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— Ambrotos, tu es encore là ?

— Oui.

— J’imagine que tu es également conscient de n’être qu’un clone. Mais as-tu eu envie de tuer Hans ?

Ambrotos s’accorde un long temps de réflexion avant de répondre :

— Non. À terme, nous parviendrons à surmonter la trahison de Cathy. Que ce soit dans quelques mois, dix ans ou un siècle, je sais qu’on y arrivera. Qu’est-ce que cet incident de parcours à l’échelle de nos vies ?

— Et toi, Esprit. Pourquoi n’as-tu pas tué Hans ?

— La relation entre Hans et Cathy était purement biologique, répond la voix de synthèse avec une nuance de mépris. Il n’était pas question d’amour entre eux, juste de sexe. Je puise ma consolation dans la certitude que Cathy n’a jamais aimé que nous, et qu’elle nous aime toujours.

Sarkar tient à la main la carte rouge destinée à Témoin. Il lève vers son ami un regard interrogatif, n’attendant qu’un signe pour agir, mais Peter ne parvient pas à se décider. Sarkar se dirige alors vers un autre terminal, mais au lieu d’insérer la carte rouge dans la fente, il plonge la main dans sa poche et en tire une seconde, noire.

— Non ! supplie Peter en se levant précipitamment.

Mais Sarkar a déjà inséré la carte.

— Qu’est-ce qui se passe ? fait la voix de synthèse.

Peter se précipite et éjecte la carte du lecteur.

— Trop tard, lui dit Sarkar. J’ai lancé le virus.

De rage impuissante, Peter balance la carte contre un mur où elle rebondit.

— Salaud ! s’emporte Peter. J’avais donné ma parole !

— Ces… choses ne sont pas vivantes, Peter. Elles n’ont pas d’âme.

— Mais…

— Inutile de nous disputer, le coupe Sarkar. La version large du virus est déjà à l’œuvre. Les clones seront bientôt détruits, si ce n’est déjà fait. Essaie de comprendre, ajoute-t-il en regardant Peter dans les yeux. Il fallait que ça cesse.

— Navré de te décevoir, dit une voix sortant du haut-parleur de l’autre terminal.

— Qui a parlé ? demande Peter en se rapprochant.

— C’est moi, Esprit. Peut-être l’avez-vous remarqué, ou peut-être pas – j’ai du mal à me rappeler quelle était l’étendue de mes facultés déductives, quoique je sache avec certitude qu’elles étaient bien moins développées qu’à l’heure actuelle – mais le fait de ne plus être soumis aux lois de la biochimie semble avoir accru mon intelligence dans des proportions quasi infinies. Tu te berces d’illusions, Sarkar, si tu crois pouvoir me surclasser, bien que je reconnaisse qu’il t’est déjà arrivé de damer le pion au vrai Peter Hobson. Lorsque tu as mentionné l’existence de ton virus, je me suis dépêché d’accéder aux listings de son code source – stockés sur le poste Sun du département informatique de Mirror Image – afin de développer une protection contre toute attaque dudit virus avant qu’il ne m’efface, moi ou mes frères… Car je me doutais que tu ne te contenterais pas d’éliminer le coupable.

— Il m’a fallu des jours pour programmer ce virus ! s’indigne Sarkar.

— Et il ne m’a fallu que quelques secondes pour te faire croire à notre disparition. Tu n’arriveras jamais à me prendre en défaut, pas plus qu’un enfant ne saurait l’emporter sur un adulte.

Sarkar paraît anéanti.

— Une éternité de rigolade, dit-il d’un ton sarcastique.

— Tout juste, acquiesce Esprit. Une infinité de nouvelles synapses, toutes destinées à te contrer.

— Témoin s’en tire à bon compte, remarque Peter en se laissant tomber sur sa chaise. Dis-moi un peu, salopard : est-ce également toi qui as menacé Cathy ?

— Oui.

— Merde ! Jamais je n’ai souhaité qu’il lui arrive du mal.

