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Cette fois il parut se détendre complètement et s’efforça de perdre son air de dogue hargneux.

— Laissons tomber, Kowask. Après tout, nous aurons certainement besoin les uns des autres.

— À la condition que je reste ici.

— Bon sang, désarmez un peu ! Vous m’avez l’air coriace.

Le marin alluma une cigarette sans se presser.

— Je le suis et ne le cache pas.

— Que voulez-vous dire ?

— Les cours de comédie sont drôlement au point chez vous, continua Kowask. Vous me tendez le miel de la paix, mais vous n’en pensez pas moins.

Il entrouvrit la porte tandis que Sunn, d’abord surpris, éclatait d’un rire franc et sympathique.

— Vous êtes un sacré gaillard. Je ne peux vous empêcher d’être sur vos gardes. J’espère que demain tout ira mieux entre nous.

La main de Kowask esquissa un geste d’incertitude et il sortit dans la tempête. Un sourire aux lèvres, il se dirigea vers sa voiture. C’était peut-être ça, sa mission, contrer les types de la C.I.A. Garv Rice s’en frotterait longuement les mains.

CHAPITRE IV

Kowask reçut le coup de téléphone d’Harry Sunn alors qu’il achevait de s’habiller.

— Besoin de vous, mon vieux. Je pourrais m’adresser à la môme Ford, mais j’aime autant conserver le secret.

— De quoi s’agit-il ?

— On a retrouvé la voiture du pseudo-agent d’assurances. À moitié enfoncée dans un marécage. Le lieutenant Cramer vient de me faire aviser.

— Où se trouve ce marais ?

— Allez jusqu’à New-Smyrna-beach et prenez le chemin à votre droite.

Quand il arriva sur les lieux, après avoir suivi pendant un mille un chemin spongieux et difficile, il trouva une voiture de police et la Buick des agents de la C.I.A. Une dépanneuse était en action.

Sunn vint au-devant de lui.

— Bien dormi ? Je crois qu’on va vers des surprises intéressantes.

Kowask répondit à peine, se dirigea vers le marécage. Le capot seul de la bagnole émergeait. La plaque minéralogique recouverte d’herbes gluantes n’était pas lisible.

Cramer vint le saluer.

— C’est un gars du pays qui nous a prévenus. Votre collègue m’avait demandé hier au soir de surveiller les vieilles Chevrolet de couleur verte. Je ne croyais pas mettre la main dessus aussi vite.

Le marécage ne paraissait pas très profond et Kowask restait assez perplexe.

— Le toit ne devait être qu’à quelques pouces de la surface ?

— Exact, dit Cramer. Le type l’a tout de suite repérée. Il faut croire que les gars étaient pressés de s’en débarrasser.

— Pourquoi ?

— Il y a des coins autrement profonds non loin d’ici. On n’aurait jamais retrouvé la bagnole.

Sunn s’approcha et assena une grande claque dans le dos de Kowask.

— Vous la reconnaissez, hein ?

— Je crois qu’il s’agit bien de la même voiture mais comment en être certain ?

— Le numéro ?

— Je ne l’ai jamais vu. C’est Mrs Ford qui vous a parlé de cette voiture verte ?

— Bien sûr. Nous sommes arrivés alors que vous veniez de passer par le vasistas. Depuis une heure nous surveillions son pavillon. Nous avons été intrigués par le fait que vous aviez éteint et allumé la lampe du living.

— Et vous n’aviez pas vu ce type planqué ?

— Non. Comme nous n’avons pas cru cette femme, quand elle nous a dit que vous étiez parti le coincer et que vous faisiez partie de l’O.N.I.

Kowask resta impassible, mais il estimait que Sunn n’était pas à la hauteur de sa réputation ou qu’il mentait. Cramer, armé d’une longue perche, nettoyait la plaque minéralogique. La dépanneuse commençait de rouler pour remonter la Chevrolet.

— Kansas SN 01453, énonça le lieutenant de police. Certainement une voiture volée.

