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— Qui vous dit que c’était un communiste ? Perkson sursauta tandis que son patron fronçait les sourcils.

— Oui, qui vous a dit ça ? Imaginez qu’il s’agisse d’un agent fédéral. Vous n’échapperiez pas à la justice, Robbins.

L’autre encaissait bien les coups. Il recouvra tout son calme :

— Vous bluffez, n’est-ce pas ?

— Non.

Ils s’affrontèrent du regard.

— Vous avez privé le pays de renseignements précieux. Cet homme était un témoin important et vous l’avez tué sans vous renseigner plus avant.

Robbins essaya de feinter :

— Il faudra le prouver, retrouver le corps d’abord.

— Dans mon service, de telles subtilités sont inutiles. Vous serez définitivement fiché.

Robbins s’emporta soudain :

— Ce n’est pas le langage habituel de la C.I.A. Qui êtes-vous réellement ?

— Je ne suis venu que pour une seule chose, Robbins. Qui vous a demandé de liquider Quinsey ?

Le gros propriétaire terrien tressaillit imperceptiblement.

— Vous n’êtes ici que pour cela, n’est-ce pas ? Pour ce nom ?

Kowask inclina la tête. Il s’était découvert trop vite.

— Me prenez-vous pour un mouchard ? J’ai peut-être commis une erreur en liquidant Quinsey un peu trop vite, mais ne comptez pas que je vous donne l’ami qui m’a ainsi mis dans le pétrin.

— Vous vous foutez de servir de bouc émissaire ?

Perkson lui-même parut horrifié de cette façon de traiter son patron. Robbins, lui, fit visiblement un effort pour se contenir :

— Moi un bouc émissaire ? Je sais que vous essayez de me faire sortir de mes gonds, mais sachez que je ne dépends de personne. Ici, dans ce coin, je suis le maître incontesté. Maintenant, débarrassez le plancher. Essayez de me traîner en justice, de me faire condamner.

S’il ne reprenait pas l’avantage, Kowask savait qu’il était coulé. Non seulement Robbins avertirait son mystérieux informateur mais protégerait encore sa fuite. Lui n’était qu’un rouage dans cette conspiration activiste, essayant de lancer le pays dans une nouvelle aventure cubaine.

Ce fut si rapide que Robbins n’eut pas à bouger. D’un coup de crosse, Kowask étendit Perkson sur le parquet ciré.

— Debout, Robbins. Maintenant c’est à vous de payer. Je retrouverai l’homme qui vous a demandé de tuer Quinsey. Je suis assez costaud pour y parvenir seul. Mais vous, vous devenez gênant pour tout le monde.

Son ton était si menaçant que le colosse se leva.

— Où voulez-vous en venir ?

— Marchez devant moi jusqu’à la camionnette. Je vous emmène jusqu’à l’un de mes chefs.

Il souhaitait simplement que le gros tas de muscles passât devant lui. Alors il le frappa sèchement de la crosse toute l’oreille droite. Le géant grogna et tenta de se défendre, mais un deuxième coup encore plus fort l’assomma. Il tomba sur les genoux comme un taureau frappé, puis glissa sur les côtés. Kowask trouva facilement de quoi ligoter ses deux victimes. Ensuite il verrouilla la porte pour éviter toute surprise. Il mit un certain temps pour réveiller Perkson qui le regarda avec effarement, quand il eut découvert le corps inanimé de son patron non loin de lui.

— Où se trouve le cadavre de Quinsey ?

Lui pinçant le nez il l’obligea à ouvrir la bouche et lui fourra le canon de son arme entre les dents pendant quelques secondes. L’effet fut instantané.

— Dans la dernière écurie. Elle est désaffectée. Il est caché derrière les meules de paille.

— Qui habite cette maison ?

— Mr Robbins, le maître d’hôtel, un valet et trois femmes, des domestiques.

— Robbins n’a pas d’enfants ?

— Une fille mariée et un fils en vacances en Floride.

Perkson ne paraissait pas enclin à mentir. Kowask le traîna jusqu’à un placard construit dans l’épaisseur du mur principal et l’y enferma. Il vérifia les liens de Robbins et sortit.

