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— Bon, dit Rice, après les préliminaires voici ce qui vous intéresse. Il y a d’abord une ligne qui part vers Jacksonville, une autre vers Tampa via Orlando, et une troisième vers Miami qui se prolonge jusqu’à Key-West.

Pendant un quart d’heure il lui donna toutes les précisions nécessaires, pour qu’il puisse tracer au crayon la configuration du réseau avec les parties aériennes et souterraines. Il se contenta de marquer les points indiqués par le commodore, se réservant de les relier ensuite.

— Pouvez-vous me dire ce que vous comptez faire de ça, lieutenant ?

— Je me demande si Quinsey ne s’est pas amusé à connecter un de ces réseaux pour un usage inconnu.

Rice parut sceptique.

— Il aurait dû se procurer une réceptrice de fac-similé, ce qui n’est quand même pas facile. Et dans quel but ?

— Un aérodrome privé peut très bien souscrire un abonnement à un tel réseau ?

— Bien sûr. Mais pourquoi faire quelque chose de clandestin alors ?

— Je me pose la même question. Je trouve que c’est très embrouillé et sans raison apparente. La machine a dû être volée quelque part, ou achetée par personne interposée.

La conversation terminée, Kowask commença à relier entre eux les points tracés sur la carte. Il figurait par des pointillés les réseaux souterrains et par des traits pleins les lignes volantes. Il y avait de grandes chances pour que la liaison avec la ligne clandestine ait été faite dans une partie souterraine.

Au départ de Cap-Canaveral toutes les lignes passaient sous terre. Le plus long tronçon construit de la sorte était celui qui reliait Tampa par Orlando.

Il étudia ses dessins, jusqu’à ce qu’il découvre qu’un canal de drainage longeait pendant un bon mille la ligne du téléscripteur.

— Curieux, dit-il entre ses dents.

Si l’on trouvait la connexion à cet endroit-là, il suffirait de fouiller la région dans un rayon de cinq miles pour découvrir l’endroit où était caché le récepteur de fac-similés.

— Pas possible que Sunn n’ait pas eu la même idée. Et en ce moment il est peut-être en train de mettre la main sur ces gars-là.

C’était peut-être aller trop vite. Il ne serait pas facile de retrouver la boîte de dérivation du fil clandestin, même avec un voltmètre. Les étranges amateurs de météorologie devaient avoir utilisé un compensateur de courant, pour éviter toute chute de voltage. Mais Sunn avait à sa disposition toute une équipe de techniciens qui abattraient le travail en un temps record. Il soupira. Le Commodore ne se souciait pas de l’inégalité de la lutte. Sa vieille animosité contre le principal service de renseignements du pays lui faisait oublier les réalités. Ou alors le vieux renard pressentait autre chose.

Le temps commençait à devenir d’une lenteur infinie, et la nuit ne se pressait nullement de tomber. Il regrettait presque de s’être proposé. Certes Sunn et Hammond ignoreraient qu’il avait pu faire des constatations intéressantes grâce à ses coups de téléphone, mais à quoi cela l’avancerait-il si les agents de la C.I.A. avaient eu la même pensée.

Debout devant le réfrigérateur ouvert, il se demandait ce qu’il allait manger lorsque la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Une série de trois coups brefs, puis une autre. Dans tous les cas ça ne pouvait être ses collègues.

CHAPITRE VI

Fred Compton retira le grand bidon découpé qu’il avait glissé sous la camionnette. Il était plein d’une huile noirâtre qu’il alla jeter un peu plus loin, dans l’ancienne fosse à purin. Il remit en place le boulon de fermeture, fixa la patte d’arrêt et commença de vider l’huile neuve dans le reniflard.

Emily Morland l’observait de l’intérieur de la maison, tout en roulant la pâte à beignets. Le front de son compagnon était soucieux, et elle devinait les pensées qui le préoccupaient.

Quand il entra, une bonne odeur l’environna.

— Oh ! Bonne idée, Emily ! Il mordit dans un beignet.

— Attention, dit-elle, ils sont brûlants. L’homme mastiqua tout en la regardant de telle façon qu’elle lui demanda ce qu’il avait.

— Je pense que ce n’est pas une mauvaise chose que de vivre comme un ménage de retraités sans soucis. Ça m’aide à oublier bien des choses.

Elle se mit à rire :

— Vous vous embourgeoisez, Fred Compton.

— Non, mais je commence à être las, et ce que nous a annoncé Quinsey hier au soir ne me plaît pas tellement.

— Quoi, ce voyage d’une semaine ? Que redoutez-vous ?

Compton prit un autre beignet et le fourra tout entier dans sa bouche.

— Je trouve étrange qu’il s’en aille, alors que certaines choses commençaient à nous paraître surprenantes, comme s’il appréhendait que nous lui posions des questions.

Emily vint mettre un pot de café et des tasses sur la table :

— Les auriez-vous posées, ces questions ? Je ne crois pas mon pauvre Fred Compton. Nous avons l’habitude d’obéir aveuglément depuis des années, et il nous est difficile de faire autrement.

— Avez-vous remarqué qu’il n’avait pas cette vieille Chevrolet verte hier au soir ? Qu’en a-t-il fait ? Il a laissé sa voiture dans le chemin creux, comme s’il souhaitait que nous ne la voyions pas. Malheureusement pour lui, je crois l’avoir identifiée comme étant une Pontiac de l’année dernière. J’ai l’habitude des voitures, et même la nuit j’arrive à les reconnaître.

— Et ça vous avance à quoi ?

— Je ne sais pas encore, mais j’ai un mauvais pressentiment, Emily. Il faut que je sache ce que vaut réellement Quinsey.

Il but la tasse de café qu’elle venait de lui servir.

— Comment allez-vous faire ?

— Il faut que je téléphone à San Francisco.

Mais pas depuis ici par prudence.

Elle mangeait lentement en l’écoutant, et elle avala pour lui répondre.

— S’agit-il de cet homme dont vous me parliez hier ?

— Oui. C’est un vieux militant qui connaît les principaux responsables. Un homme comme Quinsey ne peut lui être inconnu.

Il lui jeta un regard en dessous.

— Vous-même, Emily, pourriez me renseigner, mais vous préférez garder toute votre méfiance.

Elle acheva sa tasse de café, ramassa les miettes de beignets avec la tranche de sa main, et les fit tomber dans sa paume ouverte avant de lui répondre. Il trouvait à tous ces gestes un charme d’intimité. Il aurait voulu oublier toutes ces histoires, la politique, pour s’occuper de cette ferme en compagnie d’Emily. Mais il était certainement trop tard.

— Il ne m’est pas agréable, Fred, de parler de cet homme après ce qui s’est passé entre nous. Je vous ai raconté tout cela hier au soir, et cette nuit je l’ai regretté. Je me sentais honteuse comme une oie blanche.

— Comment l’avez-vous connu ?

— Il m’a été présenté par le responsable de la cellule de l’état d’Alabama, qui paraissait le tenir en grande estime. Quinsey avait fait de la prison pour flagrant délit de propagande communiste. Il était considéré comme un héros.

— De la prison ? Combien de temps ? Elle réfléchit quelques secondes :

— Je crois qu’il a obtenu une réduction de peine.

Compton sursauta.

— Une réduction de peine ? Et quel État est aussi indulgent pour les communistes ? Un État du Nord pour le moins ?

Il ricana :

— On dit qu’ils sont plus libéraux vers là-haut, mais ils ne valent pas mieux que les autres.

— Ni le Sud ni le Nord, le Kansas.

— Ne trouvez-vous pas étrange que sa peine ait été réduite ?