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Comme il s’approchait de l’entrée, une voix coléreuse lui parvint.

— Non, mon vieux, ça ne marche pas. Vous me devez dix dollars et le règlement est formel. Je ne peux vous laisser entrer que si vous payez votre dette et me donnez un acompte pour une semaine.

S’approchant un peu plus, Kowask vit le gardien qui discutait avec son Espagnol. Ce dernier lui tournait le dos et avait les épaules affaissées.

— Laissez-moi aller chercher quelques affaires que je pourrais vendre en ville pour vous payer.

— Maintenant ? fit l’autre sceptique. Tout est fermé à cette heure et vous ferez chou blanc. C’est inutile d’insister. Dix dollars plus trois dollars vingt-cinq cents, faites le compte.

Le petit homme voulut se rebiffer.

— Vous n’avez pas le droit de m’empêcher d’entrer. Je vais appeler la police.

L’autre se montra goguenard :

— Allez-y ! Je suis aussi shérif adjoint, comme tous les gardiens de camp. Qu’avez-vous à me dire ?

Un silence suivit. Le petit homme se balança sur une jambe, puis sur l’autre avant de proposer :

— Écoutez, j’ai un transistor qui vaut trente dollars, neuf. Il n’y a que deux mois que je l’ai. Je vous le laisse en dépôt jusqu’à demain. Vous le garderez si je ne peux encore vous payer.

Le gardien flaira une bonne affaire, mais fit le dégoûté :

— Qui me dit que ce n’est pas un truc volé ? Je serais encore dans une sale histoire ensuite.

— Je peux vous montrer la facture. Je l’ai acheté à Cocoa.

Le gardien regarda autour de lui. Kowask était invisible de l’autre côté de la barrière.

— C’est bon, allez chercher le truc, mais revenez tout de suite, hein ! Ne vous barricadez pas dans votre roulotte sinon il pourrait vous en cuire.

L’Espagnol murmura quelque chose et fila vers l’intérieur du camp. Le gardien le rappela :

— Hé, Rabazin ? L’homme revint lentement :

— Quoi donc ?

— Ceci.

Il lui jeta quelque chose.

— La clé du cadenas que j’ai posé cette après-midi. J’ai passé une chaîne entre la poignée de la porte et la grille de la fenêtre. Vous n’auriez pas pu ouvrir.

Kowask patienta une bonne minute avant de se montrer. Le gardien installé devant un magazine et un verre de bière sursauta.

— Bonsoir, monsieur, vous m’avez surpris.

— Je veux voir le señor Rabazin.

À ce nom l’autre fronça le sourcil, et son visage devint méfiant. Il ne devait pas aimer ce genre de coïncidence.

— Il vient de rentrer. Il vous attend ?

— Certainement.

Le ton ferme ne supportait aucune réplique.

— Allée E, vous verrez la vieille Pacific à la peinture grise écaillée.

Il suivit l’allée principale jusqu’à l’embranchement où la E débutait, tout au fond du camp, loin de l’ombre des pins, et très près de l’arroyo marécageux qui cernait le nord-est de remplacement.

La roulotte de Rabazin était la dernière, et elle ne paraissait pas en bon état. Aucune voiture ne stationnait auprès. L’homme avait dû la vendre depuis longtemps. Une faible lumière venait de la porte ouverte.

Le marin escalada le petit escalier aux marches branlantes, vit son homme en train de glisser un transistor dans son étui en imitation crocodile.

— Bonsoir, Rabazin.

L’Espagnol se retourna vivement, le visage apeuré, les bras écartés du corps, doigts ouverts, en homme habitué à ce genre de situation.

— Je crois que nous avons plusieurs choses à nous dire.

Rabazin avala sa salive et reprit un peu de sang-froid.

— Vous devez confondre, señor. Je ne vous connais pas.

Le sourire de Kowask l’inquiéta à nouveau. Le lieutenant de vaisseau désigna le transistor.

— Le gardien doit l’attendre. J’ai cru comprendre qu’il vous manquait la somme de treize dollars 25 pour être d’accord avec lui.

Il sortit deux billets de dix dollars de son portefeuille.

— Vous feriez mieux d’aller régler cette dette sur-le-champ. Mais évitez de dépasser sa loge pour votre sécurité.

Rabazin prit les billets.

— Revenez tout de suite, dit Kowask grand seigneur en allant s’asseoir sur la couchette de la caravane.

Cinq minutes plus tard l’homme était de retour avec une bouteille de bourbon. Le geste plut à Kowask. Il restait dans cette épave une certaine générosité, un goût bien latin du faste. Il plaça deux verres sur la table rabattante et les remplit.

— À votre santé, señor !

Kowask but une gorgée, regarda l’homme.

— Mexicain n’est-ce pas ? Depuis quand connaissez-vous Peter Quinsey ?

Le Mexicain reposa son verre :

— Six mois environ.

— Vous travailliez pour lui ? L’homme baissa les paupières.

— Jusqu’alors je travaillais pour moi.

Kowask comprit en regardant ses doigts agiles.

— Flambeur, hein ?

— Professionnel, mais ça devient de plus en plus difficile. J’ai eu l’occasion de gagner quelques dollars avec le señor Quinsey.

— Et pour le meurtre de Thomas Ford, combien vous a-t-il donné ?

Le Mexicain pâlit encore et son front se couvrit de gouttelettes de transpiration. Pourtant il continua de regarder le lieutenant dans les yeux :

— Je ne comprends pas.

Le visage du marin se durcit :

— Vous aviez l’habitude de le rencontrer dans un bistrot du côté de Melbourne. Le patron et la serveuse vous connaissent bien.

Une idée folle qui lui était soudain venue. Si elle s’avérait juste, il y aurait de quoi rire longtemps de Sunn et Hammond à l’O.N.I.

Le regard de Rabazin se troubla :

— Je le rencontrais en effet, mais je ne l’ai pas tué.

— Que veniez-vous faire ce soir chez Quinsey ? L’homme réfléchit quelques secondes :

— Qu’attendez-vous de moi au juste ?

— Tout ce que vous savez, ou bien je vous livre au lieutenant de la police locale.

— Sans aucune compensation pécuniaire ?

— Dix dollars au maximum. C’est tout ce que je peux faire pour vous.

— Vous êtes un flic ?

— Non. Mais je représente le gouvernement fédéral.

Le Mexicain but un peu d’alcool et essuya ses lèvres avec sa pochette. Son costume était élimé, mais le pantalon conservait le pli et l’ensemble avait dû sortir des mains d’un bon faiseur quelques années plus tôt.

— Je comprends et c’est plus grave que je ne le pensais.

— Vous êtes intelligent. Êtes-vous vraiment Mexicain ?

— Oui.

— En relation avec les milieux cubains ?

L’homme secoua la tête :

— Non.

— Que vouliez-vous à Quinsey ?

— Lui demander de l’argent. Kowask s’en doutait :

— Un chantage au sujet de Ford ?

— Oui. J’ai réfléchi depuis la découverte du cadavre. Ce ne peut être que Quinsey.

— Pourquoi ?

— Je l’ignore.

Tranquillement Kowask sortit son spécial police 38. Le Mexicain tressaillit mais resta silencieux.

— Vous aviez une raison de le soupçonner de ce crime.

— Il m’envoyait le rencontrer pour qu’il me remette un paquet assez important.

— Qui contenait ?

— Des rouleaux de papier blanc assez curieux. Une fois j’ai regardé, car les paquets n’étaient jamais faits avec un grand soin. Moi je lui donnais une enveloppe qui devait contenir de l’argent.