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De ce côté-là Kowask était paré. Il avait rendu le Chevrolet pour louer dans un autre garage une Buick. Si le colon se renseignait à Montgomery, il apprendrait qu’un avion militaire avait effectivement fait escale à l’aéroport. C’était celui qui amenait à Kowask le matériel demandé, dont la fausse carte de la C.I.A.

CHAPITRE XVI

Kowask se retrouva devant la villa du commodore Mc Gregor aux alentours de onze heures. La femme âgée qui vint lui ouvrir ressemblait au marin, et elle confirma sa parenté en annonçant que son frère se trouvait au fond du jardin.

— Suivez l’allée et vous le trouverez à côté de la pièce d’eau, en train de s’amuser avec un de ses modèles réduits.

À genoux au bord du bassin, Mc Gregor expérimentait la flottabilité d’une coque. Il ne parut nullement gêné d’être surpris ainsi.

— Salut Kowask ! Un instant. C’est la coque du Forestal et je veux que ça aille au poil. Il y a un concours à la fin de l’année et …

— Excusez-moi, mais il faut que je voie notre ami commun.

Mc Gregor récupéra sa coque et se leva.

— Allons-y ! Je lui ai porté un peu de café et des toasts ce matin.

Ce qui fit froncer les sourcils de Kowask.

— Vous êtes entré dans sa cellule ?

— Une arme à la main, rassurez-vous, et en le priant d’aller dans l’angle opposé à la porte sinon je le laissais crever de faim.

Kowask pensa que le vieux marin avait risqué gros.

— Impossible de l’enchaîner ?

— Il y a bien une tuyauterie de chauffage central qui passe là. Je vais tâcher de trouver une chaîne assez solide avec des rivets de bonne taille.

En ouvrant la porte Kowask la repoussa violemment contre le mur. Assis sur une vieille caisse, le capitaine Charles le regardait, le dos très droit, la tête haute, un sourire goguenard aux lèvres.

— Tiens, la flotte au complet, laissa-t-il échapper. Le vieux cuirassier et la vedette rapide. Peut-être trop.

Mc Gregor grogna.

— Ils se font de nous.

— Tournez-vous contre le mur, les mains en l’air. Écartez-vous maintenant, appuyez le bout des doigts contre le mur et mettez-vous sur la pointe des pieds.

— Et si je refuse, fit l’autre toujours persifleur.

— Je vous assomme une nouvelle fois et pour plusieurs heures.

Kowask lui fit relever une jambe et riva la chaîne autour de sa cheville. Il lui laissa une liberté de deux mètres et riva l’autre bout autour d’un gros tuyau de chauffage central.

— Toujours muet, Charles ?

— Votre combine a échoué ? Kowask sourit.

— Ce Burgeon est vraiment d’une naïveté ! Connaissez-vous un certain Patrick Gates ? Nous allons nous envoler ensemble tout à l’heure avec les archives du club. J’ai recommandé à ce vieux colonel de ne pas détruire le rapport ultrasecret que vous avez rédigé sur l’affaire du Cayo Bajo.

Ce n’était pas par pur sadisme qu’il mettait le capitaine Charles au courant. Il espérait provoquer une réaction. L’homme avait pâli, mais ses yeux flamboyaient.

— Un malin, n’est-ce pas ? Un grand malin. Alors si tout marche bien, pourquoi ne suis-je pas entre les mains du F.B.I. Vous craignez de ne pouvoir expliquer cette séquestration peut-être ? Vous me liquiderez lorsque vous aurez ce rapport dans votre poche ?

— Non. Je vous donnerai en cadeau aux collègues de la C.I.A.

Charles ferma les yeux une fraction de seconde :

— Vous êtes un authentique salaud.

Kowask perdit son sang-froid.

