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Il n’y avait pas quarante-huit heures qu’il avait téléphoné à Robbins. D’un bond il quitta son fauteuil, alla jusqu’au téléphone et forma le numéro du capitaine Charles. En vain.

— Que signifie ? Pierre ?

Le valet français arriva à la seconde.

— Appelez un taxi et apportez-moi mes souliers, mon veston !

Dix minutes plus tard il carillonnait au 417 Fort Mins avenue. Charles ne répondait pas et tout paraissait fermé. Il revint au club, n’y trouva que la femme de ménage. Le bar n’était pas encore ouvert. Par acquit de conscience il téléphona au terrain d’aviation. Le gardien n’avait pas vu le capitaine Charles jusqu’à maintenant.

Complètement abasourdi, le colonel revint chez lui où Pierre lui signala qu’un visiteur attendait dans le salon.

— Qui est-ce ?

— Ce monsieur ne m’a pas donné sa carte, dit le valet français avec une expression choquée.

Ouvrant la porte, le colonel Burgeon se trouva devant un homme de trente-cinq ans environ, grand et robuste, les cheveux très clairs, les yeux si bleus qu’ils semblaient blancs.

— Mon colonel ? Capitaine Serge Kowask. Sortant son portefeuille il y prit une carte que le colonel reconnut sur le champ. Il devint pâle, mais garda son sang-froid.

— C.I.A … ? Je ne comprends pas ce que vous me voulez.

Kowask sourit :

— Ne vous méprenez pas, colonel … Je suis un ami du capitaine Charles.

Dans le silence qui suivit, Kowask détailla le visage couperosé et allongé du colonel, les yeux aux poches prononcées, la bouche sensuelle et ornée d’une moustache rêche.

— Mais le capitaine n’habite pas ici, répondit Burgeon.

— Je sais où il habite, dit doucement Kowask, mais je sais également que je ne le rencontrerai nulle part.

Burgeon le regarda avec des yeux soupçonneux.

— Que voulez-vous dire ?

— J’ai appris cette irait que Charles avait été enlevé.

Cette fois Burgeon perdit son calme :

— Enlevé et par qui ?

— Un agent de l’O.N.I. Il est en ce moment séquestré par ces gens-là qui essayent de lui faire avouer toute la vérité sur l’affaire que vous savez.

Burgeon se ressaisissait :

— Je ne sais rien.

— Ne me prenez pas pour un agent provocateur, colonel. Je sais que Quinsey a été tué, et que Robbins votre ami vient d’être arrêté. J’étais au courant de l’opération Cayo Bajo.

Il lui donna encore quelques précisions, mais le colonel ne paraissait pas vouloir se laisser faire.

— Admettons que je sois au courant de tous ces faits assez étranges, qu’attendez-vous de moi ?

— Charles m’avait demandé de venir à la rescousse en cas de coup dur. J’étais cette nuit de permanence au Pentagone. L’affaire y fait grand bruit.

Il serra les dents :

— Il faut que cette affaire réussisse. Sinon nous ne retrouverons jamais l’occasion. Il y va de l’avenir de notre pays, colonel.

En même temps il fixait le militaire droit dans les yeux.

— J’espère que vous n’avez pas peur, mon colonel ?

Burgeon rougit de colère.

— Vous m’insultez, capitaine.

— Je vous vois hésitant, et c’est compréhensible. Mais sachez une chose, ou vous me faites confiance et l’affaire ira aussi loin que nous l’avons voulu, ou vous refusez de me croire et tout sera perdu pour tout le monde.

Le colonel fit quelques pas vers la fenêtre puis revint se planter devant lui :

— Qu’attendez-vous de moi ?

— Il faut que je retrouve Charles. Il ne parlera pas, mais sait-on ce que les autres lui feront ?

Burgeon détourna le regard.

— Robbins ? Vous êtes sûr de lui ?

— Qui vous a dit que je le connaissais ?

