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— Je peux vous renseigner ? balbutie-t-il.

— Éloignez-vous de ce terminal, s’il vous plaît. Nous avons un mandat de perquisition, dit Sandra en exhibant le document.

— Je crois que je ferais mieux d’appeler le Dr Muhammed…

— Certainement.

D’un claquement de doigts, elle indique à l’un des flics d’empêcher le réceptionniste d’utiliser son ordinateur pendant qu’elle s’avance. Un homme mince à la peau sombre apparaît au bout du couloir.

— Que puis-je pour vous ? fait-il d’un air inquiet.

— Vous êtes Sarkar Muhammed ? demande Sandra en approchant.

— Oui.

— Inspecteur Philo, de la Metropolitan Toronto Police. Nous soupçonnons que des crimes ont été commis depuis cet établissement. Le mandat que voici me donne autorité pour perquisitionner vos bureaux ainsi que vos systèmes informatiques.

Au même instant, la porte derrière eux s’ouvre à toute volée, livrant passage à Jorgenson et à son équipe.

— Assure-toi que les employés ne touchent à aucun matériel informatique, dit Jorgenson au plus âgé des policiers.

Les flics se déploient alors à l’intérieur du bâtiment. Sur un côté, le couloir est fermé par de larges panneaux vitrés éclairant une salle pleine d’ordinateurs. Jorgenson fait signe à deux de ses hommes.

— Davis, Kato… Pour vous.

Les deux analystes se dirigent vers la porte, mais celle-ci est protégée par une serrure à scanner électronique.

— Notre mandat nous autorise à forcer les portes, explique Sandra à Sarkar. Dans votre intérêt, je vous demande d’ouvrir.

— Nous n’avons rien fait de mal, proteste Sarkar.

— Ouvrez cette porte, s’il vous plaît, répète Sandra d’un ton sans réplique.

— J’exige la présence de mon avocat.

— Très bien. Jones, enfoncez-moi cette porte.

— Non ! s’écrie Sarkar. C’est bon…

Il s’approche de la porte et présente pour identification son pouce au faisceau bleuté du scanner. Le pêne dormant glisse dans la gâche et la porte coulisse. Tandis que Davis se dirige vers l’ordinateur maître, Kato s’attaque à l’inventaire des disques optiques.

— Où se trouve le labo d’IA ? demande Jorgenson à Sarkar.

— Nous n’avons rien fait de mal, s’entête Sarkar.

Au même moment, la tête d’un des policiers en uniforme apparaît au bout du couloir.

— Par ici, Karl !

Jorgenson se précipite, suivi du reste de son équipe. Sandra leur emboîte le pas, en s’attardant pour déchiffrer les inscriptions sur chaque porte. Comme le réceptionniste pointe timidement le nez à l’autre bout du couloir, Sarkar lui lance :

— Téléphonez à Kejavee, mon avocat… Expliquez-lui ce qui nous arrive.

Puis il s’élance à la suite de Jorgenson.

Sarkar travaillait justement au labo d’IA quand le réceptionniste l’a appelé. Le temps d’y retourner, il trouve Jorgenson en train de débrancher le clavier de l’ordinateur principal. Un de ses associés lui tend alors un autre clavier, avec un boîtier d’un noir brillant et des touches argentées : une unité de test.

— Eh ! lui crie Sarkar. Ces systèmes sont fragiles. Faites attention !

Ignorant ses protestations, Jorgenson s’assoit et prend un classeur en vinyle dans son attaché-case. À l’intérieur, tout un assortiment de disquettes, CD-ROM et cartes PCMCIA. Il choisit une de celles-ci, l’insère dans le lecteur puis se met au clavier.

— Du nanan, commente-t-il, visiblement impressionné. Cinq cent douze giga-octets de mémoire vive, cinq coprocesseurs en parallèle, architecture à bus multiples…

Il éjecte la carte et attaque le contenu du répertoire.

— Vous cherchez quoi, au juste ? interroge Sarkar.

