Un Paon se plaignait à Junon de n’avoir pas le chant agréable comme le Rossignol. Junon lui dit: – Les Dieux partagent ainsi leurs dons, il te surpasse en la douceur du chant, tu le surpasses en la beauté du plumage. -
L’un est bien fait, l’autre est galant,
Chacun pour plaire a son talent.
Le perroquet et le singe
Un Perroquet se vantait de parler comme un homme: – Et moi, dit le Singe, j’imite toutes ses actions. – Pour en donner une marque, il mit la chemise d’un jeune garçon qui se baignait là auprès, où il s’empêtra si bien que le jeune garçon le prit et l’enchaîna.
Il ne faut se mêler que de ce qu’on sait faire,
Bien souvent on déplaît pour chercher trop à plaire.
Le singe juge
Un Loup et un Renard plaidaient l’un contre l’autre pour une affaire fort embrouillée. Le Singe qu’ils avaient pris pour Juge, les condamna tous deux à l’amende, disant qu’il ne pouvait faire mal de condamner deux aussi méchantes bêtes.
Quand deux amants en usent mal,
Ou que l’un et l’autre est brutal,
Quelques bonnes raisons que chacun puisse dire
Pour être préféré par l’objet de ses voeux
La Belle doit en rire
Et les chasser tous deux.
Le rat et la grenouille
Une Grenouille voulant noyer un Rat, lui proposa de le porter sur son dos par tout son marécage, elle lia une de ses pattes à celle du Rat, non pas pour l’empêcher de tomber, comme elle disait; mais pour l’entraîner au fond de l’eau. Un Milan voyant le Rat fondit dessus, et l’enlevant, enleva aussi la Grenouille et les mangea tous deux.
De soi la trahison est infâme et maudite,
Et pour perdre un rival, rien n’est si hasardeux,
Quelque bien qu’elle soit conduite,
Elle fait périr tous les deux.
Le lièvre et la tortue
Un Lièvre s’étant moqué de la lenteur d’une Tortue, de dépit elle le défia à la course. Le Lièvre la voit partir et la laisse si bien avancer, que quelques efforts qu’il fît ensuite, elle toucha le but avant lui.
Trop croire en son mérite est manquer de cervelle,
Et pour s’y fier trop maint amant s’est perdu.
Pour gagner le coeur d’une Belle,
Rien n’est tel que d’être assidu.
Le loup et la grue
Un Loup pria une Grue de lui ôter avec son bec un os qu’il avait dans la gorge, elle le fit et lui demanda récompense: – N’est-ce pas assez, dit le Loup, de ne t’avoir pas mangée? -
Servir une ingrate beauté,
C’est tout au moins peine perdue,
Et pour prétendre en être bien traité,
Il faut être bien Grue.
Le milan et les oiseaux
Un Milan feignit de vouloir traiter les petits Oiseaux le jour de sa naissance, et les ayant reçus chez lui les mangea tous.
Quand vous voyez qu’une fine femelle,
En même temps fait les yeux doux
À quinze ou seize jeunes fous,
Qui tous ne doutent point d’être aimés de la Belle,
Pourquoi vous imaginez-vous
Qu’elle les attire chez elle
Si ce n’est pour les plumer tous.
Le singe roi
Un Singe fut élu Roi par les Animaux, pour avoir fait cent singeries avec la couronne qui avait été apportée pour couronner celui qui serait élu. Un Renard indigné de ce choix, dit au nouveau Roi qu’il vînt prendre un trésor qu’il avait trouvé. Le Singe y alla et fut pris à un trébuchet tendu où le Renard disait qu’était le trésor.
Savoir bien badiner est un grand avantage
Et d’un très grand usage,
Mais il faut être accort, sage, discret et fin,
Autrement l’on n’est qu’un badin.
Le renard et le bouc
Un Bouc et un Renard descendirent dans un puits pour y boire, la difficulté fut de s’en retirer; le Renard proposa au Bouc de se tenir debout, qu’il monterait sur ses cornes, et qu’étant sorti il lui aiderait. Quand il fut dehors, il se moqua du Bouc, et lui dit: – Si tu avais autant de sens que de barbe, tu ne serais pas descendu là, sans savoir comment tu en sortirais. -
Tomber entre les mains d’une Coquette fière,
Est un plus déplorable sort,
Que tomber dans un puits la tête la première,
On est bien fin quand on en sort.
Le conseil des rats
Les Rats tinrent conseil pour se garantir d’un Chat qui les désolait. L’un d’eux proposa de lui pendre un grelot au cou; l’avis fut loué, mais la difficulté se trouva grande à mettre le grelot.
Quand celle à qui l’on fait la cour,
Est rude, sauvage et sévère;
Le moyen le plus salutaire,
Serait de lui pouvoir donner un peu d’amour,
Mais c’est là le point de l’affaire.
Le singe et le chat
Le Singe voulant manger des marrons qui étaient dans le feu, se servit de la patte du Chat pour les tirer.
Faire sa cour aux dépens d’un Rival,
Est à peu près un tour égal.
Le renard et les raisins
Un Renard ne pouvant atteindre aux Raisins d’une treille, dit qu’ils n’étaient pas mûrs, et qu’il n’en voulait point.
Quand d’une charmante beauté,
Un galant fait le dégoûté,
Il a beau dire, il a beau feindre,
C’est qu’il n’y peut atteindre.
L’aigle et le lapin
L’Aigle poursuivant un Lapin, fut priée par un Escarbot de lui donner la vie, elle n’en voulut rien faire, et mangea le Lapin. L’Escarbot par vengeance cassa deux années de suite les oeufs de l’Aigle, qui enfin alla pondre sur la robe de Jupiter. L’Escarbot y fit tomber son ordure. Jupiter voulant la secouer, jeta les oeufs en bas, et les cassa.
Ce n’est pas assez que de plaire
À l’objet dont votre âme a ressenti les coups:
Il faut se faire aimer de tous;
Car si la soubrette est contraire,
Vous ne ferez jamais affaire
Quand la Belle serait pour vous.
Le loup et le porc-épic
Un Loup voulait persuader à un Porc-Épic de se défaire de ses piquants, et qu’il en serait bien plus beau. – Je le crois, dit le Porc-Épic, mais ces piquants servent à me défendre. -
Jeunes beautés, chacun vous étourdit,
À force de prôner que vous seriez plus belles,
Si vous cessiez d’être cruelles,
Il est vrai, mais souvent c’est un Loup qui le dit.
Le serpent à plusieurs têtes
Deux Serpents l’un à plusieurs têtes, l’autre à plusieurs queues, disputaient de leurs avantages. Ils furent poursuivis; celui à plusieurs queues se sauva au travers des broussailles, toutes les queues suivant aisément la tête. L’autre y demeura, parce que les unes de ses têtes allant à droite, les autres à gauche, elles trouvèrent des branches qui les arrêtèrent.
Écouter trop d’avis est un moyen contraire,
Pour venir à sa fin,
Le plus sûr, en amour, comme en toute autre affaire,
Est d’aller son chemin.
La petite souris, le chat, et le cochet
Une petite Souris ayant rencontré un Chat et un Cochet, voulait faire amitié avec le Chat; mais elle fut effarouchée par le Cochet qui vint à chanter. Elle s’en plaignit à sa mère, qui lui dit: – Apprends que cet animal qui te semble si doux, ne cherche qu’à nous manger, et que l’autre ne nous fera jamais de mal. -