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Peter raccroche. Il doit bien y avoir moyen de…

L’annuaire des rues de la ville ! À l’origine, il était conçu pour retrouver un nom à partir d’une adresse mais grâce aux CD-ROM à accès direct, l’inverse est désormais possible. Peter appelle aussitôt la bibliothèque publique de North York.

— Allô ? fait une voix de femme.

— Bonjour. Avez-vous l’annuaire des rues de la ville ?

— Oui.

— Pourriez-vous me donner l’adresse d’Alexandria Philo, s’il vous plaît ? P-H-I-L-O.

— Une seconde, monsieur. Je n’ai rien à A. Philo, reprend-elle au bout d’un moment. Le seul Philo que j’aie trouvé se prénomme Sandy.

Sandy… Un autre diminutif d’Alexandria, mais asexué. Une précaution évidente de la part d’une femme intelligente et vivant seule.

— Quelle est la profession de Sandy Philo ?

— Il est juste indiqué « fonctionnaire ».

— C’est elle. L’adresse, je vous prie ?

— 216, Melville Avenue.

— Et le téléphone ?

— Il est en liste rouge.

— Je vous remercie, dit-il avant de raccrocher. Comme il ignore où se trouve Melville Avenue, il appelle le plan de la ville à l’écran. C’est là, dans le secteur de Don Mills, à une vingtaine de minutes en voiture. Il est possible qu’il se trompe ou qu’il s’affole inutilement, néanmoins…

Il saute dans sa voiture et démarre en trombe.

43

Tout en conduisant, Peter cherche les failles de son raisonnement, mais plus il le fouille, plus il gagne en consistance. Étant de repos, il est probable que Sandra ne sera pas armée. Les conditions idéales pour tuer un flic.

La circulation est dense. Peter klaxonne à tout va. Bien que le plan du quartier soit affiché sur l’écran du tableau de bord, il trouve le moyen de s’engager dans un cul-de-sac et fait demi-tour en jurant. Il se comporte en vrai chauffard, il en est conscient, mais seul lui importe d’avertir Sandra du danger qu’elle court peut-être. Pour ce qui est de se protéger, il lui fait confiance ; elle n’est pas flic pour rien.

Enfin, il atteint Melville Avenue. Le 216 est une modeste maison de ville. La pelouse a besoin d’être tondue. Une camionnette d’United Parcel Service est rangée devant.

Peter se gare au pied d’un panneau interdisant le stationnement avant 18 heures.

Il lève les yeux vers la maison. La porte est fermée. Bizarre : où est donc le livreur ?

Son cœur s’emballe : et si le tueur était dans la place ?

Voilà que sa paranoïa le reprend. Pourtant…

Il descend de voiture, ouvre le coffre avec des gestes fébriles puis s’approche de la maison en serrant son cric.

Au moment de sonner, il entend du bruit au-dedans : quelque chose vient de s’écraser par terre.

Il presse le bouton.

Pas de réponse.

À Dieu vat ! Une haute et étroite vitre longe le panneau de la porte. Peter abat son cric de toutes ses forces. Le verre se fêle. Au deuxième coup, il vole en éclats. Peter passe le bras à l’intérieur, déverrouille la porte et entre.

D’un coup d’œil, il s’efforce d’enregistrer chaque détail de la scène : une volée de marches sépare l’entrée du salon. En haut, un grand type en uniforme de livreur tient dans ses mains un objet qui évoque vaguement un gros portefeuille en plastique gris. Sandra Philo gît sur le sol à ses pieds, morte ou inconsciente. Près d’elle, les débris d’un grand vase qu’elle a dû entraîner dans sa chute – sans doute le bruit qu’il a entendu du dehors.

Le type lève son arme en visant Peter.

Celui-ci hésite à peine un quart de seconde, puis il lance son cric qui tournoie dans les airs.

Le pseudo-livreur presse un bouton sur son arme, mais Peter plonge au sol. Au même moment, l’autre reçoit le cric en pleine tête et s’effondre sur Sandra.