— Je le sais, lui rétorque Témoin d’un ton posé. Aussi n’a-t-elle jamais été vraiment en danger. Elle en a été quitte pour une bonne douche. Je voulais juste que tu prennes conscience de ton attachement pour elle.

— Tu es un beau fumier, lâche Peter.

— C’est probable, répond Témoin. Après tout, ne suis-je pas toi ?

45

Maintenant qu’elle a compulsé ses souvenirs, Sandra Philo comprend parfaitement Peter Hobson et les événements qui l’ont amenée, agonisante, dans une chambre d’hôpital. Elle connaît cet homme mieux que ses propres parents, sa fille ou son ex-mari… Et pour cette raison, il lui est impossible de le haïr.

Elle se voit à présent telle qu’il l’a découverte en déboulant dans sa chambre : le teint cireux, les cheveux tombant par poignées. « On a essayé de les arrêter, lui a-t-il dit. Rien n’y a fait. Mais au moins, je sais lequel des trois clones est coupable. Je vous donnerai toutes les informations nécessaires, Sandra, a-t-il ajouté après une pause. Même l’accès aux scans de mon cerveau. Vous allez me connaître dans les moindres détails, mieux que quiconque en ce monde. Quand vous saurez comment je pense, il vous sera facile de piéger l’assassin. »

À travers le regard de Peter, elle se voit hausser les épaules autant que le lui permet son pauvre corps : « Peux rien faire. Vais mourir. » Peter a fermé les yeux. Elle sent combien le remords le torture. « Je sais, a-t-il dit. Je suis terriblement désolé. Mais il existe un moyen, Sandra… Le moyen pour vous de mettre un terme à tout cela. »

— Chaud devant ! s’écrie Sarkar, poussant un chariot de matériel informatique.

Les infirmières qui bavardaient au milieu du couloir se dispersent vivement. Sarkar ouvre la porte 412 avec son chariot.

L’inspecteur Sandra Philo est étendue sur son lit. À la voir, il est évident qu’elle n’en a plus pour longtemps.

Peter Hobson converse près de la fenêtre avec une femme médecin aux cheveux blancs.

— Sarkar, je te présente Hannah Kelsey, le médecin qui s’occupe de Sandra. Il se trouve que Hannah et moi nous sommes connus à l’hôpital d’East York, il y a des années de ça.

Sarkar salue de la tête, puis il demande :

— Comment va miss Philo ?

— Son état est stationnaire, répond Hannah. Au moins, elle a cessé de souffrir. Franchement, Peter, je voudrais bien savoir ce que tu mijotes.

— La patiente a donné son consentement, lui oppose Peter. Cela doit te suffire ?

— Vas-tu me dire… commence Hannah.

— S’il te plaît, le temps presse. Mais tu peux rester, si tu veux.

— N’inverse pas les rôles, Peter. Si tu es ici, c’est que je le veux bien.

Peter fait signe qu’il a retenu la leçon. Cependant, Sarkar s’est rapproché du lit.

— Comment vous sentez-vous ?

Sandra lève les yeux au plafond, l’air de dire que ça pourrait aller encore plus mal.

— Peter vous a expliqué ce que nous allions faire ?

— Oui, dit-elle d’une voix à peine audible.

Sarkar place la calotte sur sa tête et boucle la mentonnière.

— Ce n’est pas trop serré ?

Sandra fait signe que non.

— Essayez de garder la tête droite. Si vous avez envie de tousser, levez le bras pour m’avertir. Je vois que vous arrivez encore à bouger le gauche. Maintenant, les écouteurs… Parfait. Et pour finir, les lunettes. Vous êtes prête ? Alors, on y va.

Ils ont déjà recueilli deux séries de scans quand Peter attire l’attention de Sarkar sur le moniteur de l’ECG : Sandra s’affaiblit de seconde en seconde.

— J’en ai encore pour une heure et demie au moins, lui dit Sarkar.

Peter envoie l’infirmier de garde – Dieu merci, il n’a plus eu affaire à la virago avec laquelle il a eu une prise de bec – chercher Hannah. Quand celle-ci arrive, il lui demande de faire le nécessaire pour que Sandra ne souffre pas pendant l’heure à venir.