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Il freina brusquement et son prisonnier alla percuter le pare-brise. Son compagnon venait de s’arrêter également. Kowask le vit descendre de voiture et s’approcher de lui. Il descendit doucement sa vitre et prit son arme. L’inconnu parlait à voix basse.

— Dis donc, Alan, c’est bien ici, hein ? J’ai bien failli me foutre dedans mais la carrière abandonnée n’est plus très loin.

Il continuait d’approcher sans méfiance.

— Qu’attends-tu pour descendre, hein ? Kowask grommela quelque chose en faisant mine de fouiller dans la boîte à gants. Il était furieux. Tout au long du chemin il avait cru que les deux hommes allaient le conduire directement à l’homme qui commandait Quinsey. En fait, les deux lascars n’avaient été envoyés que pour faire disparaître la Pontiac. Il allait devoir les mettre hors de course tous les deux.

— Hein ? Que dis-tu ?

Comme il allait s’accouder à la portière, Kowask le frappa à la base du nez avec son arme. L’autre hurla et partit en arrière. Il n’eut pas le temps de récupérer. Kowask surgissait de la camionnette et le frappait une seconde fois. Le type s’écroula. Il était d’ailleurs moins costaud que son copain Culross.

Ce dernier était réveillé, et quand Kowask alluma le plafonnier de la camionnette il lui lança un regard mauvais.

— Salut ! dit gaiement le marin. Tu as certainement vu que ton copain est dans le même état. On va discuter un moment tous les trois. Culross renifla d’un air dégoûté.

— On n’a rien à se dire.

— C’est ce qu’on verra. Je vais vous proposer une chose. Où je vous balance dans la carrière avec la camionnette et je descends ensuite pour y mettre le feu, ou bien je vous ramène à Selma. Le capitaine de police vous inculpera seulement pour vol de véhicule. Vous vous en tirerez à bon compte.

Le visage de l’autre se renfrogna :

— Voua êtes un flic ?

— Si tu veux. Culross secoua la tête :

— Perkson et moi on n’a rien à vous dire. Vous pouvez nous balancer en bas si ça vous chante.

— Bien. Mais Perkson a le droit de participer à la consultation. Sors de là.

— Comment voulez-vous que je fasse ? Je suis attaché.

— Débrouille-toi ou je cogne.

Il finit par sautiller dans le chemin.

— Couche-toi à côté de lui.

Kowask avait ficelé Perkson avec de la corde trouvée dans la camionnette. Le gars commençait à reprendre ses esprits. Les phares de la camionnette les éblouissaient tous les deux, et ils ne pouvaient distinguer le visage de Kowask.

— Bien, dit le marin. Culross accepte de faire le saut avec la camionnette et de brûler vif en bas. T’es d’accord ?

L’autre bafouilla :

— Que nous voulez-vous ?

— Ta gueule ! dit Culross. Si on en réchappe ici on sera coincés ailleurs. Mieux vaut la boucler.

Kowask alluma une cigarette.

— Quand vous serez disposés on pourra discuter. Culross, vous acceptez de mourir ? Bien. Votre copain parlera.

Il sortit tranquillement son arme et s’approcha de lui.

— Allons-y ! Il n’y aura certainement personne pour vous regretter et pour me reprocher cette justice expéditive.

Mais le courage de l’autre fondit sur-le-champ.

— Attendez … Que voulez-vous savoir ?

— Qui vous a embauchés, et où se trouve Quinsey, pour commencer.

Les deux types se regardèrent.

— Quinsey ? C’est le petit gars brun au visage de rat ? demanda Perkson d’une voix mal assurée.

Kowask inclina la tête :

— Exactement.

— Inutile d’aller plus loin, dit alors Perkson avec difficulté. Si c’était votre copain vous pouvez prier pour lui. À cette heure il doit être mort.

— Oui, ajouta Culross. Il ne voulait pas dire comment il était arrivé dans le coin. Le patron nous avait chargés de le lui faire avouer. Il se doutait bien que l’autre mentait et qu’il avait planqué sa voiture quelque part.

Kowask fumait silencieusement. Les deux gars se déboutonnaient assez facilement. Pourtant Culross avait commencé par faire des difficultés.

— Et votre patron, qui est-ce ?

— Vous êtes du F.B.I., hein ? Culross posait la question. Il continuait.

— Feriez mieux de ne pas vous occuper des histoires de ce comté et même de l’État. Quinsey était un agitateur communiste. Nous, on les aime pas dans le coin. C’est comme les Négros, et on se méfie.

Kowask croyait comprendre et un grand découragement naissait en lui.

— Personne viendra nous chercher des histoires pour avoir liquidé un salaud pareil. Vous ne trouverez pas un juge pour nous condamner. Notre patron c’est Mr Robbins, le président du Comité de défense civique. On a coincé Quinsey alors qu’il faisait de la propagande auprès des Négros. On l’a un peu malmené et faut croire qu’il était cardiaque car il a crevé.

Même le capitaine Carsen refuserait d’intervenir dans cette histoire, et le commodore Rice lui recommanderait d’agir avec prudence. Kowask s’était vaguement douté du piège que dissimulait toute l’affaire. En fait il avait découvert l’employeur de Quinsey : un groupe puissant d’extrême-droite, un ramassis bien organisé d’anciens maccarthystes, allié certainement à la John Birch Society. Il se trouvait donc en face d’une provocation.

Et Sunn et la C.I.A., aveugles et plus ou moins complices, devaient forcer sur les rapports. Kowask n’ignorait pas que la plupart des agents secrets émargeaient à la J.B.S.

Culross le fixait avec un sourire goguenard :

— Compris, mon petit vieux ? Il faudrait cinquante agents comme vous pour nous avoir. Votre Quinsey a été liquidé et vous feriez mieux de filer. Vous n’allez pas vous casser la tête pour un sale coco, hein ? Même s’il a été liquidé un peu illégalement.

Dans le sud les anciens membres de Ku-Klux-Clan s’étaient tous retrouvés dans la chasse aux communistes. L’entreprise s’était révélée plus facile car ces derniers étaient souvent isolés, alors que les Noirs savaient se défendre. N’importe qui plus ou moins suspecté d’opinions libérales faisait l’affaire de ces ultras.

Kowask resta silencieux quelques secondes puis sourit. Il connaissait désormais la marche à suivre.

— J’étais sur ses traces, expliqua-t-il, et j’étais sur le point de l’arrêter. Culross ricana :

— Ça évitent des frais aux contribuables.

— On vous l’avait donc signalé ? Nous savions seulement qu’il comptait opérer dans le coin, mais sans grandes preuves.

— Et comment qu’on nous l’a signalé ! Jack Robbins est drôlement au courant. C’est ce matin qu’on a appris qu’un saboteur communiste se cachait non loin de chez nous. On a eu vite fait de lui mettre la main dessus.

Il commençait à comprendre. Robbins n’était pas l’homme qui utilisait Quinsey. Le véritable patron se cachait ailleurs et avait dénoncé Quinsey à ce comité de défense civique dirigé par Robbins. Surpris, Quinsey avait dû vouloir se défendre. Ne restait plus qu’à chercher le mystérieux informateur.

— Où l’avez-vous trouvé ?

— Pas loin de chez nous, on vous dit.

— Chez vous ? Où ça ?

— Bessemer. Pas très loin d’ici. Ce Quinsey se planquait dans une maison appartenant à un Négro. Ces salauds nous en font voir ! Faudra qu’on les remette au pas un de ces jours.