Les écuries étaient tout au fond de l’immense cour, mais il parcourut la distance rapidement. Il découvrit facilement le corps de Quinsey. Sa vue le fit grimacer. Le pauvre diable avait dû parcourir un lent calvaire avant de mourir. Robbins, Perkson et Culross n’étaient que des sadiques. Quand ils n’avaient pas un nègre à torturer ils étaient capables de s’emparer de n’importe qui d’autre.

Revenu dans le bureau il trouva le propriétaire toujours évanoui. De légers bruits lui parvenaient du placard. Il décrocha le téléphone et appela Washington.

Il ne fut pas peu surpris d’obtenir le Commodore Rice au bout du fil. Il avait pensé ne pouvoir communiquer qu’avec son adjoint. Son chef parut terriblement content.

— Kowask ? Enfin. Il y a des heures que j’attende votre coup de fil, et comme vous ne m’aviez donné aucune adresse …

— Qu’y a-t-il ?

— Tout va mal. Sunn a fait un rapport inimaginable. Il a drôlement forcé sur les révélations de Fred Compton et je vous assure qu’en ce moment il n’y a guère de gens au lit par ici. Un exemplaire a été transmis ici et on nous demande de donner une réponse rapide, c’est-à-dire une appréciation. Pour le moment nous sommes coincés et le peu que nous savons nous empêche de contredire la C.I.A. Où en êtes-vous ?

Kowask lui expliqua ce qu’il avait fait, l’endroit où il se trouvait et quel homme était Robina.

— Vous ne pouvez rien en tirer ?

— Non. Je connais ce genre d’homme. Inutile de l’influencer. Il faudrait trois jours d’interrogatoire pour l’amener à composition.

— Trop long. D’autant plus que j’ai une nouvelle piste à vous donner.

— Laquelle ?

— À partir de la réceptrice de fac-similés. Écoutez-moi bien. Elle a été livrée en 1960 à un petit aérodrome de l’Alabama, situé non loin de la ville de Tuscaloosa.

Kowask n’en croyait pas ses oreilles.

— Non, pas possible.

— Si. C’est un club privé. Très chic et très mondain, dirigé par un certain colonel Burgeon. L’appareil aurait été volé un peu plus tard dans des conditions mal établies, mais la police d’État avait envoyé une description au F.B.I. Je crois qu’il faudra fouiller dans cette zone-là.

Kowask n’écoutait plus. Il voyait la poignée de la porte tourner doucement.

— Un instant, chuchota-t-il.

En trois bonds il fut contre la porte au double battant dont un s’ouvrait peu à peu. La grande dame blonde et charnue qui se présenta n’eut même pas le temps de pousser un cri. La main de Kowask lui obtura la bouche. Elle se débattit cependant avec vigueur. Comme elle ne portait qu’un déshabillé très léger, il eut bientôt sous sa main libre des seins nus et fermes, et une taille lisse bien qu’encore épaisse.

Sans vergogne il utilisa de grands lambeaux du vêtement de nuit pour lui lier les bras et la bâillonner. Revenant au téléphone il sourit du spectacle. Mrs Robbins était totalement nue et point désagréable à regarder. Seules ses cuisses trop fortes et ses hanches rendues grenues par la cellulite trahissaient son âge.

— Allô, commodore ?

— Qu’est-il arrivé ? J’étais inquiet. Kowask lui donna des précisions.

— Donnez-moi d’autres noms de ce club.

— Eh bien, votre Robbins y figure, mais aussi un certain capitaine Charles. Ce type a démissionné de l’armée en même temps que le trop fameux général Walker, commandant la 24e division d’infanterie en Allemagne[2]. De tous c’est certainement le plus dangereux. À vous de faire.

— Que fait ce capitaine ?

— Rien. Et il n’a pas de ressources personnelles. Curieux, n’est-ce pas ?

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2

Le général Edwin Walker commandant la 24° division d’infanterie en Allemagne fut relevé de ses fonctions en avril 1960, pour propagande fasciste dans les séminaires d’orientation de l’armée américaine, soupçonné d’être un partisan de la guerre préventive.