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— C’est selon son humeur. S’il parle, dit Kowask qui n’ignorait pas que le capitaine Charles les écoutait, je le livre au F.B.I. S’il se montre trop obstiné je le descends.

Mc Gregor parut prendre cette affirmation au sérieux.

— Bien sûr, dit-il. Inutile de prendre des risques.

Le vieux comprenait vite et rentrait dans le jeu avec une facilité inattendue chez un type de cet âge. Kowask prit son verre, comme pour donner à boire à son prisonnier, mais ce dernier ouvrit les yeux et eut un sourire froid.

— Inutile. Je suis réveillé. À qui ai-je l’honneur ?

— Ça n’a aucune importance, dit Kowask. Je vous demande simplement de m’écouter pendant cinq minutes.

Il reprit alors toute l’histoire, depuis la mort du premier maître Thomas Ford, jusqu’à la poursuite de Quinsey et la découverte de son cadavre dans la propriété de Robbins. Le commodore Mc Gregor écoutait aussi avec un intérêt très vif.

— Pour me résumer, vous êtes le chef d’un réseau profasciste, cherchant à provoquer l’inévitable entre notre pays et Cuba, sachant très bien que cette affaire peut dégénérer en guerre mondiale.

— Qu’attendez-vous de moi ?

— Que vous reconnaissiez les faits, dit tranquillement Kowask en allumant une cigarette.

Le capitaine Charles se mit à rire :

— Il y a urgence, n’est-ce pas ? N’essayez pas de me tromper, je suis tenu régulièrement au courant par les amis que j’ai au Pentagone. Je sais que notre bluff a réussi. Et c’est normal, car il y a bien assez de temps que nous l’avons monté avec le plus grand soin. Mais ne comptez pas sur moi pour reconnaître les faits. Vous pouvez user de tous les moyens, vous ne m’arracherez rien. Je connais trop bien la nouvelle administration pour avoir la certitude formelle que, dans ces conditions, elle n’ajoutera aucun crédit aux affirmations d’un agent isolé de l’O.N.I.

Kowask fronça tes sourcils.

— Qui vous dit que je suis de l’O.N.I. ?

— Votre physique d’abord. Un ancien marin se reconnaît vite et j’ai l’habitude. Et puis …

Il hocha la tête, la bouche ironique :

— Qui est plus fidèle au président actuel que la Navy ? Qui cherche à déprécier la C.I.A.. ? Il faut toujours que vous cherchiez la petite bête pour contrer vos collègues de l’autre service.

Puis il haussa les épaules :

— Cela n’est rien. Vous êtes incapable de voir que nous sommes dans le vrai, et que tôt ou tard, il faudra en venir là. Vous faites partie de ces indécis nouvelle vague. Quand Cuba sera réellement armée jusqu’aux dents, quand les fusées soviétiques y seront pour de bon, alors vous vous affolerez.

Kowask regarda le commodore. Ce dernier pinçait les lèvres et paraissait sur le point d’éclater. Il intervint, ne voulant pas polémiquer à l’infini.

— Vous avez un endroit où je puis le conserver quelque temps ?

Le commodore se tourna vers lui :

— Oui. La cave. Je l’ai réservée à mon usage personnel. Il y a ma réserve de bourbon et de vins français …

Il rougit :

— Et mon atelier de modèles réduits. Je suis le seul à y pénétrer, et il sera très bien dans une pièce du fond sans soupirail et à la porte épaisse.

Kowask délia les jambes de son prisonnier :

— Je vous conseille d’être compréhensif, dit-il. Je n’ai absolument plus besoin de vous en cet instant. Au moindre geste je n’aurai aucun remords à vous tirer dessus.

Ils s’affrontèrent du regard pendant quelques secondes. Le capitaine avait perdu son air ironique.

— Voulez-vous dire que vous pouvez passer outre mes aveux ?

— Je crois entrevoir une solution en effet. Vous n’êtes plus d’aucune utilité.

