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— Il est prodigieux, me dit le Dr Morton. C’est un cas.

Nous sommes dans une loge ombreuse, en surélévation au fond de la salle, d’où nous pouvons tout voir sans être vus, car un tulle, peint de la même couleur que le mur, nous camoufle absolument.

La Bérurière s’assied sur un tabouret en attendant le retour de son illustre partenaire. Elle est légèrement essoufflée par leurs prestations, mais conserve son sourire de vingt centimètres de large tout en se grattant les jambons.

Dans l’assistance, on est silencieux, impressionné par les prouesses françaises. Ces gens, m’a expliqué Morton, sont depuis plusieurs mois en état de complète frigidité. On a tout essayé, jusqu’à y compris de la cantharide pour essayer de réveiller leur sexualité, mais en pure perte. Morton ne compte guère sur l’exemplarité, pourtant il la tente afin de vérifier si elle provoque au moins un phénomène de nostalgie chez les sujets perturbés.

Alexandre-Benoît revient, armé d’une serviette de toilette dont il se fourbit Coquette avec satisfaction.

— J’en ai profité pour licebroquer un petit coup, révèle-t-il, tout guilleret[5].

D’un mouvement qui se voudrait théâtral, mais qui demeure balourd, il arrache la serviette. Cette fois il est parvenu à faire courber la tête du fier Sicambre. Pour lui, c’est là une sorte de prouesse.

