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Kowask alluma une cigarette sans le regarder. Il s’approcha de Fred Compton.

— Qui a tué Ford ?

— Je l’ignore.

— Quinsey ?

L’homme battit des paupières.

— Peut-être.

— Où se trouve-t-il maintenant ?

Cette fois Compton ne fut plus maître de lui :

— Il a fui comme un lâche. Depuis hier au soir.

Sunn entraîna Kowask à l’écart.

— Pourquoi ces questions ?

— Je suis chargé d’éclaircir le meurtre d’un marin, non de protéger les installations de Cap-Canaveral et de veiller à la sécurité du pays. Je ne peux faire qu’un rapport strict sur les événements de cette nuit.

Le visage de Sunn se ferma, redevint celui de l’homme qui avait accueilli Kowask au domicile de Ford la veille.

— Vous êtes rancunier, Kowask ?

— Non, mon vieux. Je fais mon métier tel qu’il doit être fait. Les aveux de Compton ne m’intéressent que médiocrement.

— Vous ne les mentionnerez pas dans votre rapport ?

— Non. D’abord ce fameux rapport sera, pour ma part, oral. Le commodore Rice se contentera d’un coup de fil. Ce n’est que lorsque tout sera terminé que je coucherai les détails sur le papier.

— Autrement dit, vous me laissez tomber ? Vous vous foutez bien du destin de votre pays, de ces têtes nucléaires pointées sur nous.

Kowask eut un rire silencieux :

— Doucement, mon vieux ! Je sais simplement que la C.I.A. est mieux équipée pour aller voir de près ce qu’il y a de vrai dans tout ce fatras.

Le regard de Sunn était proprement menaçant.

— Ne croyez pas vous en sortir ainsi. Je vous mentionnerai et on risque de vous convoquer à Washington pour supplément d’information.

— Bon sang, que cherchez-vous donc ? explosa Kowask. On dirait que vous êtes à l’affût d’un incident qui vous permettrait de recommencer le débarquement de l’île de Pinos. Il est vrai que le Cayo Bajo n’en est pas très éloigné.

— Vous avez peur de prendre vos responsabilités ?

— Surtout quand la situation est aussi peu claire. Tout repose sur les affirmations de Compton. Je suis certain qu’il dit vrai, mais Quinsey a dû l’intoxiquer.

Puis, craignant de trop dévoiler le fond de sa pensée, il ajouta d’un ton plus conciliant :

— Restons-en là, Sunn. Ne vous faites pas de souci pour votre rapport. Il trouvera certainement un bon accueil dans les hautes sphères du gouvernement.

Sunn lui tourna le dos, furieux et déçu.

CHAPITRE XI

Le téléphone réveilla Kowask à huit heures du matin. Il s’était couché à quatre. Il eut du mal à rassembler ses idées. La voix du commodore Rice lui parut un acide coulant goutte à goutte dans l’oreille.

— Du nouveau d’abord, annonça son chef. On a retrouvé une Pontiac rose et noire immatriculée FD 19 537, du côté de Selma, dans l’Alabama. Dans un chemin creux, abandonnée. Pas de trace de Quinsey. Il sème ses voitures un peu au hasard, ce type-là.

Complètement réveillé, Kowask alluma une cigarette tout en écoutant le commodore.

— Vous avez du nouveau ? lui demanda enfin ce dernier.

Il lui raconta les derniers événements. Quand il eut terminé, Gary Rice contenait difficilement sa jubilation.

— C’est ahurissant. Je pense que ce rapport va passer dans toutes les mains officielles. Là-dessus on sortira notre Mexicain et …

— Non. Il vaut mieux attendre. C’est Quinsey qu’il nous faut. Il faut qu’on ait tous les détails.

— Ça va demander du temps.

— J’ai relevé le numéro de cette reproductrice de fac-similés. Elle a certainement été volée quelque part. C’est peut-être un indice sérieux.

Il communiqua au commodore la marque et le numéro.