— Est-ce faux ?

Le colonel fronçait ses sourcils :

— Charles ?

— Non. Mais j’ai fait facilement la liaison. Vous êtes originaire de ce pays alors que Charles ne s’y est installé que depuis sa démission de l’armée.

Son hôte se détendit :

— Si vous m’aviez répondu que c’était Charles, je vous aurais chassé sur-le-champ. Il ne connaît mes relations avec Robbins que depuis deux jours seulement. Quand il a fallu se débarrasser de ce Quinsey, c’est moi qui ait proposé la solution. Qui a découvert Robbins ?

— Un agent de l’O.N.I.

— Mais alors je suis suspecté moi aussi ?

Kowask eut un sourire froid :

— Certainement, mais pas autant que Charles. Depuis sa démission il est fiché à Washington. Je suppose que cet agent de la marine a dû le découvrir par hasard. Soit qu’il ait demandé une liste des suspects de l’État, soit que Robbins ait entendu parler de Charles.

Burgeon hocha la tête.

— Possible. Charles a écrit certains articles explosifs dans les journaux de l’État.

Kowask réprima un soupir de soulagement. Cette affaire paraissait réglée. Il fallait rassurer complètement la vieille ganache. Il s’y employa :

— Pour moi la réussite de l’affaire importe beaucoup, mais la délivrance de mon ami presque autant. Il faut que vous m’aidiez.

Le vieux grogna.

— Comment ? Charles doit être loin à cette heure ?

— Non. Je sais qu’il est prisonnier du côté de Montgomery. Je dois avoir des précisions dans la journée !

À nouveau le colonel se fit soupçonneux :

— Comment êtes-vous arrivé si vite ?

— Un avion militaire m’a déposé à Montgomery. J’ai loué une voiture avant de venir ici.

— Comment l’arrestation, ou plutôt l’enlèvement de Charles, a-t-il pu vous être signalé ?

— J’ai des amis à l’O.N.I. il y a beaucoup plus de gens favorables à la réussite de cette affaire que vous ne le pensez.

Burgeon paraissait en effet dépassé par les événements. Il avait dû militer au sein de la petite ville, mais l’ampleur de la conspiration devait l’effrayer un peu.

— Maintenant, dit Kowask, il faut prévoir le pire. Je suppose que vous avez des documents importants sur cette affaire ? Un rapport a dû être rédigé au fur et à mesure de son développement ?

Là, Kowask sentait quelques gouttes de sueur couler dans son dos. Il était peut-être allé trop loin et trop vite. Le colonel, le regarda, le visage fermé :

— Et alors ?

— Il faudra prévoir une destruction rapide.

— Nous l’avons prévue.

— Ou une évacuation ?

Nouveau silence angoissant. Burgeon le rompit d’une voix sèche :

— Le capitaine Charles n’avait jamais parlé d’une évacuation mais d’une destruction.

— C’est préférable en effet, dit Kowask sur les charbons ardents.

Le colonel parut se détendre :

— Mais tout ce qui concerne notre activité, celle du réseau Rénovation, devra être sauvé car tout reprendra un jour. Notre activité est légale, mais une perquisition nous serait préjudiciable. Nous n’avons pas envie que la liste de nos adhérents et divers documents soient lus par le F.B.I. ou l’O.N.I.

Kowask approuva de la tête. Rasséréné le colonel alla chercher une boîte de cigares et une bouteille.

— Vous espérez libérer Charles ?

— Oui. J’aurai certainement des précisions sur son lieu de détention dans la journée. Il me faudra alors une équipe de gars solides pour le délivrer.

Burgeon se mit à rire :

— Vous l’aurez. Nous avons organisé une section spéciale. Nous disposons de douze hommes bien armés et rompus au combat. Tous anciens Marines.

— Pourtant il est possible que nous échouions. Le capitaine Charles peut avoir été transféré ailleurs. Il se peut que le gouvernement décide d’agir sans plus attendre.