— Av’c d’la volonté, on arrive à tout, annonce-t-il. Bon, à présent, selon l’programme qu’j’vous ai mis au point, v’s’allez avoir droit à la « Pipe de Pan », Méâmes essieux. « L’principal d’l’interprétation va t’ête éguesécuté par maâme Bérurier, ci-jointe. C’t’une personne qui est faite pour l’amour, comme d’aut’y l’sont pour la musique. V’s’avez tous entendu causer d’l’Avenue Mozart qu’était si douée pou’ l’clavercin, qu’a pas quatre ans, ell’ jouait déjà « Les Feuilles Mortes » av’c tous ses doigts d’vant Napoléon III. Eh ben, maâme Bérurier, dont j’vous serais reconnaissant d’applaudir un peu, par politesse, elle est plus douée pour l’amour que l’Avenue Mozart pou’ l’claversin. Et vous savez-t-il biscotte ? Parce qu’c’est une passionnée du cul, pointe à la ligne ! Elle a ça dans l’sang d’puis toute petite, qu’à l’école primaire, déjà, ell’ s’bricolait l’frifri av’c des produits maraîchers qu’j’vous laisse deviner lesquels est-ce. N’est-ce pas, maâme Bérurier ? Oh, faites pas la modeste, j’sais impertinent d’quoi j’cause. Vot’ copine Loulette, qu’est marida à un marchand d’papiers peints d’Lyon m’a mis au courant d’tout, un jour qu’on s’était biberonné un magnume de roteux en p’tit comité. Brèfle, ladies et gentlemants, voici donc, j’vous répète : « La Pipe de Pan », lequel Pan avait pas son bigorneau farceur dans sa poche pour inventer des trucs pareils, j’vous le dis. Pour commencer, je m’assoye su’l’tabouret que voici, les jambes allongées en « V » majuscule, comme un boxeur pendant la minute d’repos ent’deux raoundes. Sur ce, ma p’tite vedette va prend’sa place. Allez, Berthy : à genouxes, l’bon Dieu passe ! Voilà. Et alors, c’que j’voudrais attirer vot’intention, m’sieurs-âmes, c’est que contrairement à c’qui s’pratique en général, maâme Bérurier va travailler sans ses mains. Mettez vos paluches dans vot’ dos, belle Andalouse, qu’l’public y comprend sans l’doute qu’a pas d’trichements possib’. Voilà, merci bien. A présent, méâmes, messieurs, ce qu’y faudrait, c’est qu’vous approchâtes et me surplombâtes, que sinon vous voirez ballepeau. Ayez pas peur, on va pas vous mord’, d’allieurs, ma part’naire aura la bouche pleine. Allez, allez, approchez-vous, j’aime pas travailler pour la gloire ! Soyez pas intimidés : c’est qu’une bite après tout. Si vous vous mettriez à faire des manières, v’s’êtes marrons, les gars. On y va franco ou on reste chez soi à faire la soupe ! Vous, m’sieur, qu’êtes presque nain, installez-vous au premier rang. Parfait. Quand vous voudrez, maâme Bérurier. Faisons pas attendr’ ces braves gens qu’ont d’aut’ chats à fouetter qu’le vôt’, si j’puis me permettre cette hardiesse. Matez bien, méâmes ! C’est surtout un cours dont vous êtes concernées. Vous attaqu’riez vos julots commak, j’suis persuadé que vous obtenez du positif franc et massif. R’gardez, r’gardez ! Notez bien l’attaque : un coup de tyrolienne sur les frangines. Tout d’sute le la est donné ! Popaul enregistre qu’il a bien la ligne. Voiliez comm’maâme Bérurier, ici présente, s’évite d’emballer. Elle retient. N’a pas peur des temps morts. Ell’ sait qu’y travaille pour ell’, le temps, maâme Bérurier. Ell’ butine. Hop ! un petit coup d’menteuse su’ la fleur de lys, en dérapage contrôlé ! V’s’avez t’il vu c’te souplesse ? Ah ! ah ! elle a accusé l’coup, mam’selle Nitouche. J’la sens qui s’apprête à jouer « Debout les morts ». Y a les ondes d’choc qui répercutent jusqu’au recteur. Magnifique, Berthy, tu tiens la grand’forme ! C’qui fait sa force, maâme Bérurier, c’est son agilité languistique. Pour s’entraîner, faut faire ses gammes, mes chéries. Exercice numbère ouane : confectionner des nœuds av’c des queues d’cerises qu’on se place dans la bouche. Quand vous aurez réussi et qu’vous pourrez tourner à vingt nœuds à l’heure, vous s’rez parée pour la première séance. Exercice numbère deux : collez des timbres. Mais alors, j’vous parle d’en dépoter, hein ? J’veux qu’vous seriez capab’d’me timbrer à la langue le courrier de La Redoute en vingt-cinq minutes. Mais je sus là qui dégraisse, r’venons-en à not’démonstration. Maâme Bérurier, ci-dessous, va procéder au coup de l’épagneul breton. Attendez, chère part’naire, je vas m’avancer pour vous laisser toute l’altitude souhaitable, qu’vous auriez vot’champ d’action de grâce dégagé. Ça y est ! Le blaire dans le fouignozof. Faut qu’elle aye confiance, non, vu qu’j’pourrais t’lu en balancer un en pleine poire. Mais maâme Bérurier sait qu’j’sus t’un homme distingué qui s’permettrait pas d’abuser d’la situation. Ça irait où cela si on n’respectait point les règ’du jeu ? Le dommage, méâmes et sieurs, c’est qu’vous n’pouvassiez pas voir de visu l’travail qui s’accomplit présent’ment, tandis qu’je cause, sous mes gesticules. C’est là qu’est le tout grand art. C’est là qu’est la différence ent’la fée Marjolaine et une demeurée profonde. Oh, charogne, ce qu’ell’ vous déménage l’sensoriel, cette maâme Bérurier ! Ah ! la pétasse de merde. Fâche-toi pas, Berthe, c’est par amitié. Continue, continue, j’t’en supplille ! Oh ! c’champignon anatomique qui m’vient, Dedieu de Dieu ! Mordez la came, les mecs. C’est un don, quoi, y a pas à tortiller du cul pour chier droit ! Un don de naissance. Ecoutez : le petit nain pas grand, là, au premier rang, v’s’allez expérimenter le coup de l’épagneul breton. Si, si : j’insiste ! J’veux que vous jugeassiez sur pièce. Pas croire qu’j’monte maâme Bérurier en éping’ sous prétesque qu’elle est mon épouse. V’nez v’s’asseoir, l’nabot. Tu permets, Berthe, que j’lu fasse bénéficier, à c’p’tit nabot de merde ? On voira bien s’il est franc en cale sèche ou bien s’il est récupérab’, c’minus de chiottes ! Là, pose-toi à ma place, Nimbus, ell’ est toute chaude ! Maintenant vas-y, Berthy ! Défonce-toi, ma grande vache ! Pleure pas ta peine, l’Amérique t’regarde. Décontrac’-toi, Tom Pouce ! Laisse usiner maâme. Ferme les chasses si ça t’gên’rait qu’on te regarde monter au fade. Dis, c’est pas bon, ça ? Mais qu’est-ce y l’a à s’gondoler, ce tout ptit con ? Qu’est-ce y raconte, bébé rose ? V’là qu’y rigole d’plus en plus fort ! Qu’est-ce ça veut dire, tickle ? Hein, répondez un peu ? Y gueul’qu’ça le tickle. Chatouiller ? V’s’êtes certain ? L’affreux guenome ! Faut vraiment qu’il aye l’gédéon parti sans laisser d’adresse pour trouver qu’l’coup d’l’épagneul breton chatouille. Mais t’as un courant d’air dans les burnes, dis, mauviette ? Non, laisse quimper, Berthe, on escrime pour la peau. C’est tous des invertimbrés, ces gonziers. Des moudus à part entière. J’vais dire à Morton qu’on déclare forfait. Continuer, dans ces conditions, c’est d’la confiture de foutre donnée à des cochons. Tiens, nain jaune. Prends ces deux tartes pour te calmer les chatouilles, bougre d’amoindri ! Rigoler quand on a le gugus comme d’la barbe à papa, faut êt’décontracte. Fous le camp, avorton ! Allez, ma Berthe, on va s’finir pou’le principe, nous deux. On s’aime. C’est ça qui fait not’force ! Viens qu’j’t’embroque à la gauloise, tout bêt’ment. A la papa. On est des gens simples, moi et toi. Quand j’voye la frime d’ces vilains-pas-beaux, y m’vient des démangements dans les poings. Y’n’méritent pas qu’on s’casse le cul pour leur éblouir le frifri et la zézette. C’est rien qu’des bœufs. Vise leurs yeux : y’n’pensent à rien. Pas même à bouffer. Tu voudras qu’j’te dise ? Le jour qu’les Ruskoffs voudront, y n’auront qu’à s’radiner par l’détroit d’Sibéringe en prétendant qu’y viennent visiter les chutes du Nid à Garat, et y s’f’ront faire marron sans réagir, ces sous-merdes. Tu vois, y z’ont beau ricaner d’la France, mais y ne loncheront jamais comme chez nous. Allez, la Belle, ouv’tes guillemets, qu’on s’en alle en voiliage, les deux. L’amour, c’est pas un métier.

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Si tu es choqué ou si ce long passage dégueulasse t’ennuie, tu peux aller voir à quelques pages de là si j’arrive car je n’en ai pas encore fini. Moi, ça me fait marrer : je suis un vrai gosse !