— Je l’ai noté à l’insu de Sunn. Est-ce que je vais à Selma ?

— Un Skyshark vous attend à l’aérodrome d’Orlando. Il vous laissera à Montgomery. Vous trouverez une voiture là-bas et il ne vous restera plus qu’à rejoindre Selma par l’U.S. 80. À peine cinquante miles. Une jolie balade. La voiture a été repérée par la police locale et par chance le capitaine de police est un ancien de la Navy. Il nous a donné la priorité de l’information. Vous avez une solide avance sur Sunn et sa bande de loups.

— Attendez, dit Kowask. Et pour mon Mexicain ?

— Je viens de lui faire envoyer un mandat télégraphique de cinq cents dollars et aussi une adresse à Miami.

J’espère que le gars sera sérieux.

— Je vais lui passer un coup de fil. Je vous rappellerai également dans la journée depuis Selma.

Cinq minutes plus tard, Rabazin, alerté par le gardien du camp, venait à l’appareil. Kowask lui annonça l’envoi d’argent et d’une adresse à Miami.

— Rendez-vous-y sans attendre. N’essayez pas de jouer au plus fin avec nous.

— Ne craignez rien, répondit le Mexicain. Sitôt l’argent empoché je prends le bus.

À dix heures le Skyshark se posait sur l’aérodrome de Montgomery. Un homme portant une casquette de chauffeur s’avança au-devant de lui.

— Mr Kowask ? Je suis employé de Finey and Finey. La voiture est là-bas. Voici les clés. Le plein est fait.

— Dois-je vous ramener ?

— Inutile, monsieur.

Il porta un doigt à sa casquette et tourna les talons. La voiture était une Mercury métallisée. Elle paraissait neuve et n’avait que dix mille miles inscrits au compteur. En une heure il joignit Selma et se rendit directement au siège de la police. Le capitaine Carsen le reçut sur-le-champ. C’était un type trapu au visage lourd éclairé par des yeux bleus.

— J’étais second maître pendant la guerre … C’était quand même le bon temps …

Kowask accepta de discuter pendant quelques minutes avant d’en venir à la Pontiac rose et noire.

— J’avais reçu l’avis du F.B.I. hier au soir, dans la nuit même. C’est un coup de chance. Dans l’après-midi un de mes patrouilleurs l’avait repérée dans un chemin creux qui ne mène nulle part. Il s’était contenté à tout hasard de relever le numéro. C’est ainsi que j’ai pu alerter directement Washington et le département de la Navy.

Il fit pivoter son fauteuil pour faire face à la carte du comté :

— Vous la trouverez ici. Ce matin encore elle y était. Un de mes gars l’a surveillée discrètement depuis une hauteur voisine. Elle paraît bien abandonnée.

Il regarda le lieutenant de vaisseau.

— Besoin de mes hommes ?

— Merci, pas pour le moment.

Dans son portefeuille il prit une photographie de Quinsey chipée à Sunn.

— Ce que j’aimerais savoir, c’est si ce type n’a pas été vu dans la ville dans la journée d’hier.

— Vous me la laissez ? On tâchera de trouver quelque chose.

Il roula vers le nord du comté et trouva facilement le chemin en question. Ce n’était qu’un passage faisant communiquer la route avec des champs de coton abandonnés. La Pontiac était garée sous un groupe de pins et il fallait glisser sur les aiguilles abondantes du sol.

La voiture était fermée à clé. Il examina l’intérieur, aperçut une serviette en cuir noir sur le siège avant. Il hésita une minute, ramassa une pierre et cassa la vitre. Il put ensuite ouvrir la portière, baissa la vitre, du moins ce qu’il en restait pour que son effraction n’apparaisse pas immédiatement, dispersa les débris avant de prendre la serviette. Il éclata de rire. Elle ne contenait qu’un pyjama et une paire de pantoufles. Le vêtement de nuit était d’ailleurs très chic, ce qui confirmait les goûts dispendieux de Quinsey.