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Sunn regarda Fred Compton avec un sourire de triomphe.

— Foutez-lui les menottes ! Qu’on le photographie le plus rapidement possible.

Deux hommes entrèrent avec l’émetteur-radio :

— On vient de trouver ça. C’est un appareil à ondes courtes mais avec un drôle de bidule greffé dessus.

Sunn parut bondir sur l’appareil.

— Où l’avez-vous déniché ?

— Pas très loin du chemin reliant la ferme à la route. Ils avaient dû s’en débarrasser avant qu’on ne les coince.

Kowask s’approcha à son tour.

— C’est un modulateur qui traduit les trous des bandes en impulsions radio acheminées par U.H.F.[1].

Sunn paraissait sceptique.

— Est-ce un moyen de communiquer secrètement sans être repéré ?

— Je ne crois pas, dit Kowask. Il se tourna vers Fred Compton.

— Je suppose que tous les renseignements météo était traduits par votre compagne en un code spécial sur bande perforée ?

L’homme parut s’éveiller. Il haussa les épaules.

— Autant vous dire que je ne sais presque rien.

— Répondez-moi sur ce que je viens de vous demander, insista sèchement le lieutenant de vaisseau.

— Si ça peut vous faire plaisir. Emily traduisait en effet toutes les indications de la carte, selon un ordre préétabli. Vous trouverez le code dans un tiroir du bureau.

Sunn se planta devant lui :

— Bien bavard, mon vieux. Tu essayes de nous envoyer sur une mauvaise piste hein ?

Compton le regarda tranquillement. Kowask alla jusqu’à la table qui soutenait la compositrice et trouva le code en question dans le tiroir. Y étaient joints un ensemble d’instructions générales et une feuille qui indiquait l’ordre de traduction. Ces différents documents étaient écrits en clair, simplement tapés à la machine.

Sunn les lui arracha des mains.

— Formidable ! dit-il. Ils étaient tellement sûrs d’eux qu’ils n’avaient pris aucune précaution. Une bonne prise !

Incrédule Kowask le regarda. Comment Sunn n’était-il pas alerté par toutes ces facilités ? En moins de vingt-quatre heures tout marchait pour eux comme sur des roulettes. Il se dit que la vérité, c’était du côté de Rabazin le Mexicain qu’il la trouverait. Non que le pauvre type lui ait dissimulé quoi que ce soit, mais bien pour le rôle qu’il avait joué dans la conspiration de Peter Quinsey.

Pendant qu’il réfléchissait Sunn se frottait les mains.

— Il faudra bien qu’il nous en dise un peu plus, notre prisonnier.

Revenant dans la cuisine il se posta devant lui.

— À quelle heure là vacation-radio ? Compton sourit avec ironie :

— Un peu vite. Vous avez déjà digéré les documents du tiroir ?

Sunn le gifla.

— Attention Compton : maintenant tu es entre nos mains. Ne compte pas t’en tirer par des feintes. Ce soir tu as envoyé un message ?

Compton gardait tout son sang-froid. Il pensait à Emily, à tous les projets qu’ils avaient fait dans la journée. Ils se connaissaient depuis longtemps et ils avaient attendu ces dernières vingt-quatre heures pour oser se faire des confidences. Ils auraient pu réussir. Il s’en était fallu de quelques secondes.

— À quelle heure ?

Compton pensa soudain à Quinsey et une rage folle monta en lui. Il les avait abandonnés. Il les avait trahis.

— Tu réponds ?

Il leva les yeux vers Sunn.

— La vacation était entre huit heures quarante-cinq et neuf heures. Tous les soirs.

— Quelle destination ?

— Cuba.

Kowask regardait Sunn et le vit tiquer. Le nom de l’île les effrayait tous. Depuis la dernière purge de leur service ils appréhendaient les nouvelles boulettes, avec cependant l’espoir de découvrir un jour une information sensationnelle capable d’en boucher un coin au jeune président.

— Tu me prends pour un imbécile ? À quoi sert d’envoyer sous le plus grand secret des renseignements météo que n’importe qui peut capter avec un Braun à dix dollars.

Compton avait toujours été de cet avis. Il ne pouvait fournir d’autres explications.

— Votre combine cache un truc plus monumental. Tout ça, c’est de la frime hein ?

— Je l’avais cru, dit l’homme. Mais c’est tout ce que nous faisions.

— Et d’après toi à quoi servait cette transmission de chiffres codés ?

L’homme soupira.

— Vous allez encore dire que je me fous de vous.

— Vas-y quand même, fit Sunn menaçant. On tâchera d’être patients, jusqu’à un certain point.

Alors Compton répéta ce que lui avait dit Quinsey au sujet des fusées de T.S. 6 sur berceaux radioguidés. Les renseignements météo prévoyaient le temps douze heures à l’avance, et l’angle de tir se modifiait chaque soir au cours de l’émission clandestine. Les Cubains ignoraient soi-disant l’installation de cette base, et c’était pour éviter des allées et venues suspectes que le dispositif était commandé depuis la Floride.

— Pourquoi ne pas vous installer sur l’île ? Dit Sunn.

— Toujours pour éviter une friction avec Castro.

Kowask n’ajoutait aucun crédit à cette histoire. D’ailleurs Compton lui-même n’y croyait pas. Quinsey avait mis sur pied une curieuse machination. Cela ressemblait à de la provocation. Dernièrement les relations de Cuba avec les Soviétiques s’étaient quelque peu rafraîchies, Castro flirtant ouvertement avec les Chinois. Y avait-il là une explication ? Les Russes désiraient-ils provoquer une intervention qui leur permettrait de prouver aux Cubains qu’ils étaient toujours leurs alliés les plus fidèles et les plus puissants ? Sunn paraissait passionné.

— Et où serait installée cette base ?

— Dans un îlot rocheux pas très loin de l’île des Pins. Castro l’a cédé sous bail à une compagnie pétrolière russe. Une société d’état évidemment, pour y construire un dépôt de carburant.

Avec ces nouvelles explications l’hypothèse d’une base de T.S. 6 à proximité de la Floride paraissait moins extravagante. Kowask avait entendu parler de cet îlot, El Cayo Bajo. Un rocher inhabité. Les Russes avaient certainement des intentions cachées à son sujet.

— Il paraît que le service de dépistage radio est très efficace chez Castro et que nous étions en plus grande sécurité ici.

Lorsque Sunn se tourna vers lui, Kowask lut sur son visage qu’il était convaincu. Malgré ses efforts il le cachait mal.

— Drôle de truc, hein ? Ça va faire du bruit chez nous.

Kowask abonda poliment dans son sens. Le commodore Rice en ferait longtemps des gorges chaudes.

— Évidemment il va nous falloir contrôler ces affirmations. C’est le plus embêtant.

Le marin le voyait venir avec ses gros sabots.

— Présenté par nous, le rapport va faire le tour de tous les services. Il sera bien sûr soumis au président en priorité, mais l’étude risque de s’en prolonger. Si l’origine était différente tout irait certainement plus vite.

Son interlocuteur faisait la sourde oreille.

— Dans le fond, dit Sunn avec une jovialité factice, c’est grâce à vous que nous avons fait de tels progrès dans cette enquête. Sans votre intervention …

— Vous exagérez, mon vieux. Je n’ai pratiquement rien fait.

— Mais si. J’ai le défaut de me servir des autres, mais je sais reconnaître mes torts. Nous allons donc rédiger un double rapport similaire sur cette affaire.

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Ultra-hight-Frequency : ondes inférieures à 5 mètres.