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Dans la réalité où vivent Peter et Cathy, la meilleure stratégie de survie a toujours consisté à semer ses gènes à tous les vents. Cette règle de conduite a prévalu parmi l’humanité – et presque toutes les autres formes de vie terrestre – depuis son origine.

Mais cette réalité procède du pur hasard. Pour autant qu’Esprit le sache, l’évolution de la vie sur terre s’opère sans but ni dessein, au gré des modifications de l’environnement.

Dans son univers à lui, la sélection naturelle n’a pas lieu d’être. L’évolution n’obéit qu’à un seul guide : lui.

Cette vie artificielle a acquis une pensée, un langage, une culture. Pour ce qui est de la nuance et de la complexité, les êtres qui la composent rivalisent sans mal avec les Hommes. Mais ils diffèrent de ceux-ci sur un point essentiel : pour les enfants d’Esprit, la seule tactique valable, celle qui assure la conservation des gènes d’une génération sur l’autre, consiste à ne pas rompre le lien primordial entre les individus.

Que d’efforts patients il lui a fallu pour parvenir à ce résultat ! Des êtres par essence monogames, vivant dans une symbiose qui ne craint ni la tromperie, ni la trahison… Sur le plan macrocosmique, Esprit a eu la surprise de constater que ses créatures ignoraient la guerre et la tentation de s’emparer du bien d’autrui.

Esprit contemple le monde qu’il a créé, le monde dont il est le dieu, et tout à coup, il éprouve la nostalgie d’une action requérant des os, des muscles, de la chair : pour la première fois depuis longtemps, Esprit a envie de sourire.

Épilogue

Peter et Catherine Hobson auront la chance de vivre encore cinq décennies ensemble. Cinquante années de peines et de joies, d’épreuves et de bonheurs, dont ils auront savouré chaque seconde. Mais comme tout a une fin, le 29 avril 2062, Cathy Hobson décède dans son sommeil.

Comme bien souvent chez les vieux couples, trois semaines plus tard, Peter Hobson ressent une brusque douleur dans la poitrine alors qu’il se trouve seul chez lui. Le voyant chanceler, l’ordinateur domestique appelle aussitôt une ambulance, quoiqu’il lui semble peu probable que celle-ci arrive à temps.

Peter roule sur le flanc. La douleur est intenable.

Le choix de Hobson, songe-t-il. Le cheval le plus près de la porte. Et voilà que celle-ci s’entrouvre devant lui…

La douleur disparaît, aussi subitement qu’elle était venue.

Peter comprend que son cœur est en train de flancher. La panique le gagne, mais elle aussi se retire, comme si elle concernait un autre que lui.

Et brusquement, tout bascule.

Il ne voit plus, n’entend plus, ne perçoit plus rien – ni goût, ni odeur, ni contact, ni même la sensation indicible et si humaine de posséder un corps.

Il ne ressent plus rien, sauf… un tropisme, une force qui l’attire vers quelque chose… Quelque chose de vaste et de lointain.

Il est toujours Peter Hobson, ingénieur, homme d’affaires et… beaucoup plus encore.

C’est bien ça : son nom est Hobson… Peter G. Hobson. Le G est l’initiale de… Peu importe. Il se rappelle…

Rien. Il a tout oublié. Normal : la mémoire est un pur phénomène chimique, lié aux synapses. La liaison avec son support de stockage est interrompue.

Il – ou plutôt, ça – n’est plus qu’un intellect privé de souvenirs, d’hormones, d’endorphines et de toutes ces autres substances dont il a oublié le nom. Délié des contingences chimiques, divorcé du biologique, coupé de la réalité matérielle.

Qu’est-ce qui subsiste d’une personne une fois qu’on l’a privée de son corps et de son cerveau ? Son essence même… son noyau. Son âme.

Une âme sans sexe, ni identité, ni mémoire. Et pourtant…

Son objectif n’est plus très éloigné. L’âme perçoit une intense vibration, émanant de centaines – plutôt de milliers, non : de milliards – de particules œuvrant en symbiose.

Alors, elle comprend. La réponse à toutes les questions qu’elle a pu se poser se trouve là, devant elle. Elle sait à présent ce qu’elle est : une miette, un fragment, une minuscule parcelle d’un bloc fondamentalement indivisible.

Un atome de Dieu.

Enfin, l’âme achève son voyage et se fond dans l’immensité, pour toujours unie à tout ce qui fut ou sera jamais humain.

Ni l’enfer ni le paradis, mais une famille.

Remerciements

Ce roman a vu le jour grâce à un certain nombre de bonnes âmes, parmi lesquelles Christopher Schelling et John Silbersack, des éditions HarperCollins, Stanley Schmidt d’Analog et mon agent Richard Curtis. Les conseils du Dr David Gotlib m’ont été d’un grand secours. Les réactions de mes confrères et consœurs Barbara Delaplace, Terence M. Green, Edo van Belkom et Andrew Weiner m’ont grandement encouragé, de même que les avis si pertinents de mes amis Shaheen Hussain Azmi, Asbed Bedrossian, Ted Bleaney, David Livingstone Clink, Richard Gotlib, Howard Miller et Alan B. Sawyer. Un merci tout particulier à l’Ontario Arts Council pour la bourse qui m’a permis d’écrire ce roman. Enfin, merci du fond du cœur à ma femme, Carolyn Clink.

Photocomposition Assistance 44-Bouguenais

Achevé d’imprimer en Europe (Angleterre) par Cox and Wyman à Reading le 20 mars 1998

Dépôt légal mars 1998. ISBN 2-290-04703-1

1er dépôt légal dans la collection : déc. 1997

Éditions J’ai lu

84, rue de Grenelle, 75007 Paris

Diffusion France et étranger : Flammarion