcome !

Santé et Bien-être Social Canada

Health and Welfare Canada

MEDBASE

(1) pour Français

(2) for English

Lieu de résidence du patient (pour consulter la liste, taper L) :

> Ontario

Nom ou numéro de S.S. du patient :

> 33 1834 22 149

Hobson, Catherine R. Correction ? (O/N)

> N

Souhaitez-vous :

(1) Consulter le dossier du patient ?

(2) Rechercher ses antécédents familiaux ?

> 2

Thème de recherche (si vous souhaitez de l’aide, tapez A).

Le clone demande de l’aide et déchiffre les instructions qui s’affichent sur l’écran avant de formuler sa demande :

> Accidents cardio-vasculaires.

Quelques secondes s’écoulent, le temps pour le système d’effectuer sa recherche :

Antécédents décelés.

L’ordinateur liste alors les dossiers de six des parents de Cathy ayant souffert de problèmes cardiaques. Malgré l’anonymat des dossiers, le clone n’a aucun mal à reconnaître Rod Churchill, en se basant sur l’âge auquel est survenu le premier accident coronarien.

Actuellement, Rod prend un traitement pour le cœur ainsi que de la phénelzine. Le clone se branche alors sur MedLine, une base de données médicales, pour se renseigner sur ce dernier médicament.

Cela lui prend du temps et l’oblige à piocher continuellement dans un dictionnaire médical en ligne, mais il finit par trouver.

Son enquête à Doowap Advertising enfin achevée, Sandra Philo s’apprête à regagner son appartement désert. Sur le chemin du retour, elle profite du téléphone de voiture pour procéder à quelques vérifications.

— Carla Wishinski ?

— Oui ? fait une voix sortant d’un haut-parleur.

— Ici l’inspecteur Sandra Philo, de la Metro Police. J’ai juste une question à vous poser.

— Ou… oui, fait l’autre en se troublant. Je vous écoute ?

— Par hasard, vous trouviez-vous avec Cathy Hobson le 10 novembre au matin ?

— Avec Cathy ? Une seconde, j’affiche mon agenda.

On l’entend pianoter au bout du fil.

— Le 10 ? Je crains que non. Cathy a des ennuis ?

— J’ai dit le 10 ? fait Sandra en tournant dans Lawrence West. Pardon, c’était le 14.

— Je ne crois pas… Oh ! attendez. C’est ce jour-là que ma voiture était au garage pour une révision. C’est ça, Cathy est passée me prendre chez moi et m’a amenée au bureau. Elle est si serviable…

— Je vous remercie.

Un truc de métier : d’abord s’assurer que la personne ne va pas mentir d’instinct, pour protéger un ami, puis lui poser la vraie question. Apparemment, Cathy Hobson a un alibi valable. Mais si le meurtre est l’œuvre d’un tueur à gages, cela ne prouve pas grand-chose.

— Autre chose ? demande Carla Wishinski.

— Non, c’est tout. Vous aviez l’intention de quitter la ville prochainement ?

— Euh… oui. Je dois bientôt partir en Espagne… Pour des vacances.

— Dans ce cas, je vous souhaite un bon voyage !

Encore un truc dont elle ne se lasse pas.

Esprit, le clone post mortem, explore le Net en quête de sensations inédites. Tout est si statique, si figé… Oh ! bien sûr, il ne lui faut que quelques minutes pour absorber un livre, mais l’information en elle-même est passive. À la longue, il y a de quoi se lasser.

En prospectant les ordinateurs de Mirror Image, il finit par découvrir la bande de jeux de Sarkar. Il s’essaie alors aux échecs, au Go, au Tetris, au Bollix et à des centaines d’autres, mais en définitive, ce n’est pas mieux que les jeux interactifs du Net. De toute manière, Peter Hobson n’a jamais été joueur. Il a toujours préféré consacrer son énergie à des choses qui en vaillent la peine, au lieu de la gaspiller dans des duels stériles. Esprit poursuit ses investigations, explorant les fichiers l’un après l’autre.

Enfin, il tombe sur un sous-répertoire intitulé VIE ART. Là, il assiste à la lente évolution de plusieurs générations de poissons bleus. Le processus a quelque chose de fascinant. C’est donc ça, la vie, pense-t-il.

La vie…

Enfin, Esprit a trouvé quelque chose qui l’intrigue.

30

Sarkar estime que les clones ont eu tout le temps de s’adapter à leur nouvelle condition et que le moment est venu de leur poser les questions essentielles. Peter et lui-même étant très occupés, il s’écoule encore quelques jours avant qu’ils puissent s’enfermer dans le labo de Mirror Image. Sarkar appelle Ambrotos. Au moment de lancer l’interrogatoire, il se ravise et se retourne vers Peter.

— C’est ton cerveau, après tout. À toi de le questionner.

— Hello, Ambrotos ! fait Peter après s’être éclairci la voix.

— Hello, Peter ! répond la voix synthétique.

— Dis-nous un peu à quoi ressemble l’immortalité ?

Il s’écoule un long moment avant qu’Ambrotos réponde, comme s’il avait d’abord considéré l’éternité dans toute sa durée.

— C’est très… relaxant. Oui, on ne saurait mieux dire.

Un nouveau silence – c’est vrai qu’il n’est pas pressé.

— Je n’avais jamais réalisé à quel point la conscience de vieillir était un facteur de stress. Bien sûr, j’avais déjà entendu des femmes évoquer le tic-tac de leur horloge biologique, mais ce n’est rien au regard de cette autre horloge à laquelle nous sommes tous soumis – les gens comme toi et moi, du moins. Nous savons que le temps nous est compté, alors que nous avons tant à accomplir… La moindre perte de temps nous désole. Pour ma part, je ne ressens plus rien de tel. J’ai toujours envie d’accomplir des choses, mais plus rien ne me presse.