Peter est bien tenté de prendre la fuite, mais il n’en est pas question. D’une enjambée, il franchit les quelques marches, ramassant au passage l’arme que le tueur, sonné, a laissée tomber. Il ignore tout de son fonctionnement, mais il remarque alors le revolver de service de Sandra, dépassant d’un holster accroché au dossier d’une chaise à quelques mètres de là. Peter fourre l’arme mystérieuse dans sa poche et s’empare du revolver. Debout au centre de la pièce, il vise le tueur qui se relève lentement.

— Stop ! lui crie-t-il. Plus un geste ou je tire !

L’autre se frotte le front.

— Tu ferais pas ça, mon vieux, dit-il avec un fort accent australien.

Peter réalise alors qu’il ne sait même pas si le revolver est chargé. Et à supposer qu’il le soit, saurait-il s’en servir ?

— N’approchez pas !

Mais l’autre fait un pas dans sa direction.

— Allons, mon vieux… Ne te mêle pas de ça.

— Je sais que c’est vous qui avez tué Hans Larsen, et que vous avez reçu cent vingt-cinq mille dollars pour ça.

Pour le coup, le tueur semble désarçonné.

— Qui es-tu ? demande-t-il en continuant d’approcher.

— Restez où vous êtes ! lui crie Peter. Sinon, je tire.

Il jette un coup d’œil furtif au revolver. Là, ce doit être le cran de sûreté. L’ayant ôté, il lève le canon de l’arme.

— Reculez ou je tire ! hurle-t-il sans se rendre compte que c’est lui qui bat en retraite.

— T’as pas les couilles pour ça, dit l’autre en avançant pas à pas. Donne-moi ce flingue et je te laisse filer.

— Stop ! S’il vous plaît, arrêtez !

Comme l’homme étend le bras vers lui, Peter ferme les yeux… et tire !

La détonation est assourdissante.

Le tueur s’écroule. Une longue éraflure sanglante lui barre la tempe droite.

— Ô mon Dieu ! gémit Peter, choqué.

Le tueur est à présent étalé sur le sol, mort ou évanoui, tout comme Sandra.

Peter a la tête qui tourne et les oreilles qui tintent. Il parvient néanmoins à s’approcher de Sandra afin de l’examiner : nulle trace de blessure. Bien que respirant encore, elle n’est toujours pas revenue à elle.

Peter retourne dans le hall. L’écran du visiophone est couvert de chiffres. Peter reconnaît le logo de la Royal Bank of Canada : Sandra devait effectuer une opération à distance quand elle a été dérangée par le faux livreur.

Au moment où il interrompt la liaison, le tueur apparaît sur le seuil. Le sang a séché sur son estafilade et dessous, on voit briller du métal… Un immortel ! Il a les moyens, ce fumier.

Peter n’a pas lâché le revolver. Instinctivement, il le braque sur le tueur.

— Tu vas me dire qui tu es ? grogne celui-ci, dévoilant des dents jaunies.

— C’est moi qui vous ai engagé.

— Tu te fous de ma gueule ?

— Pas du tout. Je vous ai contacté par e-mail. Je vous ai payé cent vingt-cinq mille dollars pour Hans Larsen et cent mille pour cette femme. Mais j’ai changé d’avis. Je ne veux plus qu’elle meure.

— Tu es Vengeur ? C’est toi qui m’as demandé de couper la bite de l’autre type ?

Seigneur ! C’était donc ça, la mutilation en question.

— Oui, dit-il en ravalant sa nausée.

— Je devrais te flinguer pour ce que tu m’as fait, remarque l’Australien en se frottant le crâne.

— Vous n’avez qu’à garder les cent mille dollars. Maintenant, fichez le camp d’ici.

— Manquerait plus que ça, que je doive les rendre ! Merde, j’ai fait mon boulot.

Durant de longues secondes, l’Australien continue de jauger Peter, se demandant s’il va à nouveau se servir de son arme ou s’il mérite la mort pour lui avoir tiré dessus.

— Je sais qu’il m’est impossible de tuer un immortel, lui dit Peter. Mais je pourrais vous retarder le temps que la police arrive. J’imagine que la perspective d’une condamnation à perpétuité a de quoi vous terrifier…