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Du Corroyeur et du Financier.

Un Corroyeur vint se loger proche d’un Financier. Celui-ci, qui ne pouvait supporter la mauvaise odeur des peaux de son Voisin, lui intenta procès et voulut l’obliger à s’éloigner de son voisinage. L’autre se défendit, appela de vingt sentences, chicana; en un mot il fit si bien que l’affaire traîna en longueur. Cependant le Financier s’accoutuma à l’odeur, et si bien, qu’après avoir regretté l’argent qu’il avait consumé mal à propos à plaider, il souffrit son Voisin, et ne s’en plaignit plus.

D’un jeune Homme et de sa Maîtresse.

Un jeune Cavalier accourut au logis d’une Femme qu’il aimait éperdument. Sitôt qu’il y fut entré, il quitta son manteau, puis il se mit à parler de son amour, et passa ainsi la journée avec sa Belle. Le soir, comme il se retirait, l’autre lui fit entendre qu’elle avait besoin de quelque argent pour faire certaines emplettes: le Galant lui ouvrit sa bourse et aussitôt on la lui prit toute entière. Un moment après, la Dame eut si grande envie de la bague qu’il portait au doigt, qu’elle la lui demanda et l’eut. Alors le Cavalier, qui n’avait plus rien à donner, remit son manteau sur ses épaules, prit congé d’elle et sortit. Cependant, la Belle fondait en larmes et se désespérait. À ses cris, une de ses voisines, qui avait remarqué le départ du jeune Homme, accourut, et crut la consoler, en lui disant que son Amant ne tarderait guère à revenir. – Hé, ma chère! s’écria l’autre toute désolée, ce n’est pas la personne que je regrette, c’est ce manteau que je lui vois remporter. -

Du Chien du Maréchal.

Le Chien d’un Maréchal avait coutume de s’endormir au pied de l’enclume de son Maître. Celui-ci avait beau y battre et rebattre son fer à grands coups de marteau, jamais le Chien ne s’en éveillait. Tout au contraire, le Maréchal avait-il quitté son ouvrage, et commencé à prendre son repas, le Chien, au seul bruit qu’on faisait en mangeant, était d’abord sur pied, et courait vite à la table.

Du Berger et de la Brebis.

Un Berger, sa houlette à la main, en frappait rudement une de ses Brebis. – Je vous donne de la laine et du lait, s’écriait celle-ci. Quand je ne vous fais que du bien, ingrat, avez-vous bien le coeur de ne me faire que du mal? – Ingrate vous-même, repartit le Berger d’un ton hautain, vous qui ne me tenez point compte de la vie que ma bonté vous laisse, quand il ne tient qu’à moi de vous l’ôter chaque instant. -

D’une jeune Veuve.

Une jeune Femme vit mourir son Époux, et en parut inconsolable. Comme elle se désolait, son Père, Homme de sens, l’aborda, et feignit qu’un de ses voisins la demandait en mariage. Il le lui représenta jeune, bien fait, spirituel; en un mot, si propre à lui faire oublier celui qu’elle venait de perdre qu’elle ouvrit l’oreille, écouta, et pleura moins. Bientôt elle ne pleura plus. Enfin, comme elle vit que son Père, content de la voir moins affligée, se retirait en gardant le silence sur l’article qui l’avait consolée: – Et ce jeune Homme si accompli que vous me destiniez pour Époux, dit-elle avec dépit, vous ne m’en parlez plus, mon Père? -

De l’Aigle et de la Pie.

Les Oiseaux n’eurent pas plutôt chargé l’Aigle du soin de les gouverner, que celle-ci leur fit entendre qu’elle avait besoin de quelqu’un d’entr’eux sur qui elle pût se décharger d’une partie du fardeau qu’elle avait à porter. Sur quoi la Pie sortit des rangs de l’assemblée, et vint lui faire offre de ses services. Elle représenta, qu’outre qu’elle avait le corps léger et dispos pour exécuter promptement les ordres dont on la chargerait, elle avait, avec une mémoire très-heureuse, un esprit subtil et pénétrant; d’ailleurs, qu’elle était adroite, vigilante, laborieuse, et cela sans compter mille autres bonnes qualités; elle allait en faire le détail, lorsque l’Aigle l’interrompit. – Avec tant de perfections, lui dit-elle, vous seriez assez mon fait, mais le mal est que vous me semblez un peu trop babillarde. – Cela dit, comme elle craignait que la Pie n’allât divulguer, lorsqu’elle serait à la cour, tout ce qui s’y passerait de secret, elle la remercia, et sur le champ la renvoya.

Du Mourant et de sa Femme.

Un Malade tirait à sa fin; cependant sa Femme s’en désespérait. – Ô mort! s’écriait-elle toute en larmes, viens finir ma douleur; hâte-toi, viens terminer mes jours. Trop heureuse si, contente de m’ôter la vie, tu voulais épargner celle de mon Époux. Ô mort, redisait-elle, que tu tardes à venir: parais, je t’attends, je te souhaite, je te veux. – Me voilà, dit la mort en se montrant: que souhaites-tu de moi? – Hélas! répondit la Femme, tout effrayée de la voir si proche d’elle, que sans prolonger les douleurs de ce Malade, tu daignes au plus tôt mettre fin à sa langueur. -

Du Voleur et du pauvre Homme.

Un Voleur entrait pendant la nuit dans la chambre d’un pauvre Homme; au bruit qu’il fit en ouvrant la porte, l’autre, qui dormait, s’éveilla, et jeta d’épouvante un tel cri, que toute la maison en retentit. Le Voleur, qui ne s’y attendait pas, en fut lui même si effrayé, que sans penser au manteau qu’il cherchait, il jeta celui qui était sur ses épaules pour fuir plus vite, et sortit du logis. Ainsi la perte tomba sur celui qui croyait gagner, et le gain sur celui qui comptait perdre.

De l’Homme qui ne tient compte du trésor.

Un Homme fort opulent trouva dans son chemin un trésor. Comme tout lui riait alors, et qu’il ne pouvait s’imaginer qu’il dût jamais avoir besoin de ce qu’il voyait sous sa main, il ne daigna pas se baisser pour le prendre, et passa. Quelque temps après, un vaisseau qu’il avait chargé de ses meilleurs effets, périt avec tout ce qu’il portait, tandis qu’un Marchand faisait banqueroute et lui emportait une somme considérable. Ensuite le feu prit à son logis, et le consuma entièrement, avec tous ses meubles; puis il perdit un procès qui acheva de le ruiner. Alors il se ressouvint de ce qu’il avait rejeté, et courut à l’endroit où il l’avait laissé; mais il n’en était plus temps. Comme il n’était qu’à vingt pas du gîte, un passant moins dégoûté, qui avait découvert le trésor, l’emportait et courait de toute sa force.

Du Lièvre et de la Perdrix.

Un Lièvre se trouva pris dans les lacets d’un Chasseur; pendant qu’il s’y débattait, mais en vain, pour s’en débarrasser, une Perdrix l’aperçut. – L’ami, lui cria-t-elle d’un ton moqueur, eh que sont donc devenus ces pieds dont tu me vantais tant la vitesse? L’occasion de s’en servir est si belle! garde-toi bien de la manquer. Allons, évertue-toi; tâche de m’affranchir cette plaine en quatre sauts. – C’est ainsi qu’elle le raillait; mais on eut bientôt sujet de lui rendre la pareille; car pendant qu’elle ne songe qu’à rire du malheur du Lièvre, un Épervier la découvre, fond sur elle et l’enlève.