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— Il n’empêche que je n’ai pas tué Hans Larsen.

— Le meurtre semble être l’œuvre d’un professionnel.

— Ce n’est pas moi non plus qui l’ai commandité.

— Je vais être franche avec vous : les services d’un tueur à gages coûtent cher, surtout si on lui demande des… « fioritures ». Cathy et vous gagnez mieux votre vie que la plupart des autres collègues de Hans. Si quelqu’un est à même de s’offrir ce genre de choses, c’est bien vous.

— Peut-être, mais ce n’est pas le cas. Si ça peut vous faire plaisir, je veux bien être soumis au détecteur de mensonge.

— Comme c’est aimable à vous de le proposer ! dit Sandra avec un doux sourire. Justement, j’en ai apporté un.

Un nœud se forme dans la gorge de Peter.

— Ah ?

— Mais oui. C’est même un Veriscan Plus… Une de vos créations, je crois ?

— Oui, répond Peter en plissant les yeux.

— Je suis certaine que vous avez toute confiance en lui. Vous êtes toujours volontaire ?

Peter paraît hésiter.

— Oui, mais seulement si mon avocat est présent.

— Votre avocat ? Pourtant, vous n’êtes pas inculpé !

— C’est bon, dit Peter après avoir réfléchi. Si cela peut mettre un terme à vos soupçons, j’accepte de me soumettre à un test. Mais en l’absence de mon avocat, je ne répondrai qu’à trois questions : Avez-vous tué Hans Larsen ? Avez-vous tué Rod Churchill ? Êtes-vous l’instigateur de leur mort ?

— Il m’en faut plus que ça pour procéder au calibrage de la machine. Vous le savez mieux que moi.

— J’imagine que vous disposez pour ça d’un choix de questions types ? Du moment que vous me promettez de vous y tenir, je répondrai à toutes.

— Bien, dit Sandra en ouvrant son attaché-case.

Le détecteur se trouve à l’intérieur.

— Est-ce que ce type d’appareil ne requiert pas un spécialiste ? interroge Peter en y jetant un coup d’œil.

— Vous devriez mieux lire vos propres brochures, Peter. Grâce à son système expert en IA, celui-ci est à la portée du premier venu.

Puis elle fixe les minuscules capteurs sur l’avant-bras et le poignet de Peter. Ayant sorti un écran plat de l’intérieur de l’attaché-case, elle l’oriente de manière à être seule à le voir. Elle effleure quelques touches avant de lancer l’interrogatoire :

— Comment vous appelez-vous ?

— Peter Hobson.

— Quel âge avez-vous ?

— Quarante-deux ans.

— Où êtes-vous né ?

— À North Battleford, dans le Saskatchewan.

— À présent, mentez-moi. Où êtes-vous né ?

— En Écosse.

— Dites la vérité : quel est le prénom de votre femme ?

— Catherine.

— Mentez : et son second prénom ?

— Euh… Uhura.

— Avez-vous tué Hans Larsen ?

— Non, répond Peter en la regardant droit dans les yeux.

— Avez-vous tué Rod Churchill ?

— Non.

— Êtes-vous l’instigateur de leur mort ?

— Non.

— Avez-vous une idée de qui cela peut être ?

— On avait dit trois questions.

— Oh ! pardon. Mais vous ne verrez sûrement pas d’inconvénient à répondre à une dernière ? Je n’ai pas plus envie de vous suspecter que vous n’aimez être suspect. Je serais très heureuse de pouvoir vous rayer de ma liste.

— C’est bon, répond enfin Peter. Je ne connais aucune personne susceptible d’avoir causé leur mort.

— Je crains de vous avoir perturbé en insistant : l’appareil a enregistré un pic d’activité quand vous avez dit « personne ». Vous voudriez bien répéter votre réponse ?

Peter arrache le capteur de son bras et le jette sur le bureau.