— Vous bluffez ?

— Absolument pas.

Le ton ferme, le visage grave de Kowask parurent impressionner Charles. Il se raidit et passa devant lui. Le caveau que lui destinait Mc Gregor était l’endroit idéal pour garder un prisonnier.

— On dirait que vous aviez prévu cette éventualité ?

Nouvel embarras du Commodore.

— À vrai dire … Je suis en compagnie de trois femmes un peu folles et …

Kowask avait envie de rire.

— Non, ce n’est pas ce que voua croyez. Toutes les maisons voisines ont leur abri atomique, alors il a fallu que j’en construise un moi aussi.

Dans le bureau du commodore, Kowask rappela Washington. La voix de son chef lui parvint, elle était mécanique, fatiguée. Cette affaire devait lui donner un souci terrible.

— Il refuse de parler, dit Rice quand Kowask se tut. Bon sang je vais vous envoyer une section spéciale qui se chargera bien …

Kowask l’interrompit :

— Une seconde. J’ai trouvé une autre solution. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je crois qu’il n’y a pas moyen d’agir autrement.

— De quoi s’agit-il ?

Kowask parla pendant plusieurs minutes, et le commodore ne l’interrompit pas une seule fois. Par contre Mc Gregor, les yeux dilatés, l’écoutait avec stupéfaction.

— Bigrement dangereux ! dit Gary Rice quand il eut terminé.

— Oui, mais ça peut être efficace. Une seule condition. Que ce que je vous ai demandé me parvienne rapidement, que la police d’état s’occupe de Robbins et de sa bande …

Il n’osait pas ajouter « et que le capitaine Charles n’échappe pas au commodore Mc Gregor ». Ce dernier comprit et s’avança :

— Dites à Gary que ce type devra me passer sur le corps pour sortir de chez moi. Vous n’aurez aucun souci à avoir.

— J’ai entendu, dit le chef de Kowask. Vous pouvez lui faire confiance. Eh bien, c’est entendu. Tout ce que vous m’avez demandé sera à l’aube chez mon vieil ami. Tous les moyens me seront bons pour vous donner rapidement satisfaction. N’oubliez pas de rester en contact avec moi.

Ayant raccroché, Kowask se souvint en soupirant qu’il lui fallait récupérer sa voiture quelque part du côté de Selma. Il laisserait la Pontiac là où Quinsey l’avait abandonnée.

CHAPITRE XV

Le colonel Burgeon, président de l’Aéro-Club de Tuscaloosa, président du Mouvement local pour le Réarmement Moral, président du comité inter-Comtés de Sauvegarde patriotique, président l’honneur des officiers et sous-officiers de réserve, diacre honoraire de l’église méthodiste, se levait très tôt le matin même si la veille il avait veillé jusqu’à une heure avancée.

Son valet de chambre français, Pierre, le savait bien, et le déjeuner était toujours prêt à la même heure. Ce matin-là, le colonel, l’œil fatigué et la barbe mal rasée, s’installa de mauvaise humeur à sa table. Il détestait veiller aussi tard, et il commençait à trouver que le capitaine Charles exagérait. Quand il n’avait pas ses huit heures de sommeil il ne pouvait pas se raser facilement.

Il but son verre de bourbon avant son café et attaqua de bon appétit le copieux repas du matin.

Sandwiches au poulet, œufs à la tomate et marmelade d’orange.

À huit heures il alluma le premier cigare de la journée, et commença la lecture des journaux. Un titre de dernière heure le fit sursauter :

ARRESTATION PAR LA POLICE D’ÉTAT D’UN RICHE PROPRIÉTAIRE DE BESSEMER.

— Robbins … Pas possible ! Il lut et relut l’article.

— Complicité dans l’assassinat d’un certain. Quinsey. Mais comment ?

Puis son souffle s’oppressa. C’était lui qui avait demandé ce léger service à Robbins. À la suite d’une intervention de Charles.

— Mais comment se sont-ils fait pincer ?