— Parce que vous êtes un saint ? Vous cherchez à provoquer une guerre mondiale et vous êtes pur ? Vous et toute la clique de militaristes qui vous entourent, vous savez que la partie est fichue pour vous. Depuis quelque temps vous avez parfaitement compris que la Russie n’attaquera jamais la première. Ce serait trop long pour vous l’expliquer. Et d’ailleurs vous savez de quoi je veux parler. Vous faites partie de ces types intelligents qui ne sont pas complètement aveugles. Il n’y a que les vieux bravaches pour affirmer que les autres attaqueront un jour. Ils ne veulent pas comprendre que cette année seule ils ont eu dix raisons pour nous envoyer leur fusée. Ayant parfaitement assimilé cette vérité, vous et les vôtres avez tout mis en œuvre pour que la guerre éclate quand même mais par voie détournée. La meilleure c’est encore le harcèlement de Cuba. Voilà le point chaud, la plaie qu’il faut titiller le plus cruellement possible. Je suppose que l’affaire du Cayo Bajo n’était pas la seule envisagée, mais que nous découvrirons d’autres projets dans vos archives.

Il se tut, haussa les épaules et tourna les talons. Silencieux, Mc Gregor l’accompagna jusqu’au jardin.

— Vous avez raison, Kowask. Ce sont des types dangereux. Et il y en a des tas comme lui dans les états-majors.

— Je n’espérais rien en tirer, mais je suis venu récupérer son portefeuille.

Le commodore alla le chercher dans son bureau. Il avait un sourire étrange sur les lèvres à son retour.

— Les femmes se doutent de quelque chose mais n’osent rien me demander. J’espère qu’il ne fera pas trop de bruit.

Une fois encore Kowask examina le portefeuille avec attention, fit craquer les coutures.

— Qu’espérez-vous trouver ?

— Je l’ignore.

Il enfouit le portefeuille dans sa poche et serra la main du commodore.

— Je ne reviendrai certainement pas. Des collègues viendront vous débarrasser de votre invité, mais auparavant vous recevrez certainement un coup de fil de votre ami Rice.

Depuis un bar de Montgomery, il appela le siège de l’Aéro-Club, demanda à parler sans délai an colonel Burgeon. Sa voix était essoufflée, son débit rapide.

— Au nom du ciel, Kowask, que se passe-t-il ?

— Préparez-vous à filer. Il y a du grabuge.

— Que voulez-vous dire ?

Le colonel avait une voix effrayée qui fit sourire l’agent de l’O.N.I.

— Je n’ai guère de temps. J’ai trouvé Charles … Ne m’interrompez pas. Malheureusement il a reçu une balle dans le ventre.

— Nom de …

— Oui. Il vit encore mais n’en a pas pour longtemps. J’ai été obligé de le cacher dans la voiture.

— Êtes-vous suivi ?

— Pas pour le moment. Tout est prêt ?

— Le pilote attend au terrain. Écoutez, Kowask, je vais m’envoler avec les papiers et Charles.

Kowask ricana :

— Vous croyez que je vais rester à terre pour agiter mon mouchoir ? Je m’envole avec vous.

Le colonel ne tenta même pas de protester.

— Je passe donc vous prendre, dit Kowask jurant intérieurement contre cette perte de temps. Le vieux semblait vraiment sur des charbons ardents.

— Bien, dit le colonel, je vous attends.

— Si par hasard il y avait un empêchement filez d’ici deux heures, ajouta-t-il pour donner confiance à son interlocuteur.

— Vous croyez que …

— Tout peut arriver, dit Kowask en raccrochant. Ensuite il appela Washington. Il prit le temps d’avaler un café et une part de tarte aux pommes avant de remonter en voiture. Il roula ensuite à une bonne allure sans dépasser la limitation de vitesse. Il ne lui fallut qu’une heure trente pour atteindre le siège du Club dans Main street.

Burgeon devait le guetter, car il fut dans le hall alors que Kowask claquait sa portière.

Le visage ravagé il se précipita vers lui :

— Alors ?

— Doucement, mon colonel, ne donnez pas l’éveil. Vous êtes prêt ?

Burgeon tenait une imposante serviette à la main.