Immédiatement il se dirigea vers sa voiture et le sergent lança un message sur les ondes. Pendant ce temps Sunn tendait son paquet de cigarettes à Kowask. Ce dernier tira quelques bouffées avant d’attaquer :

— Le plus surprenant c’est votre obligeance. Voua n’aviez nullement besoin de m’avertir de cette découverte.

— Toujours méfiant, Kowask ?

— Plus que jamais. L’autre soupira :

— Vous auriez fini par savoir. Cramer semble vous trouver sympathique et rien ne l’obligeait à garder le secret. Mais vous avez raison. J’ai une idée derrière la tête. Brusquement j’ai eu un pressentiment. Je me demande si nous ne sommes pas sur une affaire très importante. Pour l’instant elle est localisée. Elle pourrait intéresser le F.B.I. Kowask se mit à rire :

— Avez-vous besoin de moi pour vous dédouaner ?

— Peut-être, murmura Sunn. Nous ne sommes pas bien en cour en ce moment. On nous accuse de voir des saboteurs partout et d’être le refuge des derniers maccarthystes. Il y a du vrai là-dedans, mais ce n’est pas drôle tous les jours pour nous. L’aviation nous traite plus bas que terre.

— Ce n’est pas, un marin qui peut vous épauler dans ce cas-là.

— J’ai réfléchi cette nuit. Il serait peut-être bon de faire front ensemble.

Kowask regardait la voiture dont les roues avant mordaient désespérément l’herbe du bord.

— Videz votre sac, Sunn, ce sera beaucoup mieux. Vous avez depuis hier d’autres renseignements ? Qui expliquent votre intervention tardive mais subite ?

Sunn jeta son mégot et l’écrasa avec application. Il paraissait peser le pour et le contre.

— Eh bien, soit ! Vous allez tout savoir. D’abord vous comprendrez pourquoi j’étais aussi hargneux hier au soir. J’avais l’impression qu’une tuile aussi catastrophique ne pouvait tomber ailleurs que sur moi. J’ai cru que vous étiez dans le coin pour assister encore une fois à la déconfiture de la C.I.A.

— Si vous en veniez au fait, dit Kowask agacé par ce long préambule.

— Bon. Nous avons reçu une lettre anonyme. Ford rencontrait souvent des Cubains. On nous citait un nom et le gars est soupçonné d’être un agent de Castro.

Kowask ne put s’empêcher de rire.

— Bien sûr.

— Ça vous fait marrer. Vous savez que le rapprochement des deux mots, C.I.A. et Cuba, c’est comme le contact de deux bornes à haute tension. Nous ne pouvons nous engager à la légère. Je risque ma carrière dans un coup pareil.

— Êtes-vous d’abord certain de ce que dit la lettre anonyme ?

Sunn pinça son nez qu’il avait court et un peu épaté.

— Mon collègue Hammond est en train de vérifier. Je dois le rencontrer avant midi. Vous viendrez avec moi.

— Et ce Cubain, qui était-il ?

— Un certain Farnia. Suspecté de faire de l’espionnage pour Castro, il allait être arrêté quand il réussit à passer dans l’île. Des renseignements venus de là-bas sont formels à ce sujet. Reste à savoir si Ford l’a rencontré réellement. Hammond fait le tour des bars et motels, une photographie de Farnia à la main.

La voiture était complètement sortie de l’eau et ils s’en approchèrent.

— Vide, constata le lieutenant Cramer. On se demande ce que le type a voulu faire avec. Autant la laisser dans un parking. Il aurait fallu des jours pour la retrouver.

Sunn fronça les sourcils.

— Il a raison. On se demande si le gars n’a pas voulu attirer l’attention sur lui. Vous allez voir que nous allons facilement découvrir le propriétaire de cette Chevy.

Le coffre était vide et, dans la boîte à gants, il n’y avait que des objets sans importance. Une lampe-torche, de vieilles ampoules et une boîte de Kleenex dégouttante d’eau. Par acquit de conscience, Cramer l’examina avant de la jeter.