— J’estime avoir déjà fait preuve d’une grande patience, dit-il avec une pointe d’agacement.

Il a conscience d’aggraver son cas et doit lutter pour ne pas céder à l’affolement.

— Je ne répondrai plus à aucune question, prévient-il en ôtant le second capteur.

— Je vous prie encore de m’excuser.

— Ça va, dit-il, prenant sur lui pour ne pas exploser. J’espère que vous avez eu ce que vous vouliez.

— Oh ! mais certainement, répond Sandra en refermant son attaché-case.

Les organismes artificiels d’Esprit ne sont pas longs à former des chaînes de cellules. Très vite, il leur prend même la fantaisie de se dédoubler. Puis ils affectent le tracé d’un U qui se referme peu à peu sur lui-même, formant un sac. Enfin survient un progrès décisif : le sac s’ouvre à ses extrémités, dessinant un cylindre formé d’une double épaisseur de cellules… Le schéma de base de toute vie animale, avec un orifice pour ingérer la nourriture et un autre pour les excréments.

Génération après génération, Esprit continue d’opérer sa sélection.

40

Cela n’a pas été sans mal mais, le 4 décembre, Sandra Philo obtient enfin l’autorisation de placer un transpondeur dans le pare-chocs arrière de la voiture de Peter Hobson. Le juge lui ayant accordé un mandat de dix jours, le transpondeur est équipé d’une puce de la même durée de vie. Les dix jours étant écoulés, Sandra n’a plus qu’à analyser les données recueillies.

Peter a surtout utilisé sa voiture pour aller à son travail, au restaurant (Chez Sonny Gotlieb, entre autres. Elle-même apprécie beaucoup cet endroit) et au centre hospitalier de North York (il fait partie du conseil d’administration). Mais une adresse inconnue apparaît de façon récurrente : le 88, Connie Crescent à Concord. Vérification faite, l’immeuble en question abrite les bureaux de quatre sociétés différentes. En recoupant ses données avec les écoutes des appels téléphoniques passés par Peter (pour ça aussi, il lui a fallu une autorisation), elle relève un numéro domicilié à la même adresse, au nom de Mirror Image.

Elle obtient une pleine page de renseignements sur InfoGlobe : Mirror Image Ltd., fondée en 2001 par Sarkar Muhammed ; entreprise spécialisée dans les systèmes experts et la recherche en intelligence artificielle. Nombreux contrats avec des groupes importants ainsi qu’avec le gouvernement de l’Ontario.

Elle repense alors au test du détecteur de mensonge qu’elle a fait subir à Peter : « Je ne connais aucune personne susceptible d’avoir causé leur mort. » Le détecteur s’était affolé au mot personne. Et voilà que Peter passe une partie de son temps dans un labo d’intelligence artificielle… C’est presque trop énorme, trop dément.

En même temps, Hobson n’a pas lui-même commis les meurtres ; le détecteur l’aurait démasqué.

Il y a longtemps que les législateurs agitaient la menace de ce genre d’affaires. Eh bien, on dirait qu’ils ne s’étaient pas trompés.

Sandra se laisse aller en arrière sur son fauteuil. Il n’y a pas là de quoi obtenir un mandat d’arrêt… Mais de perquisition ?

Elle prend soin de sauvegarder et d’éteindre son ordinateur avant de quitter son bureau.

L’expédition requiert pas moins de cinq véhicules : deux voitures de patrouille avec chacune deux hommes en uniforme, une autre conduite par un officier de liaison du district de York, un véhicule banalisé emmenant Sandra et Jorgenson, plus une estafette pour les cinq analystes et leur matériel.

Le convoi se gare devant le 88, Connie Crescent à 10 h 17. Sandra et les quatre flics en uniforme entrent aussitôt, laissant Jorgenson se concerter avec son équipe.

Le réceptionniste de Mirror Image – un vieil Asiatique – reste bouche bée à leur vue.