— Tout et n’importe quoi, lui répond Sandra qui vient d’entrer. Des problèmes ? demande-t-elle à Jorgenson.

— Pas pour le moment. Comme il était déjà en session, on n’a même pas eu à chercher le mot de passe.

L’air de rien, Sarkar se dirige vers une autre console, celle-ci équipée d’un micro.

— Ouvrir session, murmure-t-il. Utilisateur : Sarkar.

— Bienvenue, Sarkar. Clore session ?

— Ne faites pas ça, lui conseille Sandra Philo en lui enfonçant la crosse de son tétaniseur dans le bas du dos.

Puis elle étend le bras et débranche le micro. Kawalski – l’officier de police de York – choisit ce moment pour apparaître sur le seuil.

— Ils ont un fauteuil de coiffeur à l’étage, lance-t-il à la cantonade. Vous faites des coupes de cheveux pour arrondir vos fins de mois ? ajoute-t-il en regardant Sarkar.

— C’est un fauteuil de dentiste.

— Sans doute la salle du scanner, remarque Jorgenson, les yeux rivés à l’écran.

Puis il ajoute à l’intention de Sarkar :

— J’ai beaucoup aimé votre article dans le dernier numéro de L’Actualité de la recherche en intelligence artificielle. Quand j’en aurai terminé ici, j’irai poursuivre là-haut mes investigations.

Sarkar pousse un soupir exaspéré.

— Si vous vouliez bien me dire ce que vous cherchez…

— Merde ! s’écrie alors Jorgenson. Des banques de données chiffrées !

— Vous voulez bien nous donner les clés d’accès ? demande Sandra à Sarkar.

Trop heureux de l’importance qui lui est soudain conférée, Sarkar répond :

— Je ne crois pas que vous ayez les moyens de m’y contraindre.

Jorgenson se lève de son tabouret. Sans qu’un mot ait été échangé, un second analyste – une femme – prend sa place.

— Ça ne fait rien, grogne Jorgenson. Valentina a travaillé pour le K.G.B., du temps où il existait encore. Il n’y a pas grand-chose qui lui résiste.

Valentina introduit une nouvelle carte dans le lecteur et tape furieusement avec deux doigts. Au bout de quelques minutes, elle lève vers Sarkar un visage où se lit une amère déception. Sarkar, lui, se rengorge : après tout, elle n’est pas si fortiche que ça… Puis il comprend la raison de son dépit et son cœur se soulève : le défi n’était simplement pas à la hauteur de ses espérances.

— L’algorithme de Hunsacker, dit-elle avec un fort accent. Vous n’avez rien trouvé de plus performant ?

Encore quelques touches frappées et l’écran, jusque-là envahi de charabia, se couvre de lignes en anglais. Valentina cède sa place à Jorgenson. Celui-ci sauvegarde l’écran puis substitue une de ses cartes à celle de Valentina.

— Début de recherche, annonce-t-il.

L’écran affiche un tableau impressionnant d’informations.

— Il va falloir un bout de temps pour vérifier tout ça, dit-il en se levant. Je vais en profiter pour jeter un coup d’œil à ce scanner.

Ce soir-là, Peter a une réunion de prévue à l’hôpital. Plutôt que de passer la matinée au bureau à jouer à cache-cache avec le téléphone, il a décidé de rester travailler chez lui. Toutefois, il a un peu de mal à se concentrer. En principe, Sarkar devrait avoir terminé le virus aujourd’hui. De son côté, il lui en coûte de rester les bras croisés. Sur le coup de 10 h 30, il se connecte sur l’ordinateur de Mirror Image, dans l’espoir d’y trouver des indices qui lui permettraient de remonter jusqu’aux clones.

Il commence par taper QUI, histoire de voir si Sarkar est également en ligne (si c’est le cas, il lui enverra un courrier pour lui dire bonjour). Il l’est. En suivant, il tape QUOI pour savoir ce qu’il fabrique. Si c’est une tâche non prioritaire, il est probable qu’il ne sera même pas devant sa console et il perdrait alors son temps à lui adresser un courrier.

Il obtient l’écran suivant :